Chapitre 2 : Un contexte juridique et des logiques
pénales en profondes mutations
Alors que la départementalisation des SPIP est
actée, des évolutions législatives majeures les affectent.
Ces évolutions sont fondées sur la notion de dangerosité
pénale, réactivée par des faits divers médiatiques
(2-1). Conjointement, les droits des personnes placées sous main de
justice sont renforcés par la juridictionnalisation de l'Application des
Peines et le renforcement des aménagements de peine, comme le placement
sous surveillance électronique (2-2).
2-1 La construction politique de l'objet «
dangerosité »
2-1-1 Un changement de finalité des politiques
pénales dans les pays anglo-saxons
Au sein de l'OCDE, on assiste à un essoufflement des
finalités sociales de la justice pénale. Dans les années
70, les politiques répressives néo-libérale du « law
and order » dans les pays anglo-saxons ont engendré un recours
massif à l'incarcération aux États-Unis avec une
augmentation de 320% du nombre de détenus entre ces années 70 et
les années 2000. En proportion, on incarcère 20 fois plus aux
États-Unis que dans les autres pays de l'OCDE12. La
traditionnelle recherche des causes sociales de la délinquance et le
traitement correctif des délinquants sont concurrencés par de
nouvelles finalités comme la régulation du risque de
délinquance et la protection de la société par le
contrôle des personnes dangereuses.
12 Organisation de coopération et de
développement économiques
Apparaît ici une notion de « gouvernance du crime
» [CHANTRAINE, CAUCHIE, 2006, p 13] où le but n'est pas de
répondre à des déviances individuelles ou à des
problèmes sociaux mais de réguler les niveaux de déviance
et de rendre le crime tolérable par une gestion systémique et une
efficacité procédurale et organisationnelle de la
prévention et de la répression. La prison est destinée
à contrôler les délinquants les plus dangereux sans
objectif particulier de réinsertion.
L'intervention des professionnels consiste à
déterminer si la personne, placée sous main de justice, a un
degré de risque lui permettant de bénéficier par exemple
d'un aménagement de peine.
Cette nouvelle pénologie [FEELEY, SIMON, 1992]
désigne ainsi le « passage d'une pénologie axée
sur l'individu, sa punition ou bien son traitement à une
pénologie axée sur la gestion de groupes à risques, leur
surveillance et leur contrôle afin de réguler les niveaux d'une
délinquance considérée comme normale »
[DELANNOY-BRABANT L., 2008].
On passe d'un modèle réhabilitatif à une
gestion stratégique et administrative de populations à risques :
les discours et pratiques sont « outillés par le calcul du
risque » et traduisent « l'avènement progressif d'une
rationalité pénale, non plus orientée vers les individus
et leur transformation, mais vers la gestion efficace de populations
collectives » [CHANTRAINE, CAUCHIE, 2006, p13].
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