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Le recours gracieux préalable au Cameroun, trente ans après

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par Grégoire Yves DOUNGUE KAMO
Université de Dschang Cameroun - Master en droit public 2011
  

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CONCLUSION DU CHAPITRE 1

Ce qui précède conduit à dire que le recours gracieux préalable demeure un moyen d'ordre public dans le contentieux administratif camerounais. Cela est perceptible notamment dans la jurisprudence administrative.

Le législateur et le juge administratif continuent à assortir ce recours des exceptions, qui, ces trente dernières années ont accru en quantité et en qualité

107 Voir SIETCHOUA DJUITCHOKO (C), Thèse précitée, pp.293 et ss.

CHAPITRE-2 : L'ATTÉNUATION DE LA RÈGLE

DU RECOURS GRACIEUX PRÉALABLE

L'atténuation de la règle du recours gracieux préalable est bien une évidence dans le contentieux administratif camerounais. Un tour d'ensemble de la jurisprudence administrative et des textes sur le recours gracieux corrobore cette affirmation. Les exceptions qu'on relève de part et d'autre représentent des atténuations à la règle du RGP. Pour tout dire, on observe de nos jours une multiplication des exceptions à la règle du recours gracieux préalable (Section 1). Les exceptions ainsi consacrées sont diversement justifiées (Section 2).

SECTION-1 : LA MULTIPLICATION DES EXCEPTIONS
À LA RÈGLE DU RECOURS GRACIEUX PRÉALABLE

Les exceptions à la règle du recours gracieux préalable sont à analyser dans une double perspective. En bref, il existe deux catégories d'exceptions à la règle du recours gracieux préalable : les unes découlent des dispositions légales alors que les autres sont de nature prétorienne. Nous analyserons donc successivement les exceptions légales (Paragraphe 1) et les exceptions jurisprudentielles (Paragraphe 2).

PARAGRAPHE-1 : LES EXCEPTIONS LÉGALES

Les exceptions légales à la règle du recours gracieux préalable relèvent essentiellement de deux sources. D'une part, elles découlent de certaines lois en matière électorales et en matière de droits et libertés publiques (A). D'autre part, elles sont relatives à la création du Conseil de Discipline Budgétaire et Financier(B).

A- Les exceptions inhérentes aux lois sur les droits et libertés publiques et
aux lois électorales

Nous analyserons successivement les exceptions inhérentes aux lois électorales (1) et les exceptions propres aux lois relatives aux droits et libertés publiques(2).

1 - Les exceptions inhérentes aux lois sur les droits et libertés publiques

Les revendications des années de braise au Cameroun ont favorisé l'adoption d'une série de lois sur les droits fondamentaux et les libertés publiques. Ces lois recèlent pour certaines des dispositions qui dérogent à l'article 12 de l'ordonnance n°72/6 du 26 août 1972 précitée qui était alors applicable. En clair, ces matières108 peuvent donner lieu à des contentieux qui, bien que ressortissant de la juridiction administrative, ne reçoivent pas application de la règle d'ordre public du recours gracieux préalable. En conséquence les recours qui pourraient être formés sur ces matières sont dispensés de recours gracieux préalable.

Parmi ces lois, on peut mentionner en premier lieu la loi n° 90/056 du 19 décembre 1990 sur les partis politiques. Cette loi énonce en son article 8 alinéa 3 que « Par dérogation aux dispositions de l'article 12 de l'ordonnance n°72 /6 du 26 août 1972 fixant l'organisation et le fonctionnement de la Cour Suprême, le refus de l'autorisation prévue à l'alinéa 2 ci-dessus est susceptible de recours, sur simple requête devant le Président de la juridiction administrative ».

Le refus d'autorisation d'un parti politique dont fait état l'alinéa 2 de ladite loi doit être motivé et notifié au déposant par tout moyen laissant trace écrite. Il doit être explicite, contrairement à l'autorisation d'un parti politique qui peut être tacite après un silence de trois mois à compter de la date de dépôt du dossier auprès des services du Gouverneur territorialement compétent. Après l'accomplissement de la formalité de publicité de la part du Ministre chargé de

108 Il s'agit des droits fondamentaux de l'homme et les libertés publiques.

l'Administration territoriale109, le refus de l'autorisation de création d'un parti politique peut donner lieu à un recours devant le Président de la Chambre Administrative de la Cour Suprême avec dispense du RGP.

Il en est de même des mesures de suspension d'office pour une durée de trois mois de l'activité d'un parti politique responsable de troubles graves à l' ordre public ou qui ne remplit pas les conditions exigées aux articles 5,6,9,10 et 11 de la loi sur les partis politiques110.

Dans le même ordre d'idées, la décision par laquelle le Ministre en charge de l'Administration territoriale dissout un parti politique peut être attaquée devant la Chambre Administrative sans que le plaignant ait formé au préalable un recours gracieux111 .

On mentionnera en second lieu la loi n°90 /053 du 19 décembre 1990 sur les associations. D'après l'article 13 alinéa 3 de cette loi, « Par dérogation à l'article 12 de l'ordonnance n°72/6 du 26 août 1972 fixant l'organisation de la Cour Suprême, les actes prévus aux alinéas 1 et 2 ci-dessus sont susceptibles de recours sur simple requête, devant le Président de la juridiction administrative. Ce recours doit intervenir dans un délai de dix (10) jours à compter de la date de notification à personne ou à domicile. Le Président statue par ordonnance dans un délai de dix (10) jours ».

Les actes mentionnés aux alinéas 1et 2 sont les décisions du Ministre de l'Administration territoriale portant suspension ou dissolution d'une association. Ils peuvent ainsi être portés directement devant le Président de la juridiction administrative112 dans un délai de 10 jours.

109 Le Ministre de l'Administration territoriale est exclusivement compétent selon l'article 7 de la loi n°90/056 précitée pour autoriser l'existence légale d'un parti politique.

110 Article 17 alinéa 1 de la loi n°90/056 précitée.

111 Article 18 alinéa 2 de la loi précitée.

112 Voir jugement n°97/2005-2006/CS-CA du 14 juin 2006, Association Commune Internationale des Femmes Messagers du Christ (CIFMC) c/ État du Cameroun (MINAT et Madame LEMOTIO née ELELONGUE NDINE Solange Alvine. Dans ce jugement, le juge déclare : « Attendu qu'il ressort de l'article 13 alinéa 3 de la loi n°90/53 du 19 décembre 1990 portant sur la liberté d'association que par

En troisième lieu, le contentieux de la saisine des journaux est dépourvu de l'exigence d'un recours gracieux préalable. Ceci ressort de l'article 14 de la loi n°90 /052 sur la liberté de Communication sociale dans son ancienne rédaction qui considérait la saisie des journaux comme un cas d'urgence. Cependant, l'article 17 nouveau alinéa 2 de ladite loi issue de la loi n°96/04 du 04 février 1996 portant modification de la loi sur la liberté de communication sociale expose que :

« La décision de saisie ou d'interdiction est susceptible de recours. Dans ce cas, le Directeur de publication saisit le juge compétent en référé d'heure à heure ou suivant les dispositions légales analogues en vigueur dans les provinces du Nord-ouest et du Sud-ouest ».

Il résulte de cette disposition que désormais c'est le juge judiciaire qui est compétent en cas de saisie ou d'interdiction des journaux.

Certaines opérations électorales au Cameroun peuvent aussi donner lieu aux litiges où les requérants n'ont pas besoin de satisfaire l'exigence du recours gracieux préalable.

2- Les exceptions en matière électorale

Il ressort de l'article 33 la loi n°92/002 du 14 août 1992 fixant les conditions d'élection des conseillers municipaux113 que tout électeur ou candidat peut demander la nullité les opérations électorales de la Commune devant le juge administratif. Ces contestations sont dispensées de recours gracieux préalable et

dérogation à l'article 12 de l'ordonnance n°72/6 du 26 août 1972,fixant l'organisation de la Cour Suprême, le recours contre une suspension des activités d'une association se fait par simple requête devant le Président de la juridiction administrative ».

113 Ces articles disposent respectivement :

Article 33 : « Tout électeur et tout candidat a le droit d'arguer de nullité les opérations électorales de la Commune devant le juge administratif »

Article 34-1 : « Par dérogation aux dispositions de l'article 12 de l'ordonnance n°72/6 du 26 août 1972 fixant l'organisation de la Cour Suprême, les contestations font l'objet d'une simple requête devant la juridiction administrative ».

ne font l'objet que d'une simple requête devant la Chambre Administrative de la Cour Suprême114.

Cette disposition a été respectée lors des contestations nées des élections municipales du 21 janvier 1996 au Cameroun115.

Dans le même ordre d'idées , l'article 26 nouveau alinéa 1 de la loi n° 2006/010 du 29 décembre 2006 modifiant et complétant certaines dispositions de la loi n° 92 /002 du 14 août 1992 fixant les conditions d'élection des conseillers municipaux expose que la décision d'acceptation ou de rejet d'une liste de candidats peut être portée devant la juridiction administrative compétente par un candidat , un mandataire de la liste , et tout électeur inscrit sur la liste électorale de la Commune concernée. L'article 33 nouveaux quant à lui habilite tout électeur, tout candidat, tout mandataire ou toute personne ayant qualité d'agent du gouvernement pour l'élection, à demander l'annulation des opérations électorales de la Commune concernée devant la juridiction administrative compétente. Plus intéressant est l'article 34 alinéa 1 nouveau qui dispose clairement : « Les contestations font l'objet d'une simple requête et doivent intervenir dans un délai maximum de cinq (05) jours suivant sa saisine ».

Il faut relever d'emblée qu'une infime partie du contentieux électoral ressortit à la compétence de la juridiction administrative à savoir le contentieux né à l'occasion de l'élection des conseillers municipaux116.

114 Voir OLINGA, (A.D) « Contentieux électoral et état de droit au Cameroun », Juridis Périodique n°41, janvier- février- mars 2000, p. 35.Voir aussi KEUTCHA TCHAPNGA (C), Contentieux administratif, Cours précité. Voir aussi ABA'A OYONO (J.C), La compétence de la juridiction administrative en droit camerounais, Thèse Droit, Université de Nantes, 1994, p.105.

115 Voir MBARGA NYATTE (D), « Sociologie du contentieux relatif aux élections municipales du 21 janvier 1996 au Cameroun », Article précité, p.83.

116 Certains litiges relatifs aux élections ont été attribués au Conseil Constitutionnel crée par le titre 7 de la loi constitutionnelle du 18 janvier 1996. L'article 48 alinéa 1 de cette loi expose que « Le Conseil Constitutionnel veille à la régularité de l'élection présidentielle, des élections parlementaires, des consultations référendaires. Il en proclame les résultats ». L'alinéa 2 du même article poursuit en ces termes : « En cas de contestation sur la régularité de l'une des élections prévues à l'alinéa (1) ci - dessus, le Conseil Constitutionnel peut être saisi par tout candidat, tout parti politique ayant pris part à l'élection dans la circonscription concernée ou toute personne ayant qualité d'agent du gouvernement pour cette élection ».

On peut aussi relever pour le souligner le fait que la loi fixant les conditions d'élection des députés à l'Assemblée nationale permettait déjà à toute personne intéressée par les résultats du scrutin de saisir directement le juge compétent117.

La création du Conseil de Discipline Budgétaire et Financier participe aussi de la mise en évidence des exceptions légales à la règle du RGP.

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"Un démenti, si pauvre qu'il soit, rassure les sots et déroute les incrédules"   Talleyrand