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L'être en devenir, considérations aristotéliciennes sur le devenir

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par Martin MBENDE
Grand séminaire philosophat Paul VI Bafoussam, Cameroun - Graduat de philosophie 2008
  

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2. L'antériorité de l'acte

Nous touchons ici à l'un des aspects les plus fondamentaux de la réflexion d'Aristote sur le devenir. Mais avant d'aborder cette étude, il convient de rappeler que l'acte et la puissance sont deux notions inséparables. Par conséquent, « la distinction de l'être en acte et de l'être en puissance ne serait jamais née sans les apories classiques sur le mouvement. »143(*)

D'emblée, il semble, que la puissance précède l'acte. En effet, c'est de l'architecte en puissance que surgit l'architecte en acte. Seulement, du point de vue métaphysique, c'est en fait l'acte qui est antérieur à la puissance. Cette antériorité, Aristote la situe à trois niveaux :

Primo : selon la logique, l'antériorité s'explique par le fait que la puissance n'existe qu'en vue de l'acte. Elle est faite pour l'acte et n'est connue que par lui. L'acte est donc la ratio conoscendi de la puissance. Aristote s'explique en ces termes : « Que selon la notion l'acte soit antérieur, cela est évident : c'est parce qu'il peut s'actualiser que ce qui est puissant, au sens premier est puissant. Par exemple, j'appelle capable de construire, celui qui peut construire. »144(*)

Secundo : selon le temps, l'antériorité prend source dans le fait qu'il y a toujours un moteur premier et ce moteur existe déjà en acte : « Dans l'ordre du temps, un acte est toujours préexistant à un autre acte, jusqu'à ce qu'on arrive à l'acte du Premier Moteur éternel. »145(*) Aristote fait remarquer davantage qu'il semble impossible d'être architecte si on n'a rien construit auparavant.

Tertio : selon la substance, « d'abord parce que ce qui est postérieur dans l'ordre de la génération est antérieur dans l'ordre de la forme et de la substance. »146(*) L'exemple typique est celui de l'enfant et de l'homme adulte. Selon la génération, l'homme adulte est postérieur à l'enfant. D'où le dicton : l'enfant est le père de l'homme. Mais selon la forme et la substance, l'homme adulte est antérieur à l'enfant car c'est de lui que celui-ci reçoit forme. Ensuite « parce que tout ce qui devient s'achemine vers un principe, c'est-à-dire une fin. »147(*)

Tout devenir est ordonné à une fin et l'acte est la fin vers laquelle tend la puissance. A cet effet, Aristote écrit : « Ce n'est pas pour posséder la faculté de voir que les animaux voient, mais c'est pour voir qu'ils possèdent la faculté de voir. »148(*) De même, « la matière n'est en puissance que parce qu'elle peut aller vers sa forme. »149(*)

Par ailleurs, l'acte peut se confondre avec l'exercice tout comme il peut être la fin d'un processus. On dit alors que l'acte est soit immanent à l'agent lui-même, soit transitif c'est-à-dire qu'il débouche sur la production d'une oeuvre extérieure à l'agent. Ainsi, « la vue a pour terme la vision, sans qu'il résulte de la vision aucune autre oeuvre que la vue tandis que de l'art de bâtir dérive non seulement l'action de bâtir mais aussi la maison. »150(*) Il ne faut donc pas restreindre la notion d'acte uniquement au mouvement, car elle est aussi présente dans le repos, et « il y a plus de plaisir dans le repos que dans le mouvement. »151(*)

En outre, remarquons avec Aristote que les êtres éternels sont antérieurs aux êtres corruptibles. En effet, s'ils ne l'étaient pas, ceux-ci ne seraient pas non plus puisqu'ils dépendent d'eux d'une part et d'autre part parce que tout être corruptible qui a la puissance d'être peut aussi bien ne pas être. Ainsi, « tout ce qui est incorruptible existe en acte »152(*) et par conséquent, l'acte est antérieur à la puissance.

En appliquant cette réflexion au Mal et au Bien, il apparaît que le Mal ne saurait exister comme principe parce que les principes sont des formes éternelles, immobiles. Or le passage du Mal au Bien suppose un changement qualitatif qui ruine la loi d'immobilité des principes et Aristote de conclure : « Il n'y a donc plus dans les réalités primordiales et éternelles, ni mal, ni péché, ni corruption, car la corruption compte elle aussi, au nombre des maux. »153(*) Par conséquent, le mal est un accident

* 143 AUBENQUE P., op. cit., p. 443.

* 144 ARISTOTE, Métaphysique, È, 1049 b, 14.

* 145 Ibid., È, 8, 1050 b, 5.

* 146 Ibid., È, 8, 1050 a, 4.

* 147 Ibid., È, 8, 1050 a, 7.

* 148 Ibid., È, 8, 1050 a, 24.

* 149 Ibid., È, 8, 1050 a, 15.

* 150 Ibid., È, 8, 1050 a, 7.

* 151 ARISTOTE, Ethique à Nicomaque, VII, 15, 1154 b, 17.

* 152 ARISTOTE, Métaphysique, È, 8, 1050 b, 18.

* 153 Ibid., È, 9, 1051 a, 20.

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