4. Son ouverture.
On l'a vu, la confiance et le succès des revues
juridiques reposent en partie sur l'assise des auteurs qui écrivent pour
elles et, qui pour les éditeurs « ne s'acquiert qu'avec
l'âge. »
Aussi, bien que conscients que « les auteurs
augmentent en nombre, comme progresse le[ur] besoin de
communiquer »148(*), ceux-ci les sélectionnent essentiellement
« par le notoire » et n'ouvrent leurs tribunes aux
« jeunes enseignants » et aux « praticiens, dont
« l'accès à la première publication demeure
[...] délicat », que par « souci
d'efficacité »149(*) et au prix d'un renforcement de leurs exigences et
emprises.150(*)
Ainsi parce que les revues juridiques sont
réservées à une élite de juristes essentiellement
agrégés, l'ouverture du blog qui donne la parole aux
« étudiants novices, [aux] doctorants en herbe, [aux] juristes
sans titres universitaires » et même « [aux] parfait
anonymes »151(*)s'est présenté comme « une
chance et une opportunité »152(*) pour les rejetés de
l'édition qui auraient, dès lors, pu se consacrer à leurs
écrits et à leurs carrières, sans avoir à
s'inquiéter de la question de savoir s'il serait accorder « un
moindre égard »153(*) à un article rédigé par un
anonyme.
5. Son aspect pratique et interactif.
En ce qu'il est un outil du web 2.0, le blog permet
l'échange le débat et « la discussion collective
»154(*).
Et, si tout naturellement il couvre le besoin
d'échanger et de débattre des publics du premier marché
qui n'était à l'époque que très peu couvert par les
éditeurs, il favorise également « le travail en
réseau »155(*).
On a ainsi pu y voir un vecteur de développement de
communautés de juristes essentiellement universitaires, qui auraient pu
y soumettre « à la discussion et à la
réflexion collective » « [des] versions de [leurs]
travaux et articles en cours ».
b) Une source d'information qui ne satisfait pas aux
exigences des revues.
A côté des
« zélateurs de la doctrine virtuelle », leurs
détracteurs catégoriques mis à part, d'autres voix qui ont
vu dans les blogs des « espace[s] de publication nouveaux », des
« lieu[x] de discussion » et des « espace[s] de
pré-publication » d`articles « avant leurs
soumissions [ aux] revue[s] »156(*) se sont élevées pour réfuter
aux blogs le potentiel concurrentiel qu'ils s'étaient vus
attribués...
Ce qui devait sans doute tenir à l'usage normal et
courant des blogs et aux pratiques que certains juristes avaient pu
révéler.
Ils étaient les lieux d'une réflexion,
« éphémère »,
« participative »,
« immédiate », peu
« approfondie »... A milles lieux des réflexions
hiérarchisées et mûries de temps de réflexion qui
nourrissent les revues.
« A part quelques "drafts" d'articles
publiés par Frédéric Rolin sur son blog avant leur
soumission à une revue, le blog tient du commentaire à chaud (si
commentaire il y a) » et sa « valeur ajoutée [est]
la rapidité plutôt que la richesse ».
Cedric Manara, « est la doctrine de demain
? Sur le Web ! Que font les auteurs de demain ? Ils
bloguent ».
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· Une réflexion
éphémère:
Ils ne conféraient aucune permanence aux
écrits et délivraient des informations
« jetables » qui n`avaient pas vocation à
s'installer dans la durée.
Parfois lassés, certains auteurs fermaient leurs
blogs, faisant par la même disparaitre leurs écrits.
Et dans les blogs qui ne fermaient pas, il était
parfois, impossible de retrouver des articles et billets qui avaient
été publiés plusieurs années auparavant.
Ce qui avait soulevé quelques difficultés
aux Etats-Unis où les blogs sont cités dans des décisions
de justice.157(*)
· Une réflexion
participative:
Les blogs étaient avant tout des lieux
d'échanges dans lesquels les réflexions se construisaient
à plusieurs autour des quelques jets d'idées lancés dans
les billets et des discussions qui se nouaient dans le cadre des commentaires,
qui en étaient la principale richesse.
Ainsi, pour le professeur de droit
Gilles J.
Guglielmi son « site [certes aménagé
chronologiquement] n'est pas un blog »: « il ne
réagit pas toujours à l'actualité et les forums
sont fermés ».
· Une réflexion immédiate et peu
approfondie:
Les blogs étaient des sites «
dédié[s] à l'actualité » juridique et
pour l`essentiel « [tenaient] du commentaire à chaud
», voire même du simple billet d'humeur.
Ils étaient les lieux des premiers jets et
ébauches de réflexions, que si l'on souhaitait plus
poussées, obligeaient à se tourner vers les revues.158(*)
Ainsi, publier sur leurs « blog n'emport
[aient] pas cession des droits. Il rest[ait] possible de publier
postérieurement dans une revue. »
A cette époque, « plus
qu'une relation de concurrence, [...] une relation de
complémentarité »159(*) semblait s'installer entre les blogs et les supports
de l'édition traditionnelle.
Les blogs se présentaient comme des espaces de
liberté qui tranchaient avec la nécessaire rigueur des revues
dans lesquels les auteurs pouvaient s'exprimer avec
« légèreté » et s'arroger toutes les
libertés de style, humour, genres, sujets que l'édition juridique
ne leur avait jamais accordées. Aucun choix ne semblait devoir
s'imposer.
« Faut-il choisir entre blogs et revues juridiques
? Assurément non ! Les deux supports n'ont nullement le même
objectif et encore moins le même public. »
Alexandre Claudo, « Multiplication des Blogs
juridiques. Vers un déclin de la doctrine ? »
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Qu'en a-t-il vraiment été ?
* 148 André
Dunes, opus précité.
* 149 André
Dunes, opus précité.
* 150 Leur
« moindre fiabilité [est] compensée par des
délais abrégés de production » et des
« conseils plus directement profitables »: André
Dunes, opus précité.
* 151 Félix Rome,
« Propos iconoclastes sur la "bloghorrée" », Recueil
Dalloz.
* 152 Dimitri Houtcieff et
Frédéric Rolin, « Blogs juridiques contre Edition
juridique traditionnelle concurrence ou complémentarité ?»,
Dalloz 2006.
* 153 Alexandre Claudo,
opus précité.
* 154 Dimitri Houtcieff
et Frédéric Rolin, opus précité.
* 155 Dimitri Houtcieff
et Frédéric Rolin, opus précité.
* 156 « La
publication sur le blog n'emporte pas cession des droits. Il reste possible de
publier postérieurement dans une revue papier. Les principales revues
juridiques tolèrent tout à fait une pré-publication sur
Internet. Il s'agit d'ailleurs d'une pratique courante dans de nombreuses
autres disciplines (working papers) »: Le blog de droit
administratif.
* 157
« L'information née numérique, encore émergente,
et les nouveaux modèles de réseaux de communications [...] tels
que les blogs juridiques [et Wikipédia] ont déjà acquis un
certain statut. » Ils sont « cités par des
décisions de justice. »Or, si « chaque jour de
nouveaux éléments juridiques nés numériques
disparaissent à un rythme qui s'accélère »,
« les cours de justice n'ont pas pris la précaution de
vérifier que les éléments qu'elles citent restent stables
et disponibles pour le public à long terme. Et cela, alors même
que « nul n'est censé ignorer la loi. Que se passet-il lorsque les
éléments sur lesquels elles s'appuient disparaissent
? » : Sasha Skenderija, « Information juridique
électronique permanente :URLs disparaissantes et préservation des
sources digitales citées dans les décisions de
justice. »
* 158 « Si
d'aventure cette réflexion aboutit, nul doute son auteur
préféra lui donner la forme d'un article ou d'une note «
traditionnelle ».. », Dimitri Houtcief, «
Blogtrine vs Doctrine ».
* 159 Dimitri Houtcieff
et Frédéric Rolin, opus précité.
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