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Le recours gracieux préalable au Cameroun, trente ans après

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par Grégoire Yves DOUNGUE KAMO
Université de Dschang Cameroun - Master en droit public 2011
  

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B - L'autorité statutairement habilitée à représenter l'établissement
public en cause

« Le recours devant le tribunal administratif n'est recevable qu'après rejet d'un recours gracieux adressé à l'autorité auteur de l'acte attaqué ou à celle statutairement habilitée à représenter la collectivité ou l'établissement public en cause » (Article 17 alinéa 1 de la loi de 2006 précitée).

La formulation de cet article ainsi que celle de l'article 12 de l'ordonnance de 1972 abrogée sont sans équivoque à propos de la personne habilitée à recevoir le RGP des établissements publics.

« En tant que personne morale, l'État ne peut intervenir dans une instance judiciaire que par l'intermédiaire de personnes physiques agissant ou répondant en son nom. Il en va de même pour certains services publics nationaux qui, tout

en disposant d'une Administration et des moyens administratifs propres ne sont cependant pas dotés d'une personnalité juridique distincte de celle de l'État152 ».

L'article 17 de la loi de 2006 ne saurait faire l'objet d'une interprétation hasardeuse en ce qui concerne le destinataire du RGP dans un établissement public. La règle du RGP est incontournable sauf exception. Il va de soi que « l'exercice d'une tutelle administrative ne semble pas modifier cette règle fondamentale 153».

Le mauvais souvenir laissé par le juge de l'Assemblée Plénière de la Cour Suprême dans l'arrêt GUIFFO Jean-Philippe rendu en 1985154 ne saurait hanter la jurisprudence administrative camerounaise de nos jours. Le juge avait fait une interprétation atypique155 de l'article 12 de l'ordonnance de 1972 en admettant que le Ministre de l'éducation nationale était statutairement habilité à recevoir le RGP dans une affaire mettant en cause l'Université de Yaoundé.

Cette jurisprudence ne saurait prospérer dans la jurisprudence camerounaise. Il va de soi qu'en application de l'article 17 de la loi de 2006 précité, l'auteur de l'acte querellé peut être en même temps la personne habilitée à représenter l'établissement public en cause.

L'affaire GUIFFO Jean-Philippe ressemble à certains égards à l'affaire SOBGUI Gabriel Alexis c/ État du Cameroun (Ministère de l'enseignement supérieur, de l'informatique et de la recherche scientifique (MESIRES) et Université de Yaoundé. Cette affaire est objet du jugement n°106/02-03 /CS-CA

152 BIPOUN WOUM (J-M), « La représentation de l'État en justice au Cameroun », Article précité, p.21.

153 OWONA (J), Droit administratif spécial de la République du Cameroun, Ouvrage précité, p.207.

154 Arrêt n°16/A / CS-AP du 13 juin 1985, GUIFFO Jean-Philippe c/ État du Cameroun, arrêt infirmatif du jugement n°40/CS-CA/80-81 du 30 avril 1981, GUIFFO Jean -Philippe c/ État du Cameroun rendu par la Chambre Administrative. (Voir KAMTO (M), Droit administratif processuel de la République du Cameroun, Ouvrage précité, pp.149 et ss.

155À Propos de l'interprétation voir COHENDET (A-M), Ouvrage précité, pp.23-28. L'interprétation faite par la juridiction administrative était nous semble -t-il ni séméiotique, c'est-à-dire basée sur le langage dans lequel est exprimé le texte, ni téléologique ou finaliste c'est-à-dire en fonction de l'objectif visé par la création de ce texte. Cette interprétation était encore moins systémique. Autrement dit, elle ne prenait pas en considération d'autres articles ou éventuellement d'autres règles de droit pour qu'ils s'éclairent les uns les autres. Même fonctionnelle-basée sur l'objectivité-, elle ne l'était pas.

du 27 août 2003156. SOBGUI Gabriel Alexis est enseignant au même titre que GUIFFO Jean-Philippe. Cependant, le dénominateur commun entre ces deux affaires réside moins sur cet aspect fonctionnel que sur le plan processuel. Bien plus, on observe une nuance bien qu'elle soit légère au niveau de cette dernière affaire. Les faits de ce jugement se présentent en ces termes.

Sieur SOBGUI Gabriel Alexis en litige avec l'Université de Yaoundé adresse un recours gracieux préalable au Ministre de l'enseignement supérieur, de l'informatique et de la recherche scientifique en date du 13 novembre 1990. La Chambre Administrative déclare son recours mal dirigé et rejette en conséquence son recours contentieux, motif pris de ce que le RGP du requérant était adressé au Ministre de l'enseignement supérieur, de l'informatique et de la recherche scientifique et non au Chancelier d'Université. En clair, dans cette décision telle que rapportée par M. SIETCHOUA Célestin, la Haute juridiction déclare :

« Attendu cependant que depuis le décret n°73/477du 27 août 1973, l'Université de Yaoundé est placée sous l'autorité d'un Chancelier qui, aux termes de l'article 23 dudit décret est sans nul doute l'autorité habilitée à recevoir le recours gracieux lorsque l'Université est mise en cause, encore qu'il est constant qu'elle est devenue un établissement public doté de la personnalité juridique autonome ».

Par ce raisonnement, le juge de la Chambre Administrative prenait à contre pied son prédécesseur qui, quelques années plutôt, dans l'espèce GUIFFO Jean-Philippe précitée avait fait droit à un recours gracieux préalable adressé au Ministre de l'éducation nationale au lieu du Chancelier d'Université.

La réforme de 2006 somme toute fondamentale ne doit pas être considérée comme une fin en soi pour le recours gracieux préalable au Cameroun, étant donné que la nécessité d'une protection plus accrue des justiciables face à une puissante Administration est toujours d'actualité. C'est pour cela qu'il est

156 Pour une présentation de cette affaire, voir SIETCHOUA DJUITCHOKO (C), Revue de Jurisprudence de la Cour Suprême-Chambre Administrative, Juridis Périodique n°77, janvier-février-mars 2007, pp.56-57.

toujours important que les textes déterminent clairement les autorités habilitées à représenter l'établissement en cause.

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