B - Les exceptions jurisprudentielles en matière
ordinaire
Il est souvent arrivé que la juridiction administrative
camerounaise par sursaut d'orgueil, si on peut le dire ainsi, admette les
recours contentieux malgré l'absence du recours gracieux.
Concrètement, il s'agit des cas de violation de la
loi par le juge, sauf que, une décision de justice
qu'elle soit bonne ou mauvaise n'est pas moins du droit, nous apprend la
théorie positiviste.123
L'exemption du RGP dans certaines affaires a par ce fait
même permis que l'Administration soit directement attraite en justice
sans avoir au préalable arrêté sa position
définitive sur la question litigieuse, comme s'il s'agissait d'un simple
particulier. Dans l'affaire Dame MBOCKA Jeannette, objet du jugement rendu le
28 décembre 1978, la Chambre Administrative s'est abstenue d'invoquer le
caractère d'ordre public du RGP. Son invocation lui aurait permis de
rejeter la requête de Dame MBOCKA. En se comportant ainsi, la juridiction
administrative a tacitement reconnu la validité du recours de cette
dernière en l'absence du recours gracieux préalable.
Dans le même ordre d'idées, la Chambre
Administrative a fait droit au recours d'une Dame qui, à la suite d'un
accident de circulation causé par un véhicule de l'Administration
l'a saisi directement sans recours gracieux préalable. Elle demandait au
juge la condamnation de l'État à lui payer des dommages
-intérêts124 . Cette jurisprudence date de 1966. Elle
nous permet aussi d'affirmer que c'est à la faveur de l'ordonnance de
1972 et de la jurisprudence ITEM Dieudonné de 1978 que la juridiction
administrative a reconnu le caractère d'ordre public du
RGP125. Pour intéressante qu'elle ait été, la
jurisprudence Dame MBOCKA n'a pas prospéré.
La juridiction administrative a d'ailleurs admis qu'un moyen
tiré du défaut de RGP ne peut plus être invoqué si
le juge judiciaire saisi préalablement à tort s'est
déclaré incompétent126.
123 Voir KELSEN (H), Théorie pure de droit, Trad.
EISENMANN, Dalloz, Paris 1962, p. 320.
124 Voir arrêt n°32/ CFJ-CAY du 15 novembre 1966,
Dame LAMI ABSATOU Bi Mohaman c/ État du Cameroun, Cité par
KEUTCHA TCHAPNGA (C), Cours précité et KAMTO (M), Ouvrage
précité, p .42.
125 Voir notre analyse supra.
126 Voir jugement n°45/ CS-CA du 25 mai1982, DZIETHAM
Pierre C/ État du Cameroun et arrêt confirmatif CS-AP, arrêt
n°8/A du 17 novembre 1983, État du Cameroun c/DZIETHAM Pierre. Dans
ce jugement, le juge déclare :
« Attendu que la question de savoir si DZIETHAM a
formé un recours gracieux est vaine car DZIETHAM a d'abord saisi le juge
de l'ordre judiciaire et la procédure devant le tribunal de Grande
Instance ne subordonne pas l'action dirigée contre l'État
à un recours gracieux préalable »
Il importe à présent pour nous d'envisager les
finalités recherchées par l'édiction de ces exceptions.
Parler des finalités de ces exceptions revient à dégager
leurs justifications.
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