B - Les motifs d'irrecevabilité des recours
gracieux collectifs
L'intérêt pour agir en justice doit être
personnel94 et non collectif, exception faite des actes
indivisibles. Nous savons qu'un acte collectif est un « ensemble de
décision individuelles solidaires entre elles95 ».
On peut distinguer la requête collective personnelle dans le cas
où il y a pluralité de requérants et la requête
collective réelle quand elle est relative à une pluralité
de décisions96.
Il nous semble que ce raisonnement peut valoir pour le recours
gracieux collectif. Il va sans dire qu'il est tout à fait possible
d'exercer un recours personnel contre un acte collectif divisible.
La différence entre acte collectif et acte indivisible
est évidente. Entendu littéralement, un acte indivisible est
celui qui pris à l'égard des administrés est telle que ses
dispositions ne peuvent être divisées ou séparées
les unes des autres. Les actes collectifs bénéficient du principe
de l'intangibilité des effets individuels des actes
administratifs97. Tant est qu'ils créent des droits et des
obligations et donc font grief. Un acte indivisible peut être un acte
réglementaire ou non, dont les dispositions forment un bloc
indivisible.
Le recours gracieux collectif contre un acte indivisible est
recevable puisque dans ce cas, les dispositions contre lesquelles le recours
est intenté ne peuvent
93 Jugement n°59/2009 /CS-CA du 11 mars 2009,
KOE Jr Jean Patrice c/État du Cameroun (PR) ; jugement n°79/2009
/CS-CA du 25 mars 2009, SANGALE MAGBEKA Jules Alain c/État du Cameroun
(PM) ; jugement n°81/2009 /CS-CA du 25 mars 2009, Madame OWONA née
MINKUE Laure c/État du Cameroun (PM).
94Voir KAMDEM (J.C), «
L'intérêt et la qualité dans la procédure
administrative contentieuse », RCD, Série II, n°28, 1984,
pp.67 et ss. Voir aussi JACQUOT (H), Article précité, p.116.
95 BOCKEL (A), Droit administratif, Série
manuel et traités, NEA, CREDILA Dakar, 1980 p.196.Cité par BILONG
(S), Note sous affaire NABION Maurice c/Université de Yaoundé,
jugement n°44/92/93/CSCA du 24 juin 1993, Juridis Périodique
n°49, janvier-février-mars 2002, p.34.
96 Voir MBARGA NYATTE (D), « Sociologie du
contentieux relatif aux élections municipales du 21 janvier 1996 au
Cameroun », Juridis Périodique n°45, janvier
-février - mars 2001, pp.78-86, p.79. L'auteur cite CHAPUS (R), Droit du
contentieux administratif, Ed Montchrestien, 1982, p.196.
97 BILONG (S), Note précitée, p.34.
être séparées les unes des autres. En
France, les recours contre une partie des actes indivisibles sont irrecevables
parce qu'ils amèneraient le juge à se prononcer sur l'annulation
totale98.
La Chambre Administrative de la Cour Suprême dans sa
jurisprudence récente rejette toujours les recours gracieux collectifs
dirigés contre les actes divisibles. Dans l'affaire CHOUALA Yves
Alexandre c/État du Cameroun précitée, le recours gracieux
versé dans la requête est dit collectif parce qu'il est
formé par 74 personnes dont le recourant. Ces personnes exigent de
l'Administration le reclassement qui n'est rien d'autre qu'un acte individuel,
comme le précise fort bien la juridiction administrative.
À toutes fins utiles, relevons que les
collectivités, les syndicats99, les associations les
sociétés commerciales entre autres peuvent défendre les
droits de leurs membres devant la juridiction administrative. Les partis
politiques sont souvent admis à exercer des recours
collectifs.100
Les groupements régulièrement constitués
peuvent ainsi exercer des recours gracieux collectifs en vue d'une
éventuelle défense d'un intérêt qui leur est propre
en tant qu'intérêt collectif des personnes qu'ils
représentent. Les recours gracieux exercés par des personnes
morales ne sont pas ipso facto des recours gracieux collectifs.
À titre illustratif la Chambre Administrative de la Cour Suprême a
eu à se prononcer sur des recours exercés par nombre de ces
personnes morales précitées101.
Les recours gracieux collectifs exercés contre les
actes divisibles sont systématiquement rejetés par la juridiction
administrative. Tel était notamment le
98 Sur la notion d'acte indivisible, voir CHAPUS (R),
Droit du contentieux administratif, Ouvrage précité,
pp.777-780.
99Voir KAMDEM (J.C), Article précité,
p.68. Le syndicat agit en vue de la défense de l'intérêt
professionnel de ses membres.
100 Voir MBARGA NYATTE (D), « Sociologie du contentieux
relatif aux élections municipales du 21 janvier 1996 au Cameroun
», Article précité.
101 Voir jugement n°130 /05-06/CS-CA du 12 juillet 2006,
collectivité MVOG-NKILI c/ État du Cameroun ; jugement
n°91/2008/CS-CA du 13 août 2008 , Groupement BABOUANTOU c/
État du Cameroun(MINAT)et Groupement BANGOU, jugement
n°83/2008/CS-CA du 18 juin 2008,Syndicat national des professionnels de la
comptabilité c/ État du Cameroun (MINEFI) ; Ordonnance de sursis
à exécution n°039/OSE/CAB/PCA/CS/ 03-04 du 05 juillet 2004,
Association des témoins de Jéhovah c/ État du Cameroun
(MINUH).
cas de les affaires MBENOH Joseph et BELL BELL II c/
État du Cameroun (PM), objet du jugement n°84/2008 rendu le 18 juin
2008 par la Chambre Administrative de la Cour Suprême et l'affaire BOLO
MBADE Joseph Jérôme c/ État du Cameroun (Ministère
de la culture), objet du jugement n°133/2008 rendu le 18 juin 2008.
Plusieurs autres décisions s'inscrivent dans la même optique et
illustrent per se cette tendance jurisprudentielle102.
Il est sans doute nécessaire de jeter un regard
critique sur ce rejet systématique des recours gracieux collectifs par
la juridiction administrative camerounaise.
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