Le traitement fiscal de la fusion-absorption des sociétés de capitaux( Télécharger le fichier original )par Lamine Chaibou Massalatchi Ecole Supérieure de Commerce de Dakar (SUP DE CO) - Master 2 en droit des Affaires et Fiscalité 2010 |
TROISIEME PARTIE : LE REGIME FISCAL DE FAVEUR DE LA FUSION-ABSORPTIONPour rappel, au plan fiscal, la fusion est définie comme la réunion de sociétés qui peut résulter soit de l'absorption d'une ou plusieurs sociétés par une autre qui subsiste seule, soit par la création d'une société nouvelle, par deux ou plusieurs sociétés qui lui apportent l'intégralité de leur actif et disparaissent sans liquidation. En application des règles du régime de droit commun à l'opération de fusion, le coût fiscal de cette dernière peut s'avérer parfois très lourd du fait des diverses impositions (impôt sur les sociétés, impôt sur les bénéfices et plus-values non encore taxées, droits d'enregistrement liés à la dissolution...), dans la mesure où l'opération de fusion placée sous le régime de droit commun est assimilée à une dissolution de la ou des sociétés absorbées et une augmentation du capital de la société bénéficiaire de l'opération. D'une part, afin de ne pas dissuader les entreprises d'effectuer des opérations de restructuration pour des raisons purement fiscales, et d'autre part, tirant les conséquences de ces contraintes qui risquent de rendre irréalisable l'opération de fusion souvent nécessaire à la pérennité des entreprises, le législateur a apporté des aménagements au régime de droit commun en instituant un régime de faveur qui réduit ou supprime la plupart des taxes normalement exigibles. En d'autres termes, pour encourager les restructurations d'entreprises par voie de fusion, le législateur a institué un dispositif fiscal particulier dérogatoire aux règles de droit commun. Ce régime est destiné à faciliter le regroupement des sociétés passibles de l'impôt sur les sociétés, en visant la neutralité fiscale de l'opération. En effet, ce régime a pour résultat d'assimiler les fusions à une opération intercalaire laquelle n'emporte pas la cessation de l'activité, mais bien la continuité de l'exploitation de la ou les sociétés absorbées par la société absorbante. Dès lors, il convient donc d'étudier respectivement le champ d'application de ce régime (Chapitre I) et les effets que ce dernier produit à l'égard des sociétés participant à l'opération de fusion (Chapitre II). CHAPITRE I : LE CHAMP D'APPLICATION DU REGIME DE FAVEUREn instaurant un régime de faveur à l'opération de fusion, le législateur sénégalais a voulu ainsi rendre assez souple et profitable le coût fiscal de ladite opération en faveur des sociétés participantes. En effet, sans régime de faveur, il serait pratiquement dissuasif de procéder à des restructurations d'entreprises. On serait même tenté de dire que le système entrepreneurial serait complètement bloqué. Ce régime permet d'enregistrer les actes relatifs à la fusion à moindre coût. L'activité économique étant de plus en plus marquée par une certaine mobilité des entreprises, il est important que la fiscalité joue un effet stimulant et ne soit pas créatrice de distorsions. C'est pourquoi le projet de réforme de la LOI n° 2004-12 du 6 février 2004 modifiant certaines dispositions du Code général des Impôts propose un ensemble de mesures ayant pour effet de consacrer l'émergence d'un régime fiscal des transmissions et des transformations d'entreprises. De ce fait, l'opération de fusion bénéficie donc d'un régime de faveur qui se caractérise essentiellement par la perception de droits d'apport à un taux réduit. Ce régime est inspiré par le souci de neutralisation fiscale de l'opération de fusion en raison de la continuation de la ou des sociétés absorbées par la société absorbante. Ce régime de faveur fait abstraction de toute idée de dissolution de la société absorbée ou de cessation d'activité, pour éviter toute imposition aux différents stades du processus d'une fusion. Il a pour effet d'assimiler l'opération de fusion à une opération purement intercalaire. Le caractère intercalaire de la fusion s'explique par le fait que certaines taxations, contrairement à la fusion placée sous le régime de droit commun dans laquelle elles sont immédiatement imposées, ne seront pas instantanément imposables et seront donc ultérieurement recouvrées à la charge de la société absorbante. On considère alors que la fusion n'emporte pas cessation d'activité mais continuation de l'exploitation de la société absorbée par la société absorbante. En effet, ce régime comporte des avantages fiscaux tant sur le plan des droits d'apport pour l'imposition de l'opération même d'apport des actifs de la ou les sociétés absorbées ou fusionnées à la société absorbante, qu'en ce qui concerne la situation fiscale de l'ensemble des sociétés concernées par la fusion. Il faut préciser que ce régime ne correspond pas à une exonération d'impôt mais plutôt à un sursis d'imposition. Autrement dit, les actes qui sont normalement imposables bénéficient d'une imposition ultérieure. En effet, dans le but d'assouplir toute la panoplie d'impôts à payer lors de la réalisation de l'opération de fusion, le régime de faveur a été institué par le législateur pour amoindrir ces impôts, de permettre à la société qui bénéficie de la continuité de l'exploitation de la société apporteuse, de pouvoir se stabiliser économiquement et financièrement, étant donné son accroissement financier notablement positif à la suite de l'opération de restructuration pour ensuite procéder au paiement de son dû à l'égard du fisc. C'est le cas en ce qui concerne notamment les plus-values d'apport qui revêtent un caractère intercalaire, la taxation ultérieure de celles-ci étant reportée sur la tête de l'absorbante. Cependant, pour que les sociétés participantes à l'opération puissent bénéficier de ce régime de faveur, il faut que celles-ci réunissent un certain nombre de conditions se rapportant d'une part aux sociétés parties à la convention de fusion (Section 1) et d'autre part, aux apports à réaliser pendant l'opération (section 2). Section 1 : Les conditions se rapportant aux sociétés parties à la convention de fusionEn matière de fusion, le législateur a institué deux régimes : celui de droit commun et celui de faveur. « Le premier régime repose sur l'idée de mort de la société absorbée : dissolution et cessation d'activités. Quant au second, il exalte à l'opposé le principe de vie : l'activité de la société absorbée se prolonge dans le cadre nouveau de la société absorbante. En effet, sa disparition n'est qu'apparente puisqu'elle renaît sous les traits de l'absorbante »22(*). Le régime de faveur présentant beaucoup plus d'avantages, le bénéfice de celui-ci alors est soumis à la réunion de certaines conditions. Dès lors, il est acquis de plein droit. Il convient de rappeler que le régime de faveur a pour effet d'assimiler l'opération de fusion à une opération purement intercalaire. De ce fait, la fusion n'emporte pas cessation d'activités mais plutôt continuation de l'activité de la société absorbée par la société absorbante. Ce régime ne correspond pas à une exonération d'impôt, mais à un sursis d'imposition. Les conditions d'application du régime de faveur ne sont guère contraignantes : - Il implique d'abord que l'opération produise les effets d'une fusion : dissolution sans liquidation de la société absorbée, attribution aux associés de la société absorbée des titres de la société absorbante (article 191 alinéa 1 de l'A.U.S.C.G.I.E) ; - Il implique ensuite que les entreprises en cause relèvent toutes de l'impôt sur les sociétés. Il peut arriver que l'une des sociétés partie à la convention de fusion ne soit pas imposable à l'impôt sur les sociétés (cas par exemple d'une société unipersonnelle à responsabilité limitée soumise à l'impôt sur le revenu). Celle-ci peut donc opter pour l'impôt sur les sociétés, option qui précèdera immédiatement le processus de fusion. Il faut préciser que l'option pour l'impôt sur les sociétés est à titre définitif et la décision qui la prononce est irrévocable. L'impératif légal sonne clair et net : le régime de faveur est strictement réservé aux personnes morales relevant de l'impôt sur les sociétés, ce qui exclut à contrario celles qui relèvent de l'impôt sur le revenu. Dans ce cas, ne serait-ce pas faire injure à la loi que de tolérer qu'une société exclue contourne cette interdiction à la faveur d'une option frauduleusement faite pour les besoins de la cause ? A cela, on peut répondre que l'option est prévue par la loi elle-même et que, par définition, une option purement fiscale est motivée par des considérations purement fiscales. L'abus de droit sanctionne certes des ruses juridiques mais non de simples options fiscales. L'administration fiscale, pour apprécier si les sociétés satisfont ou non à la condition d'être passibles de l'impôt sur les sociétés se place à la date de réalisation définitive de l'opération de fusion en application de l'article 192 alinéa 1 de l'A.U.S.G.I.E qui dispose : «La fusion ou la scission prend effet : 1°) en cas de création d'une ou plusieurs sociétés nouvelles, à la date d'immatriculation, au registre du commerce et du crédit mobilier, de la nouvelle société ou de la dernière d'entre elles ; chacune des sociétés nouvelles est constituée selon les règles propres à la forme de la société adoptée. 2°) dans les autres cas, à la date de la dernière assemblée générale ayant approuvé l'opération, sauf si le contrat prévoit que l'opération prend effet à une autre date, laquelle ne doit être ni postérieure à la date de clôture de l'exercice en cours de la ou des sociétés bénéficiaires ni antérieure à la date de clôture du dernier exercice clos de la ou des sociétés qui transmettent leur patrimoine ». Le cas de la fusion-absorption est donc régit par l'alinéa 2 de cet article ; - Il implique enfin que si une soulte est versée aux associés de la société absorbée, elle ne doit pas excéder 10% de la valeur nominale des titres qui leur sont attribués23(*). Eu égard aux notions citées ci-dessus, il faut donc d'une part tenir compte de la forme sociale des sociétés participantes à l'opération (paragraphe 1) et d'autre part, du siège social de la société absorbante (paragraphe 2). * 22 _ In M. Cozian, Précis de fiscalités des entreprises, 26ème édition : 2002-2003 Paris Litec. * 23 _ Article 191 de l'Acte Uniforme relatif aux Sociétés Commerciales et Groupements d'Intérêts Economiques
|
|