a) Une alternative attrayante aux revues.
Créer un blog est facile et à la portée
de tous138(*), mais ce
n`était pas là pour les zélateurs de la doctrine virtuelle
son seul avantage...
Les blogs recélaient pour eux de potentialités
qui en faisaient de véritables concurrents des revues des
éditeurs juridiques.
Leur gratuité et leur capacité à
capter les auteurs des revues :
Contrairement aux produits de l'édition juridique
traditionnelle, « l'accès aux blogs et leur diffusion se font
sans bourse délier »139(*).
Aussi, leur gratuité est très vite apparue comme
un atout majeur susceptible de séduire à la fois les auteurs et
les publics de l'édition :
· Les auteurs de l'édition qui
parce qu'ils « ont besoin [d'être publiés] pour se faire
un nom et progresser dans leur carrière » écrivent pour
les revues « sans être payés » ou
pour des rémunérations très faibles et sont ainsi exclus
des profits que réalisent les maisons d'édition juridiques,
pourtant, essentiellement assis sur eux: la valeur ajoutée140(*) qui justifie le coût
élevé des produits des éditeurs juridiques est
« fonction de la richesse d[es] contenus »141(*)elle-même fonction de
la compétence des auteurs.
Ainsi, pour les « zélateurs de la doctrine
virtuelle », les tribunes gratuites et faciles à
élaborer d'audience a priori équivalentes à celles des
revues, que semblaient constituer les blogs ne pouvaient que détourner
les auteurs de l'édition qui faute d'y trouver un intérêt
financier n'auraient aucune raison de s'y maintenir.
· Les publics de l'édition qui
au bénéfice de cette fuite des auteurs, pourraient trouver dans
les blogs des contenus équivalents à ceux de l`«
édition juridique » et n'auraient plus aucune raison de
continuer de rémunérer, cher de surcroît, les
éditeurs pour une information qui leur serait mise à disposition
gratuitement par une « doctrine virtuelle ».
2. Leur réactivité.
Le blog a fait émergé
l'éventualité d'« une doctrine
instantanée » qui réagirait aux actualités
juridiques « quasiment en temps réel», « là
où une revue classique fait patienter, des jours, des semaines ou des
trimestres »142(*).
3. « La liberté qui irrigue »
leur « conception »143(*).
« Les blogs offrent » aux
auteurs « une totale liberté de formats et de
sujets ». Ils sont des espaces de liberté qui contrastent avec
la grande rigidité des revues. De là, est née
l'idée que les auteurs de l`édition « ne [pourraient]
qu'apprécier n'être soumis à d'autres contraintes que
celles qu'ils fixe [raient] eux-mêmes. »144(*)
Dans les revues, il leur faut, en effet, sans cesse
composer avec les exigences [...] des éditeurs »145(*):
· Respecter les délais, qui leur sont
impartis :
Si le blogueur blogue quand il veut, les revues sont des
périodiques qui paraissent à des intervalles réguliers et
sont soumis à des contraintes de temps.
· Répondre « aux exigences
scientifiques de la revue »:
Si les « zélateurs » comme
les détracteurs de « la doctrine virtuelle »
s`accordaient à dire que la censure des comités des lectures et
des conseils scientifiques était quasi inexistante, les auteurs n'en
sont pas moins soumis à des exigences de fond.
Leurs articles doivent s`inscrire dans la « ligne
éditoriale [des] revue[s] », « dans la
thématique [des] numéro[s] »146(*) et sont, de plus, soumis au
contrôle des éditeurs qui parce qu'ils assument la
responsabilité des écrits se posent en « gardien[s]
vigilant[s] du langage juridique », imposent
« l'objectivité et la neutralité du
discours » et censurent « les critiques
exagérées et les opinions sectaires ».
· Respecter les contraintes « d'ordre
quantitatifs »:
Le style n'est pas la seule contrainte à peser sur les
auteurs, leurs articles doivent également respecter les dimensions
imposées par les éditeurs147(*).
* 138 « Le
« blog » est un système d'utilisation très simple qui
permet à tout néophyte de disposer de son propre site internet
pour exprimer ses opinions, donner des informations ou relater sa vie
privée.» : Guillaume Kessler, « Aspects juridiques du
blog ».
* 139 Félix Rome,
« Propos iconoclastes sur la "bloghorrée" » Recueil
Dalloz.
* 140
« L'édition juridique nous offre un cas d'école
très intéressant pour étudier la notion de "valeur
ajoutée" sur des documents publics, qui reste le critère
justifiant l'édition privée de tels
documents. »« Chaque éditeur peut puiser dans [le]
domaine public et fabriquer des produits éditoriaux nouveaux et les
vendre sur un marché transparent et pleinement
concurrentiel? » « On conçoit bien l'apport de
valeur ajoutée que constituent « les commentaires [...] et les
recueils par domaine assemblant la Loi, la jurisprudence et des documents plus
théoriques.»: Hervé Le Crosnier, L'édition
juridique : valeur ajoutée et bien public en questions.
* 141 André Dunes
précité.
* 142 Félix Rome,
précité.
* 143 Emmanuel Barthe,
« Où est la doctrine de demain ? Sur le Web ! Que font les
auteurs de demain ? Ils bloguent. »
* 144 Félix Rome,
opus précité.
* 145 Dimitri Houtcieff et
Frédéric Rolin, « Blogs juridiques contre Edition
juridique traditionnelle concurrence ou complémentarité ?»,
Dalloz 2006.
* 146 Pour que l'article
qu'un auteur soumet à une revue, soit publié, celui-ci doit
s`inscrire « dans la thématique du numéro »,
« la ligne éditoriale de la revue » et
répondre« aux exigences scientifiques de la revue». (FAQ
de la revue Jurisdoctoria »).
* 147 Ce qui renvoie
à ce qui est pour André Dunes le cinquième commandement
des éditeurs : « Les livres tu limiteras à des
dimensions bien précises ».
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