II. LA REVUE DE LA
LITTERATURE
La gestion des finances publiques a toujours été
au centre des préoccupations des Etats dans leurs différentes
politiques de croissance et de développement économique. Comme
l'affirment Arwright et al. (2006), depuis l'antiquité le
pouvoir politique s'est toujours soucié de l'organisation de ses
finances. Aussi, dira Schumpeter en 1942, « ce sont les besoins
financiers qui ont été à l'origine de l'Etat ».
Ces besoins financiers qui n'ont cessé de
croître, à cause de l'action publique qui couvre de nombreux
secteurs (extension des domaines d'intervention de l'État,
développement des infrastructures publiques et amélioration du
système de protection sociale), ont entraîné une
augmentation continue des dépenses de fonctionnement des administrations
publiques, créant ainsi des déficits budgétaires publics
importants (Paul et Pavot, 2006).
La gestion de ces déficits fait l'objet de controverses
au sein des économistes. Pour les keynésiens, la politique
budgétaire constitue un instrument de régulation
privilégié car selon eux, en période de ralentissement,
l'Etat doit soutenir l'activité économique par des
dépenses supplémentaires destinées à relancer
l'économie ; et, il doit réduire ses dépenses quand
l'activité reprend et que se manifeste un risque inflationniste ou une
tendance au déficit extérieur. Quant aux auteurs libéraux,
ils privilégient la force du marché et préconisent une
faible intervention de l'Etat par une compression des recettes fiscales, des
dépenses et du déficit (Echaudemaison, 2009).
La politique budgétaire consiste donc à utiliser
le budget de l'Etat pour atteindre certains objectifs. Elle peut agir sur les
recettes ou sur les dépenses pour relancer ou stabiliser
l'activité économique. C'est dans cette optique que certains
pays, avec l'appui des partenaires au développement, notamment les
institutions de Bretton Woods, adoptent conjointement des politiques
économiques rigoureuses adéquates, pour leur croissance
économique. Ces mesures qui ont pour objectif principal de veiller
à l'assainissement du cadre macroéconomique, sont prescrites en
fonction des caractéristiques des pays et des objectifs visés,
comme l'attestent les travaux de Baldacci et al. (2003). Ils
démontrent que la politique budgétaire doit être
adaptée au contexte de chaque pays pour stimuler la croissance
économique. En d'autres termes, une approche uniforme, où il est
conseillé à tous les pays de réduire leur déficit
quel que soit le contexte, n'est pas appropriée.
Parmi les différentes mesures
préconisées, figurent celles relatives à la maîtrise
des dépenses de fonctionnement des administrations, en particulier des
dépenses de personnel. Selon les travaux de Paul et Pavot (2006), les
politiques budgétaires actuellement appliquées dans les pays
européens mettent, de plus en plus, l'accent sur la maîtrise
durable de la croissance des dépenses publiques. L'intérêt
d'une telle stratégie est, non seulement la nécessité de
mener des politiques de consolidation budgétaire, mais également
de conserver des finances publiques saines sur le long terme. Toutefois, si ces
mesures de politiques économiques ont été parfois à
la hauteur des résultats escomptées dans certains pays, de
nombreux économistes et praticiens soulignent que l'approche
adoptée par les partenaires au développement et en particulier le
FMI pour aider les gouvernements à atteindre des niveaux de croissance
économique plus élevés ou à réduire la
pauvreté a échoué (AFRODAD, 2006).
Les résultats mitigés de ces mesures ont
suscité et continuent de meubler des débats contradictoires au
sein des spécialistes et experts des politiques économiques,
comme en témoignent les études et analyses faites à ce
sujet.
Parlant des réformes mises en oeuvre en Afrique dans le
domaine de la fonction publique, Dia (1993) relève que huit pays sur un
échantillon de quinze ayant réalisé une réduction
d'effectifs, ont enregistré des augmentations de la masse
salariale : c'est le cas du Sénégal. Et même ceux
parmi ces pays, comme le Ghana, qui ont enregistré une réduction
de la masse salariale, ont vu les coûts liés aux indemnités
de licenciement augmenter et égaler les gains à court terme
réalisés grâce à la réduction des
effectifs.
En outre, la réduction des salaires et le
dégraissage de l'Administration Publique n'ont pas toujours
été bien accueillis tant par les autorités censées
les appliquer que par les travailleurs eux-mêmes, à cause des
nombreuses conséquences sociales. A titre d'illustration, en 1991 en
Côte d'Ivoire, quand le pays était pratiquement en cessation de
paiement, les bailleurs de fonds ont suggéré une réduction
des salaires. Cette mesure préconisée n'a pas pu être
appliquée à cause du refus des syndicats des travailleurs.
Selon le Rapport 2006 d'AFRODAD, il ressort que quand le FMI
introduit une limitation de la masse salariale du secteur public, « les
plafonnements deviennent permanents », et même si les conditions
changent, la limitation demeure. Et « le fait que les limitations de la
masse salariale soient maintenues peut indiquer qu'ils constituent une
solution, mais au bout du compte, ils ne résolvent pas les
problèmes qu'ils tentent de résorber ».
Le même rapport indique qu'une étude
réalisée en 2006 sur quatre pays couverts par le FMI
révèle que les limitations salariales ont eu un impact
négatif sur les ratios enseignant/élèves dans les
écoles primaires : « les conditionnalités
difficiles imposées par le FMI continuent à anéantir les
efforts visant à améliorer la qualité de
l'éducation scolaire comme en atteste les taux d'abandon accrus en
Éthiopie, les ratios accrus élèves/enseignant au Malawi et
en Zambie et l'incapacité de l'État à former et à
recruter des enseignants qualifiés ».
Cependant, les mêmes mesures prescrites par ces
partenaires et mises en oeuvre dans d'autres pays ont permis aux Etats
concernés de réussir leur politique de maîtrise des
dépenses en général, et particulier les dépenses de
personnel dans l'Administration Publique. Baldacci et al. (2003),
montrent que parmi les pays à faible revenu ayant appliqué un
programme d'ajustement pendant les années 90, les Etats qui ont
réduit les déficits budgétaires de moins d'un demi-point
du PIB pendant la période considérée, par la compression
des dépenses courantes (par exemple les traitements et salaires), ont
enregistré une croissance additionnelle du revenu par habitant de 0,5 %
par an, pendant cette période de mise en oeuvre des PAS.
Les travaux de Cannac (1999) révèlent
également qu'il y a une corrélation positive entre
l'évolution du taux de chômage et celle du pourcentage du PIB
consacré à la rémunération des agents publics.
Ainsi, au cours des années 1990, le chômage a augmenté en
France en même temps que la dépense salariale des administrations.
Au contraire, le Royaume-Uni a connu dans le même temps une forte
diminution des dépenses salariales publiques et une réduction
parallèle du chômage. En fait, le financement d'une partie
importante de la dépense par des cotisations sociales qui alourdissent
le coût du travail, conduit les entreprises à réduire les
embauches et à privilégier la substitution du capital au travail.
En outre, une partie de la ressource publique est consacrée à des
dépenses de redistribution, qui peuvent, lorsqu'elles sont mal
conçues, détourner du travail une partie de leurs
bénéficiaires.
Par ailleurs, Zerrouq (2001) indique que la réforme de
l'administration et de l'emploi dans le secteur public a contribué d'une
façon déterminante à l'assainissement de la situation
financière italienne : grâce à un gel des embauches,
le nombre des agents publics a été réduit et les
dépenses pour les salaires publics sont passées de 12,8% du PIB
au début des années 90 à 10,6% du PIB en 2001.
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