L'être en devenir, considérations aristotéliciennes sur le devenir( Télécharger le fichier original )par Martin MBENDE Grand séminaire philosophat Paul VI Bafoussam, Cameroun - Graduat de philosophie 2008 |
2. Imperfection du mouvementAristote appréhende le mouvement comme un acte imparfait. Il écrit à ce propos dans sa Physique : « Le mouvement semble être un certain acte, mais inachevé, à cause du fait que le possible dont il est acte est inachevé. »87(*) C'est dire que pour Aristote, l'acte même du mouvement consiste paradoxalement à n'être jamais en acte, car la puissance dont il est acte est de l'ordre de l'indéterminé. Dès lors, le mouvement qui se veut passage de la puissance à l'acte se rapproche de l'infini par son imperfection. La notion d'infini rejoint ici celle de la puissance qui n'a jamais fini d'être puissance. Dans ce sens, « l'infini se caractérise par le fait qu'il n'en a jamais fini de devenir »88(*) et Aristote peut écrire : « Il ne faut pas considérer l'infini comme une chose déterminée, par exemple un homme ou une maison, mais comme on parle du jour et de la compétition, dont l'être n'est pas advenu comme une certaine étance, mais est toujours en génération et en périssement, et certes limité, mais toujours différent. »89(*) Il y a donc un lien entre infini et mouvement en tant que renouvellement perpétuel. Et Pierre Aubenque observe qu'il serait injuste de réduire le mouvement à une simple transition, à un simple passage. En effet, le mouvement « ne renvoie qu'à lui-même, achèvement toujours inachevé, commencement toujours commençant, qui s'épuise, mais en même temps se réalise dans la recherche d'une impossible immobilité. »90(*) L'expérience du mouvement est donc, à tout égard, l'expérience toujours inachevée du passage de la puissance à l'acte, car son achèvement signifierait sa suppression. Par conséquent, de l'irréductible imperfection du couple puissance-acte ou encore matière-forme, jaillit l'éternité du mouvement. Cependant, le mouvement est « incapable de se soutenir de lui-même en cette éternité imparfaite. »91(*) C'est pourquoi, tout ce qui est mû est mû par quelque chose. D'où l'élaboration par Aristote de la théorie des quatre causes et plus tard du Premier Moteur. * 87 ARISTOTE, La physique, III, 2, 201 b, 32. * 88 AUBENQUE P., op. cit., p. 454. * 89 ARISTOTE, La physique, III, 6, 206 a, 30. * 90 AUBENQUE P., op. cit., p. 455. * 91 CHÂTELET F., op. cit., p. 169. |
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