La protection des actionnaires minoritaires des societes anonymes dans l'espace ohada( Télécharger le fichier original )par Adjo Flavie Stéphanie SENIADJA Université Catholique de l'Afrique de l'Ouest - DEA en droit privé fondamental 2008 |
SECTION II : LA PROTECTION PAR L'EXPERTISEL'actionnaire minoritaire peut se prévaloir de deux sortes d'expertise qui sont l'expertise de gestion (Paragraphe I) prévue par l'AUSCGIE et l'expertise in futurum (Paragraphe II) réglementée par le code de procédure civile.
PARAGRAPHE I : L'EXPERTISE DE GESTION
Cette expertise est destinée à prolonger le contrôle des commissaires aux comptes, auxquels toute immixtion dans la gestion est interdite. L'intérêt de cette expertise est l'obtention d'informations sur la gestion de la société, qui permettront à l'actionnaire minoritaire d'apprécier l'opportunité de certains actes de gestion. Elle pourra donc être de nature à justifier l'exercice ultérieur d'actions contre les dirigeants sociaux. L'expertise de gestion est réglementée par les articles 159 et 160 de l'AUSCGIE qui précisent les conditions (A) et les effets (B).
A/ LES CONDITIONS DE L'EXPERTISE DE GESTIONAux termes de l'article 159 AUSCGIE : « un ou plusieurs associés représentant au moins le cinquième du capital social peuvent, soit individuellement, soit en se groupant sous quelque forme que ce soit, demander au président de la juridiction compétente du siège social, la désignation d'un ou de plusieurs experts chargés de présenter un rapport sur une ou plusieurs opérations de gestion »47(*). Comme son homologue français, le législateur africain ne donne aucune définition de l'opération de gestion, sans doute parce qu'il ne faut pas enfermer une notion aussi fluide dans une définition devant rendre son utilisation difficile dans la pratique, mais aussi certainement parce qu'il s'agit d'une notion de fait. Cependant, à la différence de la législation française qui donne qualité pour agir à d'autres requérants comme le ministère public, le comité d'entreprise ou encore la commission des opérations de bourse, le législateur africain a estimé qu'il fallait réserver cette prérogative aux seuls associés minoritaires48(*). De même, à la différence de ce qui est prévu en droit français en ce qui concerne les sociétés anonymes, la demande d'expertise de gestion n'est pas subordonnée à l'accomplissement de la formalité préalable de question écrite aux dirigeants sur l'opération concernée49(*). Par ailleurs, si l'institution de l'expertise de gestion est l'une des innovations majeures de l'AUSCGIE, on peut regretter que les rédacteurs du texte soient restés muets sur les critères de recevabilité50(*) d'une telle procédure et sur le contenu à donner à la notion d'opération de gestion. Des précisions devront être apportées sur ce point par la Cour Commune de Justice et d'Arbitrage. On pourrait néanmoins imaginer que le critère formel de la nomination de l'expert est concrètement la présence d'indices graves d'irrégularité dans la gestion sociale. En outre, il est important de noter que cette expertise de gestion doit concerner une ou plusieurs opérations particulières. C'est-à-dire qu'il doit s'agir au sens strict d'opérations de gestion, et non pas d'opérations qui relèveraient de la compétence exclusive de l'Assemblée Générale ou d'un organe de la société51(*). C'est ainsi que la régularité de la tenue d'une Assemblée Générale ou celle d'une décision d'augmentation de capital ne saurait à notre avis entrer dans le cadre de cette expertise de gestion ; il en serait différemment d'une opération déterminée d'investissement, ou encore d'une convention conclue entre sociétés affiliées52(*). Peuvent faire l'objet d'une procédure d'expertise de gestion toutes les opérations de gestion autres que les décisions prises en assemblée générale. Sans autre précision légale, il peut s'agir de toute décision relevant de la compétence du conseil d'administration, du président directeur général ou du directeur général et de l'administrateur général selon le cas. Une expertise de gestion peut être demandée sur les conventions autorisées par le conseil d'administration, les cautions, avals et garanties souscrits par la société pour des engagements pris par des tiers, les contrats signés au nom de la société par les dirigeants. Il convient à cet effet de préciser qu'une convention réglementée autorisée par le conseil d'administration, bien que ratifiée par l'assemblée générale, peut faire l'objet d'une procédure d'expertise de gestion. En effet, le contrôle effectué par l'assemblée générale n'exclut pas la possibilité pour les actionnaires minoritaires ayant voté contre, de demander une expertise de gestion sur la convention concernée. Cela est d'autant plus vrai que les dirigeants de la société sont les actionnaires majoritaires. Par ailleurs, le fait que les opérations critiquées n'aient pas été ignorées des actionnaires à l'approbation desquelles elles ont été soumises ne peut, à notre avis, suffire à faire rejeter une demande d'expertise de certains actionnaires qui n'auraient pas pris part au vote, manifestant ainsi leur désaccord53(*). Les conditions de l'expertise de gestions ayant étés examinées, qu'en est-il de ses effets ? * 47 _ La qualité d'associé est nécessaire pour demander une expertise. * 48 _ La procédure d'expertise de gestion n'est pas expressément réservée aux associés minoritaires, tous les associés peuvent demander une expertise de gestion sur des opérations de gestion déterminées. En pratique, les associés majoritaires étant le plus souvent les dirigeants de la société, on voit mal comment ils pourraient demander une expertise sur leur propre gestion. * 49 _ En effet, en droit français, le demandeur doit avoir préalablement posé une question écrite au dirigeant de la société. Ce n'est qu'à défaut de réponse dans un délai d'un mois, ou à défaut de communication d'éléments de réponse satisfaisants que les actionnaires minoritaires peuvent alors demander la désignation d'un expert. * 50 _ L'actionnaire minoritaire doit-il par exemple apporter la preuve d'une présomption d'irrégularité ou peut-il se contenter de l'alléguer? * 51 _ L'expertise de gestion ne peut porter ni sur l'ensemble de la gestion, ni sur la régularité des comptes sociaux qui sont approuvés par l'assemblée générale à la fin de chaque exercice. * 52 _ Convention réglementée * 53 _ Voir sur ce point la jurisprudence française Compagnie Minière de l'Ogoué Socomilog c/ Maaldrift - RJDA, 7/97 n°916 |
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