B - L'autorité statutairement habilitée
à représenter l'établissement public en cause
« Le recours devant le tribunal administratif n'est
recevable qu'après rejet d'un recours gracieux adressé à
l'autorité auteur de l'acte attaqué ou à celle
statutairement habilitée à représenter la
collectivité ou l'établissement public en cause »
(Article 17 alinéa 1 de la loi de 2006 précitée).
La formulation de cet article ainsi que celle de l'article 12
de l'ordonnance de 1972 abrogée sont sans équivoque à
propos de la personne habilitée à recevoir le RGP des
établissements publics.
« En tant que personne morale, l'État ne peut
intervenir dans une instance judiciaire que par l'intermédiaire de
personnes physiques agissant ou répondant en son nom. Il en va de
même pour certains services publics nationaux qui, tout
en disposant d'une Administration et des moyens
administratifs propres ne sont cependant pas dotés d'une
personnalité juridique distincte de celle de
l'État152 ».
L'article 17 de la loi de 2006 ne saurait faire l'objet d'une
interprétation hasardeuse en ce qui concerne le destinataire du RGP dans
un établissement public. La règle du RGP est incontournable sauf
exception. Il va de soi que « l'exercice d'une tutelle administrative
ne semble pas modifier cette règle fondamentale
153».
Le mauvais souvenir laissé par le juge de
l'Assemblée Plénière de la Cour Suprême dans
l'arrêt GUIFFO Jean-Philippe rendu en 1985154 ne saurait
hanter la jurisprudence administrative camerounaise de nos jours. Le juge avait
fait une interprétation atypique155 de l'article 12 de
l'ordonnance de 1972 en admettant que le Ministre de l'éducation
nationale était statutairement habilité à recevoir le RGP
dans une affaire mettant en cause l'Université de Yaoundé.
Cette jurisprudence ne saurait prospérer dans la
jurisprudence camerounaise. Il va de soi qu'en application de l'article 17 de
la loi de 2006 précité, l'auteur de l'acte querellé peut
être en même temps la personne habilitée à
représenter l'établissement public en cause.
L'affaire GUIFFO Jean-Philippe ressemble à certains
égards à l'affaire SOBGUI Gabriel Alexis c/ État du
Cameroun (Ministère de l'enseignement supérieur, de
l'informatique et de la recherche scientifique (MESIRES) et Université
de Yaoundé. Cette affaire est objet du jugement n°106/02-03
/CS-CA
152 BIPOUN WOUM (J-M), « La représentation de
l'État en justice au Cameroun », Article
précité, p.21.
153 OWONA (J), Droit administratif spécial de la
République du Cameroun, Ouvrage précité, p.207.
154 Arrêt n°16/A / CS-AP du 13 juin 1985, GUIFFO
Jean-Philippe c/ État du Cameroun, arrêt infirmatif du jugement
n°40/CS-CA/80-81 du 30 avril 1981, GUIFFO Jean -Philippe c/ État du
Cameroun rendu par la Chambre Administrative. (Voir KAMTO (M), Droit
administratif processuel de la République du Cameroun, Ouvrage
précité, pp.149 et ss.
155À Propos de l'interprétation voir COHENDET
(A-M), Ouvrage précité, pp.23-28. L'interprétation faite
par la juridiction administrative était nous semble -t-il ni
séméiotique, c'est-à-dire basée sur le langage dans
lequel est exprimé le texte, ni téléologique ou finaliste
c'est-à-dire en fonction de l'objectif visé par la
création de ce texte. Cette interprétation était encore
moins systémique. Autrement dit, elle ne prenait pas en
considération d'autres articles ou éventuellement d'autres
règles de droit pour qu'ils s'éclairent les uns les autres.
Même fonctionnelle-basée sur l'objectivité-, elle ne
l'était pas.
du 27 août 2003156. SOBGUI Gabriel Alexis est
enseignant au même titre que GUIFFO Jean-Philippe. Cependant, le
dénominateur commun entre ces deux affaires réside moins sur cet
aspect fonctionnel que sur le plan processuel. Bien plus, on observe une nuance
bien qu'elle soit légère au niveau de cette dernière
affaire. Les faits de ce jugement se présentent en ces termes.
Sieur SOBGUI Gabriel Alexis en litige avec l'Université
de Yaoundé adresse un recours gracieux préalable au Ministre de
l'enseignement supérieur, de l'informatique et de la recherche
scientifique en date du 13 novembre 1990. La Chambre Administrative
déclare son recours mal dirigé et rejette en conséquence
son recours contentieux, motif pris de ce que le RGP du requérant
était adressé au Ministre de l'enseignement supérieur, de
l'informatique et de la recherche scientifique et non au Chancelier
d'Université. En clair, dans cette décision telle que
rapportée par M. SIETCHOUA Célestin, la Haute juridiction
déclare :
« Attendu cependant que depuis le décret
n°73/477du 27 août 1973, l'Université de Yaoundé est
placée sous l'autorité d'un Chancelier qui, aux termes de
l'article 23 dudit décret est sans nul doute l'autorité
habilitée à recevoir le recours gracieux lorsque
l'Université est mise en cause, encore qu'il est constant qu'elle est
devenue un établissement public doté de la personnalité
juridique autonome ».
Par ce raisonnement, le juge de la Chambre Administrative
prenait à contre pied son prédécesseur qui, quelques
années plutôt, dans l'espèce GUIFFO Jean-Philippe
précitée avait fait droit à un recours gracieux
préalable adressé au Ministre de l'éducation nationale au
lieu du Chancelier d'Université.
La réforme de 2006 somme toute fondamentale ne doit pas
être considérée comme une fin en soi pour le recours
gracieux préalable au Cameroun, étant donné que la
nécessité d'une protection plus accrue des justiciables face
à une puissante Administration est toujours d'actualité. C'est
pour cela qu'il est
156 Pour une présentation de cette affaire, voir
SIETCHOUA DJUITCHOKO (C), Revue de Jurisprudence de la Cour
Suprême-Chambre Administrative, Juridis Périodique n°77,
janvier-février-mars 2007, pp.56-57.
toujours important que les textes déterminent clairement
les autorités habilitées à représenter
l'établissement en cause.
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