b-2-2-3) L'éditeur: le seul ami de confiance du
juriste.
Les codes et la philosophie des juristes induisent que
leurs réseaux sociaux sont essentiellement greffés sur des wikis
et ainsi des réseaux d'échange.
Ceux-ci leur offrent de larges tribunes d'expression, leur
permettent de poser leurs réflexions et sont porteurs d'une image que
l'on dira plus sérieuse :
· Dans un usage interne à un cabinet d'avocat;
à une entreprise, ils sont de remarquables outils de « travail
collaboratif ».324(*)
· Dans une vocation plus ouverte, celle qui nous
intéresse, ils sont des outils de partage, mise en commun, diffusion de
savoirs et connaissances sur le modèle de Wikipédia et dans
lesquels l'accent n'est pas mis sur l'actualité, mais sur la
qualité des informations qui sont délivrées.
Ce qui est une confirmation de plus que le besoin en
actualité des publics du premier marché est davantage une
contrainte induite par les obligations légales qui pèsent sur eux
qu'une valeur qu'ils recherchent dans l'information.325(*)
A ce jour, en France, un seul réseau de ce type
semble avoir véritablement émergé. Il s'agit de Jurispedia
: un «
wiki
juridique consacré aux droits du monde »:
1) Fondé à l'initiative de plusieurs
équipes de recherche universitaire en droit326(*) et porteur d'un projet qui
ambitionne à ce que « d'ici quelques années un juriste
rwandais
[soit] susceptible d'avoir (en français) une assez bonne idée du
droit
japonais »:
soit à la transmission de savoirs « presque »
sûrs, il repose sur des bases plus solides que
Wikipédia:
Sans entraver la liberté des contributions qui fait le
succès du wiki, ses initiateurs se sont donnés les moyens de
délivrer une information juridique qui, si elle n`est pas
« fiable à 100% », s`en approche. Ce qui les a
paradoxalement conduit à mettre en place, ce qui se présente
comme une ébauche de filtre éditorial.
Par le jeu :
1) d'une sélection implicite des contributeurs,
soumises à la bonne foi de chacun :
Si les contributions des non juristes ne sont pas
formellement exclues, « sont les bienvenues pour participer
à cette diffusion libre, gratuite, et internationale du
droit » « les universitaires comme les personnes
éclairées en droit de tous les pays francophones ».
2) et d'un contrôle a posteriori des contributions :
« En plus du contrôle des
internautes », que l`on retrouvait chez Wikipédia et qui a su
montrer ses faiblesses, « les textes soumis » à
contribution « sont [...] contrôlés a posteriori
par » des comités d'experts composés d`«
étudiants, [d'] enseignants et [de] professionnels du droit. »
2) Il semble également révéler que
la transmission de savoirs juridiques sûrs, ne peut se passer
d'éditeur:
En ce sens, les publics du premier marché, qui en sont
à l'initiative et en principe les plus à même à
juger de la satisfaction de leurs besoins, n'envisagent pas Jurispedia comme
« un concurrent au monde de l'édition juridique »,
laissant entendre qu'il lui manquerait pour cela un second moteur en sus de
« la nature humaine », dont on peut légitiment
penser qu'il s'agit de la contribution d'un éditeur 327(*)...
« Jurispedia ne remplace pas une formation
juridique, il ne constituera pas non plus un concurrent au monde de
l'édition juridique papier ou électronique. Enfin, il ne sera
jamais fiable à 100%, comme la nature humaine qui est son seul moteur...
Jurispedia vise toutefois à devenir une source d'information riche et
passionnante. »
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Et ainsi, ils se prévalent des mêmes exclusions
de responsabilité que celles dont bénéficient
Wikipédia328(*),
sur laquelle ils ont par ailleurs calqué l'essentiel de leurs principes
dont la neutralité des points de vue et l'anonymat des contributions.
Ce dont on peut facilement déduire en sus du
reste que ce wiki ne permet pas davantage de satisfaire aux besoins du premier
marché, que ne leur permettait Wikipédia.
A ceci près qu'il offre à ces publics une plus
grande garantie que les savoirs qui leurs sont transmis ont été
élaborés par des juristes.
Et n'a, en fait, rien de surprenant.
Les besoins en information juridique des publics du premier
marché de l'édition en droit sont tels que l'information qu'ils
recherchent, celle qui est pour eux « la bonne
information ». C'est « celle qui est directement
utile »329(*).
Ils ne peuvent se contenter d'une information à peu près
fiable.
Or, on l'a vu, à travers l'exemple du blog du
professeur Frédéric Rolin, délivrer une information
juridique fiable et de qualité exige aux juristes, y compris à
plusieurs, un temps, un travail et un investissement, qu'il leur est difficile
de trouver et fournir: le temps, le travail et le métier de
l'éditeur juridique qui est et reste sans nul doute, le seul et
véritable ami de confiance du juriste.
*
324Commentçamarche.net, « Le wiki en
entreprise ». Ils « permet[tent] la libre circulation de
l'information au sein de l'entreprise.»: «tout le monde travaille sur
un seul et même document. Cela évite les allers-retours par mail
des fichiers et permet de rassembler les connaissances sur un support commun
à tous, corrigeable et réorganisable par tous. »
* 325 Sans doute la raison
pour laquelle les éditeurs juridiques ont longtemps refusé de
voir dans l'actualité une priorité.
* 326 Jurispedia
s'inscrit dans le cadre de leurs recherches sur « l'intelligence
partagée ».
* 327 La fiabilité
et la qualité des informations délivrées par
l'édition juridique repose sur le couple auteur-éditeur.
* 328 La rubrique
avertissement du site indique ainsi : -« aucune garantie n'est faite
quant à l'exactitude du contenu de
Jurispedia. »-« Jurispedia, ses
fondateurs,
administrateurs
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auteurs. »
* 329 Edito de la revue
sociétés de l'information n°46, mars 2008.
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