La protection des actionnaires minoritaires des societes anonymes dans l'espace ohada( Télécharger le fichier original )par Adjo Flavie Stéphanie SENIADJA Université Catholique de l'Afrique de l'Ouest - DEA en droit privé fondamental 2008 |
TITRE I : LES MOYENS DE PROTECTION DESACTIONNAIRES MINORITAIRES La société commerciale en général, et singulièrement la société anonyme, occupent une place de choix dans la survie de tous les systèmes économiques. Les actionnaires, notamment les minoritaires, qui ne participent pas à son administration et à sa gestion y sont dépourvus de la maîtrise de leur investissement. Les majoritaires, qui sont également le plus souvent les dirigeants sociaux, se trouvent alors tentés d'abuser de ce rapport de force fortement déséquilibré en leur faveur. Le risque est que les fonds sociaux soient utilisés à des fins qui ne servent pas l'intérêt de la communauté des actionnaires et que les intérêts des minoritaires soient bafoués. La protection juridique de ces derniers devient, alors, un impératif. Le législateur OHADA, conscient du rôle capital des sociétés dans l'équilibre des Etats, a établi des règles pour le dynamisme des dites sociétés. Au nombre de ces règles figurent celles qui visent la protection des actionnaires, notamment des minoritaires. Ces règles peuvent s'appréhender aussi bien par la protection des actionnaires minoritaires contre les dirigeants sociaux (Chapitre I) que par la protection des actionnaires minoritaires contre les actionnaires majoritaires (Chapitre II). CHAPITRE I : LES MOYENS DE PROTECTION DESACTIONNAIRES MINORITAIRES CONTRE LES DIRIGEANTS SOCIAUX L'information (Section I) et l'expertise de gestion (Section II) sont des moyens efficaces, mis en place par le législateur communautaire, à la disposition des actionnaires minoritaires, pour se protéger contre les dirigeants sociaux. SECTION I : LA PROTECTION PAR L'INFORMATIONL'information est d'une importance capitale pour les actionnaires car c'est grâce à elle qu'ils jugeront de l'opportunité d'user d'autres droits dont ils disposent. Aussi, prenant conscience que l'inégalité dans l'information peut nuire à certains actionnaires, le législateur africain a imposé aux dirigeants sociaux d'informer les actionnaires sur la marche de la société22(*). Le droit à l'information peut être analysé à deux niveaux qui sont : l'information préalable (Paragraphe I) et l'information renforcée (paragraphe II). PARAGRAPHE I : L'INFORMATION PREALABLEElle s'effectue à travers les assemblées générales (A) et la procédure d'alerte (B). A/L'INFORMATION AVANT LES ASSEMBLEES GENERALESL'assemblée des actionnaires est l'organe de décision le plus important de la société anonyme. L'assemblée est le lieu où s'exprime et s'élabore la volonté sociale. En effet, il lui incombe la désignation de tous les autres organes de pouvoirs de l'entreprise. Elle peut mettre fin à leurs fonctions et elle prend toutes les décisions stratégiques et politiques. De même, l'assemblée générale est le lieu d'exercice du pouvoir suprême23(*). En effet, la société anonyme étant considérée comme une démocratie, le pouvoir suprême appartient aux actionnaires réunis en assemblée générale souveraine24(*). Tous les actionnaires ont donc le droit d'être présents aux assemblées pour exercer leurs droits. Pour que la présence des actionnaires soit effective, ils doivent être valablement convoqués, admis, et ils doivent valablement participer aux assemblées générales. 1/ LA CONVOCATION DES ACTIONNAIRES MINORITAIRES L'assemblée est convoquée en principe, soit par le Conseil d'Administration, soit par l'Administrateur Général selon le mode de gestion de la société25(*). Cependant, il peut arriver que l'organe habilité, pour des raisons diverses, ne parvienne pas à le convoquer. C'est pour cela que l'Acte uniforme a prévu que le commissaire aux comptes, un mandataire26(*) désigné ou un liquidateur pourrait également convoqué l'assemblée générale27(*). La convocation aux assemblées générales doit toucher tous les actionnaires quelque soit le nombre d'actions qu'ils possèdent. La convocation se fait par avis de convocation au journal d'annonces légales lorsque la société a émis des actions au porteur. Cela est parfaitement compréhensible puisque la société ignore l'identité de ses actionnaires. En revanche, si toutes les actions sont nominatives, la convocation se fait par lettre au porteur contre récépissé ou par lettre recommandée avec demande d'avis de réception aux frais de la société. Dans tous les cas, il doit s'écouler un délai entre la convocation et la tenue de l'assemblée car il faut permettre à l'actionnaire de préparer sa réunion. Le législateur africain a fixé ce délai à quinze jours au moins lorsqu'il s'agit de la première convocation et à six jours au moins pour les convocations suivantes lorsque l'assemblée n'a pas pu se tenir sur première convocation28(*). L'AUSCGIE donne compétence au juge pour fixer un délai différent lorsque l'assemblée est convoquée par un mandataire de justice29(*). L'acte portant convocation de l'assemblée doit porter un certain nombre de mentions que l'AUSCGIE énumère en son article 519 ainsi que l'ordre du jour qui est essentiel pour la tenue de l'assemblée. L'ordre du jour fixe la liste des questions sur lesquelles les actionnaires seront appelés à délibérer et à voter. L'ordre du jour présente une double utilité. D'une part, il permet aux actionnaires, notamment les minoritaires, de connaître à l'avance les questions qui seraient débattues lors des assemblées et de se préparer à y participer efficacement30(*). D'autre part, il serait antidémocratique et dangereux pour les actionnaires absents ou minoritaires qu'une assemblée convoquée avec un ordre du jour, et donc ne réunissant que peu de participants, puissent inopinément se saisir d'une question importante qui n'avait pas été inscrite et émettre, dans les conditions précipitées, un vote capital pour l'avenir de la société31(*).
Il résulte de ce qui précède que le législateur africain a instauré une réglementation très détaillée afin que tous les actionnaires, sans exception puissent être touchés par la convocation. Sa violation est sanctionnée32(*). Ainsi, par exemple, toute assemblée irrégulièrement convoquée, c'est-à-dire celle qui n'a pas été faite dans les délais requis, peut être annulée33(*). Mais il s'agit d'une nullité relative. Elle est donc couverte lorsque tous les actionnaires sont présents ou représentés. Le droit d'être convoqué apparaît à juste titre comme une véritable protection par les éléments contenus dans l'ordre du jour de l'assemblée générale. 2/ L'ADMISSION DES ACTIONNAIRES MINORITAIRES Tout actionnaire a également le droit de participer aux assemblées générales. C'est aux assemblées générales en effet, qu'il va exercer ses prérogatives de contrôle et de haute gestion. Cependant, l'alinéa 2 de l'article 548 de l'AUSCGIE apporte une exception à ce principe qui prend en compte l'intérêt des actionnaires en énonçant que : « les statuts peuvent exiger un minimum d'actions, sans que cela ne puisse être supérieur à dix, pour ouvrir le droit de participer aux assemblées générales ordinaires ». La restriction qu'on peut trouver dans ce texte nous paraît compréhensible, car en effet, dans les sociétés anonymes qui comportent beaucoup d'actionnaires, la réunion de tous les actionnaires est une chose impossible. En tout état de cause, cette mesure ne saurait aboutir à priver l'actionnaire minoritaire de son droit de participer aux assemblées générales. C'est ainsi que lorsque cette réserve existe, les actionnaires peuvent se réunir pour atteindre ce minimum et se faire représenter par l'un d'entre eux. Cette mesure ne porte donc pas atteinte au droit d'intervention de l'associé dans les affaires sociales ; celui-ci dispose toujours de son droit de voter dans les assemblées. Il convient de préciser que les assemblées générales extraordinaires ne sont pas concernées par cette règle. En effet, le droit de participation de l'actionnaire à l'assemblée générale extraordinaire ne peut être limité. Toute clause contraire sera réputée nulle34(*). Par ailleurs, le droit de participer à l'assemblée n'implique pas la participation personnelle de l'actionnaire. L'acte uniforme admet de manière libérale que l'actionnaire puisse se faire représenter par un mandataire de son choix35(*). La nomination d'un mandataire n'est en principe valable, en vertu du principe de la spécialité du mandat de voter, que pour une seule assemblée. Elle peut cependant être autorisée, par exception, pour deux assemblées lorsque celles-ci sont une assemblée générale ordinaire et une assemblée générale extraordinaire tenues le même jour ou au cours d'une même période de sept jours ; la procuration donnée par un actionnaire est aussi valable pour les assemblée successives tenues sur la base du même ordre de jour36(*). On appliquera alors entre les parties le droit commun du contrat de mandat37(*). Mais à côté du droit à l'information qui permet de sauvegarder l'intérêt des actionnaires minoritaires, l'Acte Uniforme prévoit un autre mécanisme de protection qui est la procédure d'alerte. * 22 _ POUGOUE (G.) (Sous la direction de) ; sociétés commerciales et du groupement d'intérêts économique, http://www.ohada.com/faq.php?cat=3; P. 44 * 23 _ Yves Guyon, L'évolution récente des assemblées d'actionnaires, in mélanges Guy Flattet, 1985 diffus.Payot, Lausanne, P.40. V. Crim. 8 mai 1981, Bull. Joly1981, P.41 * 24 _ L'assemblée d'actionnaires est dirigée par un bureau composé du président, de deux scrutateurs et d'un secrétaire. Le président est selon les cas, le Président du Conseil d'Administration (PCA), le Président Directeur Général (PDG) ou l'Administrateur Général (AG). En cas d'empêchement du président, l'assemblée est présidée par l'actionnaire ayant ou représentant le plus grand nombre d'actions, sauf dispositions statutaires contraires. En cas d'égalité d'actions, le législateur OHADA a préféré le doyen d'âge des actionnaires (art. 529 AUSCGIE). * 25 _ Il existe deux modes de gestion de la société Anonyme. * 26 _ TRHC Dakar, réf. n°1729, 31-12-2002 : Rong Yin PDG Sociétés SENEGAL ARMEMENT et SENEGAL PECHE c/ Alioune DIANE et LIU SHEN LI, www.ohada.com, Ohadata J-03-182. * 27 _ Cf. art. 516 AUSCGIE * 28 _ Cf. art. 518 al. 4 AUSCGIE * 29 _ Cf. art. 518 al. 5 AUSCGIE * 30 _ Cependant, il peut y avoir des incidences de séance. * 31 _ Com. 6 mai 1974 ; JCP, 1974, II, 17859, note Burst * 32 _ Infra deuxième partie, chapitre I, section I, p. 47 * 33 _ Cf. art. 519 al. 4 AUSCGIE * 34 _ POUGOUE (G.) (Sous la direction de) ; OHADA, sociétés commerciales et du groupement d'intérêts économique, coll. Droit uniforme africain, Bruylant, Bruxelles, 2002, P.318 * 35 _ L'actionnaire exerce son droit à l'information lui-même ou par le mandataire qu'il a nommément désigné pour le représenter aux assemblées. Ce représentant peut être un autre actionnaire ou son conjoint. Il peut également se faire assister par un expert. * 36 _ Cf. art.538 AUSCGIE * 37 _ Yves Guyon, op. cit ; p. 497 |
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