1-1-2 Un morcellement du secteur social initié par la
culture du contrat
En trois décennies, les travailleurs sociaux sont
passés d'une pratique et d'une culture communes à un morcellement
des acteurs du social dû à rationalisation des pratiques dans une
logique gestionnaire qui contribue à les transformer en «
intervenants du singulier » [ION, 2006], face à un public
fragilisé par la pauvreté de masse.
On observe un glissement terminologique avec
l'émergence de termes comme « intervention sociale " ou «
intervenants sociaux », la notion d'intervenant marquant une
indétermination, une forme de fin du processus de professionnalisation
car ce terme englobe les professionnels et les bénévoles ou bien
des professions en contacts de publics spécifiques qui ont grandement
évolués avec le chômage de masse.
Le processus de reconnaissance du travail social est apparu
dans le contexte des « trente glorieuses " où des modalités
de rapports entre l'usager et le travailleur social se sont mises en place, ont
été transmises par les IRTS et ont permis une
professionnalisation des pratiques adaptées à des publics
ciblés (toxicomanes, sans domiciles fixes par exemple). Ce lien entre
usagers et travail social est grandement complexifié : aujourd'hui,
architectes, urbanistes, économistes, géographes, sociologues
apportent d'autres références et d'autres rapports au temps et au
politique que les travailleurs sociaux « traditionnels ".
Ainsi les formateurs du GRETA, ou bien de l'AFPA ou bien les
agents du Pôle Emploi, mais également tous les acteurs de la
Politique de la Ville et des politiques transversales de lutte contre
l'exclusion, peuvent développer des aptitudes traditionnellement
utilisées par les travailleurs sociaux. Le développement de la
pauvreté de masse a, de surcroît, remis au goût du jour le
bénévolat avec les militants des restos du coeur ou d'autres
organisations caritatives, ou bien les semi-professionnels des fondations, par
exemple. Il existe, ainsi, une mise en cause des Travailleurs Sociaux qui
vient, dans un premier temps, de leur mise en concurrence avec les
bénévoles ou les semi-professionnels mais, également, de
la nécessité pour tous les métiers de contact, dans les
zones difficiles notamment, d'utiliser des techniques d'entretien dans le face
à face avec l'usager.
Le pilotage des nouveaux dispositifs qui ont accompagné
les lois de décentralisation a nécessité le recrutement de
cadres qui viennent des sciences de l'administration et de la gestion.
Une première scission s'est opérée entre
les personnes en contact avec le public : « le front " et les personnes
assurant la gestion des équipes de travailleurs sociaux : «
l'arrière " [ION, 2006] et ceux pilotant les dispositifs des politiques
transversales. Il y a eu division du travail des travailleurs sociaux et
apparition de nouveaux objectifs avec une nécessité de rendu
compte et d'un suivi financier de chacune des actions collectives
engagées par les services.
Le public a subi, lui aussi, des évolutions dues
à la dégradation de la situation économique et les
travailleurs pauvres constituent, par exemple, un public pour lequel les
dispositifs classiques ne trouvent plus de réponses
prédéterminées. C'est cette nouvelle singularité
des publics qui a permis le développement en parallèle et la
résurgence du bénévolat dans l'action sociale et du
parcellement des professions d'aides à la personne et d'aide sociale
dans les structures associatives, par exemple à visée caritatives
[ION, 2006].
Ces éléments contribuent à
l'émiettement des métiers du social et à une perte de
reconnaissance des travailleurs sociaux, notamment dans leur formation
initiale.
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