2) Octroi de la
personnalité juridique et ses conséquences
Il est vrai que le constituant dote les provinces et ETD de
la personnalité juridique. Ainsi que nous l'avons déjà
dit, l'article 2 alinéas 1 de la constitution du 18 février 2006
dispose que la RD Congo est composée de 25 provinces plus la ville de
Kinshasa. L'alinéa 2 du même article les énumère
comme nous l'avons indiqué ci haut.
L'article 226 quant à lui dispose que les nouvelles
provinces et entités territoriales décentralisées
entreront en vigueur endéans les trente six mois qui suivront
l'installation effective des institutions politiques prévues par la
présente constitution dans les dispositions de l'alinéa
1er de l'article 2. En attendant l'entrée en vigueur de ces
nouvelles provinces et ETD, nous pouvons confirmer la personnalité
juridique des anciennes provinces et de la ville de Kinshasa, des territoires
et des communes pour la ville de Kinshasa conformément au
décret-loi n° 018/2001 du 28 septembre 2001 qui modifie et
complète le décret loi n*081 du 2 juillet 1998 portant
organisation territoriale et administrative de la RD Congo dans son article
7.
La conséquence directe de la personnalité
juridique est logiquement l'autonomie financière. C'est dans cette
logique que l'article 3 alinéa 3 de la constitution affirme que les
provinces et les ETD jouissent de la libre administration et de l'autonomie de
gestion de leurs ressources économiques, humaines, financières et
techniques.
Ici encore il faut rappeler que l'autonomie financière
doit être la règle au deuxième niveau de la
décentralisation, c'est-à-dire entre les provinces et les ETD.
Mais le constituant n'a consacré que la décentralisation
financière entre l'Etat et les provinces.
Ainsi la question de l'autonomie financière des ETD
demeure d'actualité. Car ces dernières estiment être
privées des 40 % des recettes à caractère national
allouées aux provinces.
A vrai dire, la crainte formulée au sujet de la
gestion centralisée des ressources par le pouvoir central se
répercute également dans les rapports entre les provinces et les
ETD.
3°) Des
élections des membres des organes de ces collectivités
Ce troisième caractère est satisfait à
moitié car seuls les organes des provinces ont été
élus. Ceux des ETD continuent à être nommés par les
ordonnances présidentielles.
Il découle donc de cette analyse que la
décentralisation territoriale en RDC est encore dans un état
embryonnaire. Beaucoup reste à faire. Car sans élections des
organes des ETD et sans une autonomie financière véritable,
l'objectif visé risque d'être une utopie.
B. La décentralisation
financière
Le but de notre étude est l'analyse de la thèse
selon laquelle la décentralisation financière est
l'antithèse du recouvrement des impôts de grandes entreprises.
En effet, contrairement aux autres Etats qui ont posé
le principe de la répartition des ressources publiques entre le pouvoir
central et les provinces dans le cadre du fédéralisme sans en
déterminer la clé de répartition, le constituant de 2006
est allé plus loin dans les dispositions de l'article 175 de la
constitution. Il convient donc avant de se prononcer sur l'application ou non
de la décentralisation financière de rappeler les principes
directeurs de la gestion des ressources publiques découlant de l'analyse
constitutionnelle et légale.
Nous pouvons, après analyse, distinguer trois
principes directeurs de la gestion des ressources publiques qui sont :
1. Le principe de la conservation : ce système
permet au pouvoir central de percevoir à son profit les droits de
douanes, les impôts cédulaires sur les revenus, l'impôt sur
le chiffre d'affaires, les accises, les taxes et redevances administratives et
judiciaires, domaniales et de participation.
2. La cession : d'après ce système, l'Etat
perçoit pour le compte des collectivités des impôts
« réels » tels que l'impôt foncier,
l'impôt sur les revenus locatifs des personnes physiques et morales non
commerçantes, l'impôt sur les concessions minières et les
hydrocarbures, l'impôt sur les véhicules (vignette), la taxe de
circulation routière, la taxe de consommation sur la bière, le
tabac et sur la téléphonie cellulaire.
3. La renonciation : avec ce système de gestion,
le gouvernement élabore une liste en principe limitative des
impôts auxquels il renonce. Cette liste est déterminée par
le décret-loi de 1998.
A la lumière de la loi, nous pouvons classifier les
ressources financières de la RD Congo en trois catégories dont
les recettes à caractère national, les recettes exceptionnelles
et les recettes propres aux provinces et ETD.
S'agissant des ressources provenant des recettes à
caractère national, nous pouvons dire que l'Etat les a
conservées. Ces recettes sont :
- Les recettes administratives, judiciaires, domaniales et de
participation ;
- Les recettes des douanes et accises ;
- Les recettes provenant des impôts des grandes
entreprises, des produits pétroliers.
Ainsi pour percevoir cette première catégorie
d'impôts, l'Etat a créé les régies
financières suivantes qui s'occupent, selon l'ordre, des recettes
ci-dessus : la Direction Générale des Recettes
Administratives et Domaniales (DGRAD) ; l'Office des douanes et accises
(OFIDA) et la Direction Générale des impôts (D.G.I) avec un
organe particulier chargé de recouvrer les impôts des grandes
entreprises, la D.G.E.
Concernant les ressources exceptionnelles, on compte les
emprunts extérieurs (conservation car effectué par l'Etat), les
emprunts intérieurs (renonciation car de la compétence des
provinces) et la caisse de péréquation constituée de 10 %
des recettes à caractère national (principe de la
conservation).
Quant aux ressources propres des provinces et ETD, le
principe de la renonciation prime car l'Etat y a renoncé au profit de
ces collectivités. Après cette analyse, nous pouvons affirmer,
sans peur d'être contredit, que la décentralisation
financière soulève des problèmes :
- Premièrement, concernant la conservation nous pouvons
nous demander si elle concerne seulement l'établissement et la
perception de ces ressources ou encore leur disposition ;
- Deuxièmement, la cession pose problème au
regard de la retenue à la source tant des recettes à
caractère national que de certains impôts auxquels le pouvoir
central a renoncé au profit des provinces ;
- Troisièmement, la renonciation est-elle totale ou
partielle du point de vue de l'établissement, du recouvrement et du
contrôle ?
Nous tenterons de donner les solutions à ces
problèmes au paragraphe consacré à la souveraineté
fiscale. Mais en attendant, que dire de la décentralisation
financière actuellement en RD Congo ?
Trois ans après la promulgation de la constitution,
les dispositions relatives à la décentralisation
financière ne sont pas encore mises en application. Le tableau de la
décentralisation financière est tout au rouge.
Les gouverneurs de province n'ont cessé d'accuser le
pouvoir central de « méconnaître » leurs
droits, notamment celui en rapport avec la retenue à la source de 40 %
des recettes à caractère national. La question était
encore à l'ordre du jour de la dernière conférence des
gouverneurs de province tenue du 24 au 25 juin 2009 à Kisangani.
Aucune résolution sérieuse n'a
été prise au cours de ces assises, si ce n'est la suggestion des
gouverneurs au gouvernement central de l'institution d'un ordre de paiement
permanent auprès des succursales de la Banque Centrale pour faciliter le
paiement au profit des provinces.
Il est vrai que plusieurs préalables s'imposent pour
la mise en application de la décentralisation financière, tel que
l'encadrement des sources financières de chaque province, mais il est
aussi vrai que les acteurs politiques ne comprennent pas les enjeux de cette
décentralisation et freine le processus.
Par ailleurs, on constate que l'article 220 alinéas
2 interdit toute révision constitutionnelle ayant pour objet ou
pour effet de réduire les prérogatives des provinces et ETD. La
machine a été verrouillée. Il n'y a donc pas d'autre
mécanisme que l'application de la décentralisation
financière.
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