L'être en devenir, considérations aristotéliciennes sur le devenir( Télécharger le fichier original )par Martin MBENDE Grand séminaire philosophat Paul VI Bafoussam, Cameroun - Graduat de philosophie 2008 |
III. Devenir de l'être sous la modalité del'acte et de la puissance1. De la puissance à l'acteDevenir se dit passage de la puissance à l'acte. Toutefois, « quelque chose peut avoir la puissance d'être, et cependant n'être pas. »136(*) Dès lors, pour que le mouvement soit possible, il faut une opération d'actualisation de la puissance. C'est la raison pour laquelle Aubenque appréhende le mouvement comme étant « l'actualisation de la puissance. »137(*) Cette opération se situe au niveau de la puissance rationnelle qui, à la différence de celle irrationnelle, est productrice des contraires. Cependant, « comme il n'est pas possible que deux états contraires appartiennent ensemble au même sujet »138(*) car la présence de l'un exclue celle de l'autre, un seul des contraires pourra être actualisé. Le problème qui se pose alors est celui de savoir sur quelle base doit se fait cette actualisation. Pour Aristote, les critères d'actualisation d'une puissance sont au nombre de deux : le désir et le choix rationnel d'une part, le rapprochement avec le patient d'autre part. Il écrit à ce propos au sujet de la puissance rationnelle : « Il est nécessaire qu'il y ait pour elle quelque autre élément déterminant, je veux dire le désir ou le choix rationnel : quelle que soit celle des deux choses que l'agent désire d'une manière décisive, il l'accomplira dès qu'il y aura présence et rapprochement avec le patient, d'une façon appropriée à la puissance dont il s'agit. »139(*) Le désir préside donc au choix de la puissance à actualiser. Mais seul il ne suffit pas. En effet, si tel était le cas, le choix serait de l'ordre de l'arbitraire, de la passion ou tout simplement du sentiment. C'est pourquoi Aristote associe au désir la raison, faculté de juger selon Kant, lumière naturelle pour Descartes qui nous permet de « distinguer le vrai d'avec le faux. »140(*) Le choix rationnel s'écarte donc de toute subjectivité pour quêter l'objectivité et partant l'universel. Toutefois désir et choix rationnel ne suffisent pas : il faut encore qu'« aucun obstacle extérieur n'empêche l'action de la puissance. »141(*) D'où la nécessité du rapprochement entre l'agent et le patient. En effet, ce n'est pas par un simple désir et un choix rationnel de fabriquer une statue que le sculpteur forgera la statue. Il faut bien que ses mains et ses instruments se rapprochent du bronze. Connaissant ces critères, on pourrait se demander comment se fait-il que l'homme actualise le mal par exemple plutôt que le bien dans certaines circonstances. Aristote répond dans son Ethique à Nicomaque que état de chose est dû à la faiblesse de la volonté. Eu égard à ce qui précède, il apparaît que « tout changement, provenant de ce qui peut-être pour l'amener à être actuellement, est le passage de l'être en puissance à l'être en acte, c'est-à-dire de la possibilité d'être à l'existence actuelle. »142(*) C'est l'acte qui révèle la puissance puisqu'il est son accomplissement. On peut donc dire que la puissance désire l'acte qui pourtant lui est antérieur. * 136 Ibid., È, 3, 1047 a, 20. * 137 AUBENQUE P., op. cit., p. 453. * 138 ARISTOTE Catégorie, 11, 14 a, 10. * 139 ARISTOTE, Métaphysique, È, 5, 1048 a, 10. * 140 DESCARTES R., Discours de la méthode, France, Fernand Nathan, 1986, p. 34. * 141 ARISTOTE, Métaphysique, È, 5, 1048 a, 16. * 142 DAUJAT J., op. cit., p. 63. |
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