PARAGRAPHE- 2 : LES EXCEPTIONS
JURISPRUDENTIELLES
Certaines exceptions à la règle du recours
gracieux préalable tirent leur source dans la jurisprudence
administrative camerounaise. Pour les besoins de l'analyse, force est de
distinguer les exceptions jurisprudentielles relatives à l'urgence (A)
et celles propres aux matières ordinaires (B).
A - Les exceptions jurisprudentielles en matière
d'urgence
L'affaire DJANBOU Maurice c/SOCADIC120, objet de
l'Ordonnance de sursis à exécution n°38 du 27 juin 1997
portant ordonnance de sursis à exécution consacre une
jurisprudence emblématique en matière de sursis à
exécution. Cette décision est d'autant intéressante que
son analyse ne saurait faire économie des faits. En l'espèce,
à la requête de sieur DJANBOU Maurice, Maître BIYIK,
119 Article 16. (1) « Les décisions du conseil ne
sont pas susceptibles de recours gracieux préalable
(2) Elles peuvent faire l'objet de recours en annulation
devant la juridiction administrative compétente, sans que ce recours ne
soit suspensif. »
120KEUTCHA TCHAPNGA (C), « Le régime
juridique du sursis à exécution dans la jurisprudence
administrative camerounaise », Article précité, pp.
87-88.
huissier de justice saisit au domicile, dans les magasins et
bureaux de la SOCADIC des effets mobiliers. L'huissier est sur le point de
vendre les biens saisis lorsque le procureur de la République lui fait
parvenir un message demandant la restitution des biens saisis, à son
sens, de manière irrégulière. Prévenu, DJANBOU
Maurice introduit devant la Chambre Administrative de la Cour Suprême une
requête tendant à la rétractation du message -porté
du procureur de la République doublé d'une demande de sursis
à exécution dudit message.
Ce qui nous intéresse prioritairement dans cette
décision qui pose plusieurs problèmes,121 c'est que le
recours contentieux de sieur DJANBOU n'était pas
précédé d'un RGP. Pourtant, il avait été
déclaré recevable par le juge administratif du sursis. Cette
Ordonnance faisait par conséquent exception à la règle
traditionnelle du recours gracieux préalable. Ce qui n'était ni
plus ni moins qu'une interprétation particulière de la loi.
On sait d'ailleurs que dans plusieurs autres affaires,
toujours relatives au sursis à exécution122, le juge a
admis la recevabilité d'un recours contentieux intenté sans que
le contentieux ne soit lié. À vrai dire, le juge a fait droit
à un recours contentieux prématuré, étant
donné que les délais impartis à l'Administration pour se
prononcer sur le RGP n'étaient pas arrivés à leurs termes.
Ces décisions bien que soucieuses des droits des justiciables, brillent
par leur singularité et n'ont pas fait jurisprudence. Elles sont donc
restées isolées.
Avec la loi de 2006 précité, le problème
ne se posera plus en ces termes, car l'article 18 alinéa 4 dispose sans
ambigüité :
« L'ordonnance prononçant le sursis à
exécution devient caduque si, à l'expiration du délai
prévu à l'article 18 ci-dessus, le tribunal n'est pas saisi de la
requête introductive d'instance ».
121 Par exemple celui de la capacité du juge administratif
à protéger les droits des particuliers.
122 Ordonnance de référé n°05/CS/PCA
du 05 octobre 1992 portant sursis à exécution, affaire SIGHOKO
FOSSI Abraham c/ État du Cameroun (MINSANTE) et Ordonnance de sursis
à exécution n°21/OSE/PCA /91-92, Dame MAYOUGA Yvonne c/
État du Cameroun (MINSANTE).
Le délai dont fait état l'article 18 est de 60
jours. Cet article est donc clair sur le fait que désormais - en
matière de sursis à exécution-, après avoir
adressé le recours gracieux à qui de droit, le requérant
peut directement saisir le juge de la Chambre Administrative sans attendre les
délais du recours contentieux.
Il serait donc bénéfique pour le
requérant d'élaborer un recours gracieux qui vaudra tant pour la
demande de sursis que pour le recours au fond. Dans ce cas à l'issue de
la décision de sursis, il devra tout simplement attendre les
délais si tel est le cas pour saisir le juge.
En matière de référé
administratif, sous l'empire de l'article 122 de la loi n°75/17 du 8
décembre 1975 précitée, il arrivait souvent que le Juge
n'exige pas des requérants le RGP. Tel était le cas dans
l'Ordonnance de référé n°41/OR/CAB/PCA/CS/2003-2004
du 07 juillet 2004, Social Democratic Front c/ État du Cameroun (MINATD
et MINEFIB) précitée où le juge déclare:
« Attendu qu'il ne résulte pas de ce texte
l'exigence d'un recours gracieux préalable, la juridiction saisie qui
est celle du Président statuant en matière d'urgence, laquelle ne
saurait s'encombrer des délais relatifs au recours gracieux sans courir
le risque de voir la situation de l'une des parties en procès
irrémédiablement compromise par l'exécution de l'acte
administratif ».
En matière ordinaire, la juridiction administrative
camerounaise s'est aussi montrée révolutionnaire en recevant
certains recours contentieux qui n'étaient pas
précédés de recours gracieux préalables.
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