L'être en devenir, considérations aristotéliciennes sur le devenir( Télécharger le fichier original )par Martin MBENDE Grand séminaire philosophat Paul VI Bafoussam, Cameroun - Graduat de philosophie 2008 |
2. La logique du devenirLe devenir suppose le mouvement d'un contraire à un autre. Et par contraires, il faut entendre « ceux des attributs différents par le genre, qui ne peuvent coexister dans le même sujet, ceux qui diffèrent le plus dans le même genre, ceux qui diffèrent le plus dans le même sujet qui les reçoit. »128(*) Cette définition qu'Aristote donne aux contraires est très significative dans l'étude du devenir : elle permet de préciser de quels contraires il est exactement question. En effet, les contraires qui participent du devenir de l'Etre sont ceux qui appartiennent nécessairement à un même genre. Aristote affirme à ce sujet : « Il est nécessaire que les couples de contraires soient dans tous les cas, ou bien dans le même genre, ou bien dans des genres contraires, ou bien enfin soient eux-mêmes des genres. »129(*) Ainsi, le devenir ne se réalise pas entre haut et blanc mais entre blanc et noir, haut et bas. Car haut et bas, blanc et noir, participent d'un même genre : le genre de la grandeur et celui de la couleur. Dès lors, il s'ensuit que « le devenir n'est pas désordonné au point de ressembler à un chaos et que tout ne naît pas de n'importe quoi. »130(*) Il y a donc une logique dans le devenir, laquelle est imposée par le genre auquel appartiennent les contraires. Puisque le devenir exige des contraires une communauté de genre, « il y aura donc autant de genres suprêmes de mouvement qu'il y a de genre de l'être qui admettent les contraires ; or parmi les catégories, seules celles de la qualité, de la quantité et du lieu sont dans ce cas. »131(*) En effet, « ce qui change, change toujours selon l'étance, la qualité, la quantité ou le lieu. »132(*) Ainsi, les trois seuls genres de changements que nous pouvons envisager sont les suivants: l'altération (changement selon la qualité), l'accroissement ou le décroissement (changement selon la quantité) et la translation (changement selon le lieu). Quant à la génération et à la corruption, elles ne sont pas classées parmi les changements pour deux raisons : La première est que tout changement s'effectue entre contraires. Or « relativement à la substance, il n'y a pas de mouvement, parce que la substance n'a aucun contraire. »133(*) La deuxième raison c'est qu'elles relèvent des attributs contradictoires et signifient de ce fait la naissance ou la mort d'une substance. En effet, le changement selon les contraires ne modifie pas la substance des choses, « alors qu'une chose qui reçoit un attribut contradictoire cesse par là même d'être ce qu'elle était ; elle est détruite en tant que telle ou, inversement, est produite. »134(*) En dernière analyse, il n y a donc de changement que selon la qualité, la quantité et le lieu. Mais puisque « l'Être a un double sens, tout changement s'effectue de l'Être en puissance à l'Être en acte. »135(*) * 128 ARISTOTE, Métaphysique, Ä, 10, 1018 a, 25. * 129 ARISTOTE, Catégorie, 11, 14 a, 20. * 130 CHÂTELET F., op. cit., p. 163. * 131 BREHIER E., op. cit., p. 183. * 132 ARISTOTE, La physique, III, 2001 b, 34. * 133 ARISTOTE, Métaphysique, K, 12, 1068 a, 10. * 134 AUBENQUE P., op. cit.,p. 433-434. * 135 ARISTOTE, Métaphysique, ë, 2, 1069 b, 15. |
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