L'être en devenir, considérations aristotéliciennes sur le devenir( Télécharger le fichier original )par Martin MBENDE Grand séminaire philosophat Paul VI Bafoussam, Cameroun - Graduat de philosophie 2008 |
II. Mouvement et principes1. Matière, forme et privationL'analyse du devenir révèle une triplicité des principes : la matière, la forme et la privation. En effet, dans le devenir, il y a la chose qui devient qu'on nomme matière. Ensuite, il y a ce qui advient à cette matière à savoir la forme. Enfin, il y a à l'opposé de la forme, ce à partir de quoi la forme est advenue c'est-à-dire la privation. Ces termes peuvent s'illustrer analogiquement par ce que la pierre est à la statue, le bois au lit, avant que sculpteur et menuisier aient façonné leurs ouvrages. C'est par cet argument qu'Aristote a réfuté la thèse des éléates qui, dans leur ignorance de la privation, n'avaient de considération que pour un seul principe : la matière pour Mélissos, la forme pour Parménide. Dès lors, « si la triplicité des principes de l'être est imposée à l'être par le fait qu'il est en mouvement, on comprend inversement maintenant pourquoi la doctrine de l'unicité du principe était liée à celle de l'impossibilité du mouvement. »82(*) Cependant, il faut signaler qu'il n'y a pas de devenir de la forme car « l'essence ou la forme est un acte. »83(*) Par conséquent, dans le devenir de l'airain par exemple, ce qui naît, ce n'est point la forme de la sphère d'airain mais plutôt l'union de la forme sphérique et de l'airain. Aristote affirme à ce sujet : « Ce qu'on appelle forme ou substance n'est pas engendrée, mais ce qui est engendré, c'est le composé de matière et de forme, lequel reçoit son nom de la forme ; et tout être engendré renferme de la matière, une partie de la chose étant matière, et une autre partie, forme. »84(*) Toutefois, ceci ne veut pas dire que toute forme est éternelle. Les formes éternelles en effet sont uniquement celles qui ne sont pas engagées dans le sensible (Dieu par exemple) et celles qui pour produire une nouvelle substance doivent préexister dans un autre individu de la même espèce. Par contre, lorsqu'une nouvelle qualité surgit d'une substance, celle-ci n'est pas éternelle bien qu'elle ne soit pas soumise au devenir. Par ailleurs, lorsque nous disons que l'Etre en devenir comprend la matière, la forme et la privation, il faut préciser que matière et forme sont des éléments de l'Etre ou mieux ses composantes immanentes et premières85(*) tandis que la privation est de l'ordre du non-Etre. Elle est absence mais absence de telle présence particulière. Au reste, tout devenir peut-être appréhendé par l'analogie universelle de « la forme, la privation et la matière ; mais chacun d'eux est autre en chaque genre : par exemple, pour la couleur, c'est respectivement le blanc, le noir, la surface, et, pour le jour et la nuit, la lumière, l'obscurité, l'air. »86(*) Toutefois le mouvement reste un acte imparfait et par conséquent infini. * 82 AUBENQUE P., op. cit., p. 431. * 83 ARISTOTE, Métaphysique, È, 8, 1050 b, 12. * 84 Ibid., Z, 8, 1033 b, 15-19. * 85 Ibid., Ä , 3, 1014 a, 26. * 86 Ibid., ë, 4, 1070 b, 18-20. |
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