Dernier billet:
1. Des postulats
erronés?
A l'heure où il me fallait rédiger ma
conclusion, un doute m'envahit... Mes postulats de base m'apparaissaient
erronés:
· Le droit a par nature vocation à être
publié : il ne peut se passer d'éditeur :
Editer c'est
« publier », c'est « rendre public »
(Dictionnaire Hachette): une condition primordiale pour assurer aux citoyens
une connaissance de la loi.
En cela, l'Etat se présente comme
l'éditeur naturel du droit.
· Le web 2.0 ne marque pas l'avènement d'un
droit qui tenterait de se passer d'éditeur. Il est au contraire celui
d'un droit qui les multiplierait... en même temps que les politiques
éditoriales.
Le web 2.0 offre à chacun la
possibilité d'éditer du droit.
Les communautés de Facebook, Twitter,
Wikipédia et
Jurispedia; les titulaires de blogs juridiques,
les titulaires de blogs de juristes sont autant d'éditeurs du droit qu'a
fait émerger cette évolution du web.
Chacun d'eux étant animé d'une
politique éditoriale
qui lui est propre, pouvant mettre l'accent sur
l`un, l'ensemble, ou quelques-uns des besoins des marchés de
l'édition et parfois encadrée par les politiques
générales des plateformes desquelles ils
éditent.
Ainsi, Wikipédia n'est en aucun la
marque de l'absence de politique éditoriale, mais au contraire le choix
d'une politique éditoriale globale, qui repose sur la richesse des
informations, leur gratuité et leur accessibilité à un
grand public élargi et peu formé au droit. Avec l`idée que
chacun de ses éditeurs et contributeurs peut faire le choix de
délivrer une information, fiable, claire, compréhensible,
accessible, enrichie,... ou une information qui ne l'est pas et
également que les faiblesses et lacunes des uns peuvent être
comblées par les compétences des autres.
Ce qui est aussi le cas des éditeurs
de Facebook, Twitter et Jurispedia. A ceci près que les plateformes des
deux premiers les contraignent à privilégier la rapidité,
la réactivité, et l'actualité des informations tandis que
la dernière invite ses contributeurs à prendre un minimum de
temps pour poser leurs réflexions et à ne délivrer que des
informations qu'ils savent ou pensent fiables.
Enfin le blog, s'il est la plate-forme qui
offre le plus de libertés et qui recèle le plus de
pratiques330(*), il est également celle par
laquelle ces nouveaux éditeurs ont le plus tenté de
répondre à l'ensemble des besoins des publics de
l'édition.
Interrogeant ma problématique: « Le
droit peut-il se passer d'éditeur? », à la
lumière de ces nouveaux éclairages, je peinais dans un premier
temps à trouver tout intérêt et toute pertinence à
mon sujet...
Puis, je réalisais que si le web 2.0 marque
l'avènement d'un droit qui multiplie les éditeurs. Il est
également celui d'un droit qui ambitionne s'en passer, en ce qu'ils
seraient des intermédiaires, et par la même la marque d'un droit
qui ambitionne se passer de ceux que la pratique et la conscience commune et
collective ont érigés en seuls véritables éditeurs
de droit, refusant cette qualification à l`Etat331(*).
Je réinterprétais alors ma
problématique...
2. Le droit peut-il se passer des grandes maisons
d'édition juridique?
Si un regard rapide sur la richesse et
l'étendue du paysage couvert par le web 2.0 juridique laisse penser:
assurément oui.
Le web 2.0 a non seulement multiplié les
éditeurs, il a multiplié les réponses aux besoins en
droit des publics de l'édition juridique.
Ceux du premier marché, mais également
et surtout ceux des particuliers, que la doctrine et les maisons
d'édition juridique, ont souvent tendance à négliger. Il a
alimenté leurs besoins jusqu'alors rarement
revendiqués332(*) et ressentis comme tels de connaissance et
discussion sur le droit positif.
Et en cela, en ce qu'il a démocratisé
l'accès, la connaissance et le débat sur le droit, il est un
véritable et performant outil au service de la démocratie
participative333(*)et du droit.
Un regard plus posé et une analyse plus
réfléchie conduisent à réaliser, que les grandes
maisons d'éditions juridiques se situent après l'Etat, dont-elles
pallient les manques, au sommet de la chaîne de diffusion du droit, qui
indirectement ne peut s'en passer:
Parce que les auteurs, les vrais; ceux qui
l'écrivent, l'expliquent, l'éclairent et le transmettent; ceux
qui se situent au sommet ou au bas de toute chaîne de validation
d'information sur le droit;
Parce que ceux là; ceux sur qui repose le
savoir sur le droit auront toujours besoin des éditeurs:
· « Pour être reconnus, comme
faisant partie de la doctrine»334(*).
· Pour convenablement l'écrire,
l'élaborer, le discuter et y réfléchir.
Que conclure alors?
Sans doute faudrait-il revenir sur quelques
définitions...
* 330 Il y a sans doute
autant de pratiques du blog que de blogueurs.
* 331 « Le
métier de l'Etat n'est pas d'être éditeur »: Charles
Vallée, Discours à l'Assemblée générale du
syndicat de la presse économique, juridique et politique ( SPEJP) du 7
décembre 2009.
* 332 Les particuliers,
jusqu'alors, avant tout, à la recherche de consultations juridique ne se
gênaient pas d'ignorer le droit.
* 333
« Distincte donc de la démocratie directe », la
démocratie participative « ne remet pas en cause
l'élection de[s] représentants des citoyens [et] leur
légitimité ». Elle est « un complément
à la démocratie représentative », une
« offre [...] de participation adressée aux
citoyens », « qui vise à les associer [...] à
la discussion des choix collectifs » et à pallier, certaines
de ses dérives.
Xavier Molénat, « La démocratie
participative ».
Entretien avec Loïc Blondiaux du 21 mars 2007: « La
démocratie participative»,
www.tns-sofres.com.
* 334 « Les
auteurs ont besoin de la crédibilité que leur procure le
truchement de l'éditeur pour être reconnus comme faisant partie de
la doctrine ». Perdues entre mes brouillons, je ne saurais
malheureusement, pas de vous dire, à qui de Charles Vallée,
André Dunes, Pierre Seydoux, ou peut-être un autre attribuer cette
citation...
|