Conclusion de la première partie
Entre 1999 et 2010, une succession de lois ont modifié
en profondeur l'action des SPIP et le droit de l'exécution des peines.
Le placement sous surveillance électronique s'est imposé comme la
mesure la plus reconnue de l'Administration Pénitentiaire, avec
l'incarcération classique, malgré un développement des
mesures suivies en milieu ouvert. Cette mesure est massivement utilisée
depuis 2005. Les programmes de prévention de la récidive sont mis
en oeuvre depuis 2007 et la Loi pénitentiaire du 25 novembre 2009
consacre le diagnostic à visée criminologique comme coeur de
métier pour les CPIP, sous fond de critique générale du
travail social et de changement latent de logique pénale. Ces
évolutions constantes ont modifié en profondeur l'organisation
des SPIP et la définition de leurs missions. Les CPIP sont les acteurs
de ces changements institutionnels.
Majoritairement féminin et diplômé en
droit, ce groupe professionnel a connu des recrutements croissants entre 2004
et 2010. Un mouvement social important est venu traduire les tensions le
traversant en 2008 sur des problématiques statutaires, seules
susceptibles de fédérer les syndicats. On retrouve le même
phénomène chez les surveillants pénitentiaires :
« On peut en outre noter que cette conception de la
professionnalisation se révèle assez réductrice. De la
part des organisations de surveillants, elle conduit bien souvent à
« la fermeture et [au] "protectionnisme" des acquis »
[GIACOPELLI, 1993, p. 303] les syndicats jouant un rôle
"exclusif" réducteur. Divisées, les organisations syndicales de
surveillants peuvent être promptes à se rassembler sur les
problèmes catégoriels tournant autour de quelques axes faciles
à identifier : statut = droits, carrières,
rémunérations ; conditions de travail = effectifs, durée
du travail. » [GIACOPELLI, 1993, p. 308)]. Ce mouvement n'est-il pas
également l'expression d'antagonismes et de paradoxes au sein du groupe
professionnel des CPIP, au-delà de ces sujets de revendication
spécifiques ?
Nous nous proposons ici d'aborder la professionnalisation des
CPIP d'une manière moins étroite, en analysant la dynamique
interne du groupe professionnel des CPIP depuis 1999, au coeur de ces
évolutions profondes. Qu'est ce qu'être Conseiller
Pénitentiaire d'Insertion et de Probation dans ce contexte
d'évolutions institutionnelles ?
Deuxième partie : Les traductions structurelles
de ces
évolutions
Introduction de la deuxième partie
Notre propos ici sera d'essayer de cerner ce qui concerne
l'ensemble des CPIP et les caractères concourant à leur
unité en tant que groupe professionnel. Ainsi, selon la tradition
fonctionnaliste de la sociologie des professions, le passage d'une occupation
à une profession suit des étapes successives30. Ces
étapes seraient irréductibles ce qui accorderait pleinement le
statut de professions aux médecins, aux juristes, aux
ingénieurs et au professorat universitaire [PARSONS, 1939].
Cette approche a été abandonnée dans les
années 60 aux États-Unis et n'a jamais connu d'écho en
France en raison du contexte particulier explicité en introduction
générale. Elle nous semble toutefois susceptible d'ordonner et de
rendre intelligibles dans un premier temps les évolutions des SPIP avec
toutes les nuances et amendements qui s'imposent aux regards des connaissances
actuelles.
Nous analyserons ainsi quelles sont les expressions
concrètes pour les CPIP à l'échelle des services des
évolutions institutionnelles depuis 1999 (Chapitre 5).
Nous tenterons, avec cette première grille de lecture,
de confronter les représentations des CPIP sur ces évolutions et
de les articuler avec les souhaits de l'Administration Pénitentiaire et
leurs dimensions dialectique et rhétorique. L'autonomie du groupe
professionnel et son expertise seront ainsi analysées (Chapitre 6).
30 Il s'agit de l'exercice de l'activité à plein
temps, de la mise en place d'un cursus de formation universitaire de haut
niveau, d'une association professionnelle au niveau national,
d'une délégation du «sale boulot» à des
subordonnés, de l'existence d'un conflit
intergénérationnel au sein de la profession, entre les plus
âgés déjà installés, et les jeunes qui
cherchent à améliorer le statut collectif de l'occupation, de
l'établissement d'une concurrence entre la nouvelle profession et des
occupations voisines, et enfin de la recherche d'une protection légale
et de la mise en place d'un code de déontologie.
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