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L'arbitrage ohada à l'épreuve de l'arbitrage investisseur-etat

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par Cassius Jean SOSSOU
Université de Genève Faculté de Droit et Hautes Etudes Internationales et du Développement - Master of Advanced Studies in International Dispute Settlement (MIDS) 2008
  

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B.- Les sources publiques conventionnelles

39. Dans l'espace OHADA deux catégories de sources publiques conventionnelles sont dignes d'évocation comme outils pour régir l'arbitrage international d'investissement. Il s'agit des Traités multilatéraux à vocation universelle (1) et des Traités multilatéraux à vocation régionale (2).

1.- Les Traités multilatéraux à vocation universelle

40. Nous évoquerons ici selon leur ordre d'importance dans le droit de l'arbitrage d'investissement trois (3) Conventions à vocation universelle auxquelles la quasi-totalité des pays membres de l'OHADA sont partis. Ainsi, une place de choix sera faite à la plus grande Convention universellement admise qui traite de façon spécifique et exclusive des différends liés à l'investissement (a), ensuite dans le sillage des instruments de la Banque Mondiale comme source de l'arbitrage d'investissement, nous évoquerons l'importance et le rôle de l'Agence Multilatérale de Garantie des investissements (b), et enfin la Convention de New York comme source de l'arbitrage d'investissement dans le processus de la reconnaissance et de l'exécution des sentences arbitrales étrangères à l'OHADA sera analysée.

a.- La Convention de Washington

41. Évidemment on ne saurait parler de l'arbitrage d'investissement sans évoquer la Convention de Washington qui a fait naître le Centre International pour le Règlement des Différends relatifs aux Investissements (CIRDI). Créée sous les hospices de la Banque Mondiale tout comme l'Agence Multilatérale de Garantie des Investissements, le CIRDI a pour vocation de promouvoir l'investissement à travers la facilitation du règlement des litiges relatifs aux investissements entre les gouvernements et les investisseurs étrangers. Elle est la source par excellence du droit de l'arbitrage d'investissement. De par sa réglementation, le Centre créé par la Convention de Washington (CIRDI) offre des facilités pour la conciliation et l'arbitrage des litiges entre les pays membres et les investisseurs qualifiés comme citoyens d'autres pays membres.

42. La singularité de ce Centre relève du fait que les recours à l'arbitrage et la conciliation du CIRDI sont entièrement volontaires ; mais en revanche, une fois que les parties ont consenti à la compétence du Centre aucune ne peut unilatéralement retirer son consentement. De plus, tous les Etats contractants au CIRDI, qu'ils soient parties ou non à un litige, se doivent de par la Convention, de reconnaître et appliquer les sentences arbitrales du CIRDI.

43. En plus de fournir des facilités pour la conciliation et l'arbitrage sous la Convention du CIRDI, le Centre a mis en place, depuis 1978, un ensemble de Règles additionnelles autorisant le Secrétariat du CIRDI à gérer certains types de procédures entre les Etats et les citoyens étrangers. Il s'agit des facilités additionnelles d'arbitrage et de conciliation qui sont aussi disponibles pour les affaires concernant un litige qui n'est pas un litige relatif aux investissements, dans la mesure où il est lié à une transaction qui a des caractéristiques qui le différencie d'une transaction commerciale ordinaire. Une troisième activité du CIRDI dans le domaine du règlement de litiges consiste pour le Secrétaire Général du CIRDI, d'agir en tant qu'autorité de désignation d'arbitres pour les procédures d'arbitrage ad hoc (c'est-à-dire non-institutionnelles). Ceci est plus courant dans le contexte d'arrangements pour un arbitrage selon le Règlement d'arbitrage de la Commission des Nations Unies pour le droit commercial international (CNUDCI), qui sont spécialement conçues pour les procédures ad hoc.

44. La caractéristique du Centre (Centre autonome créé sous la bannière de la Banque Mondiale) et de ses activités (règlement des litiges liés à l'investissement) intéressent à plus d'un chef les Etats africains, et plus précisément les Etats de l'espace OHADA, du moment où il offre une plus value en terme de garantie judiciaire aux investisseurs étrangers qui n'ont eu de cesse à boycotter les juridictions étatiques africaines, pour des raisons supposées ou avérées. C'est la raison pour laquelle il est noté une forte adhésion des pays de l'Afrique noire en général et ceux de l'OHADA en particulier à la Convention de Washington du 18 mars 1965.

45. L'examen nominatif des Etats-membres de l'OHADA ayant adhéré à la Convention nous permet de constater que seuls deux pays de cet espace ne sont pas Etats-partis à la Convention de Washington. Il s'agit de la Guinée Equatoriale qui, à ce jour, ne fait pas encore partie de ladite Convention. Quant à la Guinée Bissau, deuxième pays non adhérant à la Convention de Washington, elle est signataire de ladite Convention depuis le 4 septembre 1991 mais ne l'a pas encore ratifiée et, en conséquence le texte de la Convention n'est pas encore entré en vigueur dans ce pays. Il en appert que, conformément aux principes généraux du droit des traités, cet État n'ayant pas signé la Convention, il n'y est pas automatiquement partie. Pour qu'il soit lié conformément au droit international, il faut qu'il accomplisse un autre acte tel qu'une ratification ou une adhésion, et que la Convention soit entrée en vigueur. Ce qui est loin d'être le cas à ce jour pour la Guinée Bissau.

46. Mis à part ces deux pays retardataires de la zone OHADA, il est à noter que les problèmes posés par les contentieux de l'investissement international sont réglés dans les pays membres de l'espace OHADA par le biais de l'application des dispositions spécifiques de la Convention de Washington du 18 mars 1965 et du Règlement d'arbitrage élaboré par le Centre.

47. Pour le cas particulier de ces deux pays non encore parties à la Convention, le constat qui se dégage est que tout différend relatif à l'investissement pourra être résolu selon tout autre mécanisme de règlement des conflits liés à l'investissement à l'exclusion toutefois, de la Convention de Washington. Ainsi, pourront être appliquées les dispositions du Règlement d'une institution d'arbitrage (tel le règlement CCI, le règlement CNUDCI, le règlement CCJA etc....) ou tout simplement, la soumission au Règlement du Mécanisme Supplémentaire d'Arbitrage et de Conciliation prévu par le Centre. En aucune façon, ces pays étant exclus du champ d'application ratione personae de la Convention, conformément aux dispositions de l'article 25 (1), ils ne peuvent se voir admettre que le Règlement du Mécanisme Supplémentaire autorisant le Secrétariat du CIRDI à administrer les procédures entre Etats et ressortissants d'autres Etats qui ne tombent pas dans le champ d'application de la Convention du CIRDI.

48. Ceci étant, dans le cadre particulier de l'investissement et de l'arbitrage qui pourrait en résulter dans l'espace OHADA la question se pose de savoir si l'existence d'une part de la Convention de Washington et d'autre part du droit OHADA de l'arbitrage comme sources de l'arbitrage d'investissement ne créé pas une certaine incompatibilité. La question autrement formulée revient à se demander, si en matière d'investissement il est admissible que soit soumis à l'arbitrage OHADA des différends qui tomberaient normalement sous la compétence juridictionnelle du CIRDI en vertu des exigences contraignantes de l'article 25 de la Convention de Washington.

49. À notre avis la question ne se pose même pas d'autant plus que la lecture des dispositions de l'article 26 de la Convention de Washington nous facilite la tâche quant à la réponse à cette question. En effet, cet article dispose que «le consentement des parties à l'arbitrage dans le cadre de la présente Convention est, sauf stipulation contraire23(*), considéré comme impliquant renonciation à l'exercice de tout autre recours...«. Il s'en induit, conformément aux dispositions du précédent article qui pose une règle à caractère prohibitif interdisant la possibilité de saisine de toute autre juridiction, une fois le consentement explicite des parties à la juridiction donné, que la Convention de Washington contient les termes de sa propre limite lorsqu'il renvoie à une stipulation contraire des parties. Ce qui veut dire que la renonciation de recourir à la compétence du CIRDI selon les propres termes de l'article 26 emporterait la possibilité pour les parties de soumettre leur différend en matière d'investissement à la juridiction de l'OHADA en l'occurrence la CCJA comme Centre d'arbitrage.

50. La conclusion qui se dégage de cette analyse est que l'incompatibilité loin d'être réelle n'est qu'apparente entre les deux sources de l'arbitrage par rapport à l'investissement dans la zone OHADA. En conséquence, étant entendu que le droit africain de l'arbitrage ne renie pas la possibilité de compromission de l'Etat, 24(*) le recours à un arbitrage d'investissement différent de celui du CIRDI est admissible dans les rapports entre un Etat signataire de la Convention de Washington avec un ressortissant d'un autre Etat signataire, à la condition sine qua non que les parties aient expressément consenti à renoncer à la compétence du CIRDI. Cette hypothèse ne fera qu'augmenter la faculté de choix de forum offerte aux parties à un arbitrage d'investissement dans l'espace OHADA. Ainsi, à l'arbitrage CIRDI s'ajoute désormais la préférence pour un arbitrage institutionnel de la CCJA voire un arbitrage ad hoc sur le fondement de l'Acte Uniforme relatif au droit de l'arbitrage OHADA. La Convention de Washington ne recevra l'exclusivité d'application et donc le CIRDI n'aura juridiction exclusive que si les parties ont opté sans ambigüité pour un tel choix.

* 23 _ C'est nous qui le soulignons


* 24 _ Sur cette question l'article 2 § 2 de l'AUA dispose que «les Etats et les autres collectivités publiques territoriales ainsi que les Etablissements publics peuvent également être parties à un arbitrage, sans pouvoir invoquer leur propre droit pour contester l'arbitrabilité d'un litige, leur capacité à compromettre ou la validité de la convention d'arbitrage«.


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