L'être en devenir, considérations aristotéliciennes sur le devenir( Télécharger le fichier original )par Martin MBENDE Grand séminaire philosophat Paul VI Bafoussam, Cameroun - Graduat de philosophie 2008 |
II. Position de ParménideL'Ecole d'Elée dont se réclame Parménide, a eu pour précurseur un émigré ionien originaire de Colophon : Xénophane. Né vers 570 avant Jésus Christ, poète errant et rhapsode, il mourut centenaire à Elée. C'est sous son impulsion que la physique milésienne cède le pas à de véritables problématiques philosophiques dont la plus poignante est une espèce d'introduction au problème ontologique : le problème de l'Un. Ce problème il convient de le rappeler, se situe dans la perspective de démontrer qu'un quelconque devenir de l'Etre n'est pas possible. C'est Parménide en qui l'histoire reconnaît le fondateur de l'Ecole d'Elée, qui systématisera cette philosophie et aboutira à la thèse selon laquelle l'Etre est et le non-Etre n'est pas. Dans cette logique, le devenir n'est alors que pure illusion. 1. L'être est, le non-être n'est pasLa voie de la vérité et la voie de l'opinionFormé à la sagesse par Diochertès et Aminias tous deux pythagoriciens, Parménide exprime sa réflexion sur l'Un dans un poème philosophique auquel l'histoire a donné le nom resté fort célèbre de poème de Parménide. D'un style politico-mystique, à l'allure initiatique et orphique emprunté au pythagorisme qui dominait à cette époque, le poème de Parménide s'ouvre par une image métaphorique faisant état du poète conduit par les filles du Soleil chez la déesse : « Le char qui m'emporte m'a conduit aussi loin que mon coeur pouvait le désirer, puisqu'il m'a amené et déposé sur la voie fameuse de la déesse qui dirige l'homme qui sait à travers toutes les villes...Et l'axe brillant dans le moyeu (car il était ceinturé à chaque extrémité par les roues tourbillonnantes) faisait entendre un son strident comme celui d'un pipeau, quand les filles du Soleil, se hâtant de me conduire à la lumière , écartèrent leurs voiles de leurs faces et quittèrent la demeure de la nuit...la déesse me salua amicalement, prit ma main droite dans les siennes et s'adressa à moi en ces termes : «Sois le bienvenu, ô jeune homme...Il faut que tu apprennes toutes choses, aussi bien le coeur inébranlable de la vérité bien arrondie, que les opinions illusoires des mortels dans lesquelles il n y a pas de vrai certitude.»»27(*) Fasciné par la beauté de cette poésie, nous sommes davantage impressionnés par sa teneur philosophique. En effet, l'accueil chaleureux réservé au poète par la déesse, est dû au fait qu'il s'est engagé sur cette voie qui est « loin du sentier des hommes battus. » Ce sentier dont Parménide se félicite de s'en être éloigné, est en effet celui qui affirme le devenir de l'Etre. Pour lui, le devenir des choses serait lié à leur appréhension par les sens et non par l'esprit. C'est pourquoi, c'est par une voie tout à fait nouvelle, précisément celle qui consiste à saisir les choses avec l'esprit et non par les sens que Parménide va quêter la vérité : « Considère fermement les choses avec ton esprit, bien qu'elles soient éloignées, comme si elles étaient à la portée de ta main... »28(*) L'esprit ne peut appréhender que ce qui est intelligible. Or la contradiction qui relève du devenir comme l'a montré Héraclite, semble être le lot du monde phénoménal. Naissance, mort, transformation, mouvement, sont autant de termes qui qualifient la chose sensible. On peut donc conclure que le monde sensible qui est celui du changement ne peut s'appréhender logiquement par l'esprit. Car, « changer suppose se nier pour devenir autre chose. »29(*) Ainsi, l'Etre reste la seule réalité qui puisse être pensée puisqu'il est impossible qu'il ne soit pas ou qu'il soit autrement qu'il est. Et toute pensée qui affirmerait qu'il n'est pas serait tout simplement vide de sens. Telles sont donc les deux voies que la déesse a décrites en ces termes : « ...Je vais te dire ...les deux seules voies de recherche que l'on peut concevoir. La première, à savoir qu'il est et qu'il est impossible pour lui de ne pas être, est la voie de la persuasion, car la vérité est son compagnon. La seconde, à savoir qu'il n'est pas, et qu'il n'est pas nécessaire qu'il soit celle-là je te le dis, est un sentier dans lequel nul ne peut rien apprendre. Car tu ne peux pas connaître ce qui n'est pas (c'est impossible) ni l'exprimer ; car c'est la même chose qui peut être pensée et qui peut être. »30(*) Il s'avère donc que la voie de l'opinion qui affirme l'existence du non-Etre et partant le devenir est à proscrire. Quant à celle de l'Etre qui est aussi celle de la vérité, elle nous achemine vers une véritable ontologie parménidienne. * 27 Le poème de Parménide, fragment 1, cité par CARATINI R., op. cit., p. 57. * 28 Le poème de Parménide, fragment 2, cité par CARATINI R., op. cit., p. 58. * 29 Idem. * 30 Le poème de Parménide, fragments 4-5, cité par CARATINI R., op. cit., p. 58. |
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