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Mise en place des structures et problématique fonctionnelle de l'école haà¯tienne

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par Kathia RIDORà‰
Université adventiste d'Haà¯ti -  Licence en science de l'éducation 2009
  

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B- Le système éducatif haïtien et le sous-développement.

Quelles relations existe-il entre éducation, développement, sous-développement ? Laquelle des variables éducation et sous-développement est dépendante l'une de l'autre ? L'analyse de ces questions nous amènera finalement à montrer les limites de toutes actions réformistes de transformation du système éducatif à l'intérieur du système social global aliénant.

1- Discours mystificateurs d'une éducation développementiste.

De l'avis des organismes internationaux, tels l'ONU à travers ses sous-divisions, l'analphabétisme et la sous-scolarisation sont des freins majeurs au développement démocratique des États de la périphérie. Si en apparence ce discours semble logique, au fond, il est vide de sens, parce qu'il ne prend pas en ligne de compte l'histoire dans laquelle s'insère la crise éducative chronique de ces pays. L'éducation n'a jamais été un facteur de développement, comme elle ne peut être non plus, un facteur de sous-développement. L'éducation est soumise à la mouvance de l'avènement des diverses formes de production que le monde a connues, pour arriver finalement au capitalisme, qui comme un magicien, transforme tout en marchandise, et institue l'exploitation à outrance comme base de son développement. Le sous-développement est une création du système capitaliste, et le système éducatif institué dans ces pays appelés sous-développés travaille à maintenir la dépendance à l'égard de ces pays dits développés. Dans le cas d'Haïti, l'analphabétisme et la sous-scolarisation persistent, en partie, parce qu'ils ne menacent pas les intérêts économiques aménagés chichement par notre bourgeoisie anti-nationale. Pointer du doigt les maux du système éducatif en les disséquant de leurs imbrications dans la putréfaction totale du système global

est mystificateur. Car, « l'enseignement est, lui aussi, selon E. Brutus, un phénomène d'ordre économique, politique et social. On ne saurait l'étudier en le dissociant du système économique, du fait politique, de la division sociale. Il participe à un ensemble historique et vit de sa vie >>1. L'essentiel en ce sens serait de penser une éducation qui fait l'étude du développement, une école de développement. Mais développement, pas dans le sens d'une recette de sortie de crise universelle, formatée à l'extérieur, et transposable dans tout espace géographique et historique du globe. Mais une éducation pour penser le développement comme création intérieure à chaque groupe social dans son évolution historique propre.

« Cette école de développement, selon les mots de Jn. Anil L. Juste, doit promouvoir la lutte contre le dualisme développement - sous-développement. Pour cela, elle rompra avec la logique de l'histoire comme succession d'événements survenus au cours des siècles. Concrètement, elle étudiera la misère intellectuelle, la misère physiologique, et la misère économique comme produits qui masquent le processus d'accumulation et de légitimation du capital. L'attitude requise pour l'amélioration des conditions de vie ou de survie ne peut se former que par et dans la lutte de dépassement du capital. (...) Au lieu de l'équité, l'école de développement prônera l'égalité ; à la place du développement du capital humain, elle mettra l'explication des capacités physico-mentales des étudiants en vue de la pleine réalisation de l'homme Haïtien >>2.

2- Système d'éducation, aliénation et patriotisme.

Malgré la dépersonnalisation continue, et l'aliénation effective du système éducatif haïtien, tout au cours de l'histoire, nous avons assisté au soubresaut d'éveil de la conscience des jeunes du milieu scolaire et universitaire. La capacité de résistance qui a débouché sur la grande révolution de 1789 se couve encore dans les âmes de chaque Haïtien authentique même de manière latente. Les assauts menés contre la potentialité de résistance de ce peuple à travers la déconstitution, l'infériorisation, la diabolisation systématique de son schème culturel et de ses manières de percevoir le monde, n'ont jamais abouti véritablement à dépersonnaliser et à zombifier totalement les éléments de la nation.

Malgré le caractère aliénant de notre éducation, le milieu estudiantin haïtien est secoué périodiquement par de fortes poussées nationalistes. En 1929, sous l'occupation américaine, la jeunesse étudiante haïtienne pose, d'une étonnante manière, son premier acte de combat. La grève de Damiens et les puissantes vagues de manifestations qui s'ensuivent ouvrent la voie à une époque d'interventions intermittentes des étudiants haïtiens dans la vie politique du pays.

1 Préface du livre Instruction publique en Haïti d' E. Brutus.

2Jn. Anil L. Juste. De la crise de l'éducation à l'éducation de la crise en Haïti. Page 104.

A partir de cette date, la jeunesse étudiante haïtienne reviendra assez souvent dans la mêlée, pour jouer un rôle spécifique dans toutes les grandes crises politiques qui secouent le pays depuis 1929. Ainsi, rapporte H. Malfan, << en janvier 1946, la fermeture du journal La Ruche, édité par de jeunes étudiants, et le déclenchement subséquent de grèves et manifestations étudiantes servent de détonateur au vaste mouvement populaire qui va emporter le gouvernement de Lescot et ouvrir une période d'essor du mouvement démocratique de masse en Haïti »1. Après les manifestations en mai 1956, qui ont précipité le renversement de Paul Magloire, le mouvement étudiant allait se constituer en un véritable mouvement organisé, mais, elle allait rapidement connaître de graves difficultés pendant la longue période des Duvalier jusqu'à l'hécatombe de 1969. Malgré le bâillonnement et les assassinats des années 1970, la mort des trois élèves aux Gonaïves allait jouer un grand rôle dans le renversement de la dictature duvaliérienne. Et plus près de nous, en 2004, nous pouvons nous rappeler les grandes mobilisations contre le pouvoir de J.B. Aristide, et aujourd'hui encore la grande mobilisation pour les deux cent gourdes de salaire minimum lancée par la faculté des Sciences Humaines.

Malgré les menées des gouvernements pour éliminer toute forme de politisation, comme par exemple, la manifestation d'aucune volonté d'aménager un campus universitaire pour la réunion de toutes les facultés, l'espace universitaire, reste un lieu de débat politique par excellence.

Ce qui explique, que malgré la tendance ségrégative du système éducatif, il existe une potentialité de réveil, chez les jeunes, qu'il faut prendre en considération dans toute tentative de lutte pour la transformation du système. Mais, en faisant cette prise en compte, on ne doit pas oublier que, comme l'a écrit Suzy Castor dans << Étudiants et luttes sociales dans la caraïbe » :

<< Une université n'existe pas dans le vide, mais dans une société donnée. Son fonctionnement est toujours conditionné par la société où elle se trouve et son rôle principal est d'en satisfaire les nécessités. Par conséquent, toute université assure la reproduction et la transmission des valeurs idéologiques, culturelles et scientifiques d'un système. Elle forme des cadres scientifiques et techniques et administratifs nécessaires à son fonctionnement et à sa continuité »2.

C'est l'une des raisons qui explique que l'une des lacunes du mouvement étudiant haïtien, est selon H. Malfan, son manque de continuité historique. Aux flambées sporadiques, succèdent des périodes d'accalmie ou même de mort apparente ; le mouvement succombant soit à la répression politique, soit à ses faiblesses et dissensions internes, soit à son isolement, en l'absence dans le milieu d'autres organisations similaires dont la

1 H. Malfan. Cinq décennies d'histoire du mouvement étudiant haïtien. Édition << Jeune Clarté », Montréal - New-York, 1981. Page 9.

2 Cité Jn. Anil L. Juste. Jn. Anil L. Juste. De la crise de l'éducation à l'éducation de la crise en Haïti. Imprimeur II, Port-au-Prince, 2003. Page 115. Page 156.

solidarité l'aurait aidé à survivre. Ainsi, chaque résurgence du mouvement étudiant se présente comme un démarrage à zéro, les actions antérieures étant, dans l'intervalle, tombées dans l'oubli.

L'école, l'université, comme espace de reproduction, constitue également les lieux où se maintiennent les étincelles d'espoir d'une potentielle transformation, parce qu'ils sont les lieux d'échanges et de brassages idéologiques. Si les actions posées par les étudiants sont ramassées par une classe populaire véridiquement progressiste, ces explosions sporadiques peuvent se transformer en de vraies actions révolutionnaires, s'inscrivant dans une logique de changement radical.

3- Les limites de toutes actions visant la transformation du système aliénant d'éducation

d'Haïti

En remontant les racines historiques du développement endogène du système éducatif haïtien, nous avons pu établir les fondements de l'aliénation inhérente à sa personnalité. Ce système, qui forme des milliers de jeunes désorientés, dépendants, incapables de s'assumer comme citoyens, souffrant de complexe d'infériorité. Mais, l'école n'est pas une institution isolée des autres rouages de reproduction et de maintien du système en place. En plus, les problèmes liés à l'éducation ne peuvent être abordés sans une prise en compte globale de tous les champs du social. Comme par exemple, la dégradation de l'environnement, le chômage, la misère accrue des masses paysannes et urbaines et à un certain niveau, des problématiques éducationnelles. L'éducation n'est pas seulement un problème politique par excellence, elle est également liée à l'économie, à la culture et à toutes les autres branches du social. « La crise de l'éducation, explique Jn. Anil, ne doit pas être étudiée en dehors des pratiques d'exploitation et de domination de la paysannerie haïtienne, et des comportements compradores du capital servile haïtien (...) »1. La crise de l'éducation s'inscrit dans la crise générale du capitalisme, et de sa non-adaptation sur le terrain haïtien.

Dans le chapitre qui va suivre nous allons faire des propositions pour la mise en place d'une école qui n'aliène pas. Un espace scolaire démocratique, où les personnes apprendront à s'assumer totalement comme acteur social. Mais, cette lutte pour une autre forme d'école, si elle ne s'insère pas dans une prise de position radicale pour la transformation du système global.

1 Jn. Anil L. Juste. Op.cit Page 145. Page 133.

<< L'école, selon Jn. Anil, reproduit et renforce les inégalités sociales, mais la situation se produit dans une praxis sociale globale d'exploitation et de domination. L'introduction des valeurs de solidarité, d'entraide et de participation n'aura pas la vertu de rendre l'école démocratique. (...) Puisqu'en dernier lieu, il est impossible de couper l'école d'autres praxis sociales qui se font dans la rue, à la maison, aux jardins, etc. >>1.

C'est dans ce contexte que le point de départ de toute action transformationnelle ayant rapport à l'éducation doit viser en premier lieu la conscientisation, la politisation de la masse. Politiser ici, ce n'est pas tenir des discours politiques mystificateurs, mais assurer la prise en compte de l'éducation des masses, de l'élévation de leur pensée. C'est, selon F. Fanon, << s'acharner avec rage à faire comprendre aux masses que tout dépend d'elles, que si nous stagnons c'est de leur faute et que si nous avançons, c'est aussi de leur faute, qu'il n'y a pas de démiurge, qu'il n'y a pas d'homme illustre et responsable de tout, mais que le démiurge c'est le peuple et que les mains magiciennes ne sont en définitive que les mains du peuple. (...)Politiser, c'est ouvrir l'esprit, c'est éveiller l'esprit, mettre au monde l'esprit >>2. C'est comme le disait Césaire : << Inventer des âmes >>.

Ce travail de conscientisation, de politisation, mènera le peuple à remettre en question la légitimité d'un gouvernement incapable de mener à bien la barque de la nation, à reconnaître son droit à l'alimentation, à l'éducation, au logement et au travail décent. Et son devoir de peuple de lutter pour le respect de ces droits. Au regard de l'ampleur de ce travail, la classe dominante peut-elle assumer cette lourde tâche politique de conscientiser les masses populaires ? Jn. Anil, au travers de la méthodologie de l'éducation populaire, répond par la négative. Il soutient que :

<< Le point de départ doit être toujours la situation sociale d'injustice vécue par les masses populaires, et la communication horizontale, l'instrument d'interaction dans la déconstruction de l'hégémonie dominante. En ce sens, l'État qui feint toujours de servir tous les intérêts dans la société, ne saurait être l'agent communicationnel approprié, puisque la réalité donne à observer qu'il agit souvent dans le sens de la défense des classes oligarchiques haïtiennes >>3.

Donc, ce travail revient à la classe populaire organisée, conscientisée, et imprégnée de son rôle historique de révolutionner les rapports de production aliénants qui dominent dans la société.

1 Ibid. Page 101-102.

2 F. Fanon. Op.cit, page 93. Page 133.

3 Jn. Anil L. Juste. Op.cit page 145. Page 115.

CHAPITRE 6
Exigences et perspectives d'une éducation populaire haïtienne.

Plus de deux siècles d'histoire depuis la prise de l'indépendance nationale, qui a propulsé à la face du monde le premier peuple qui a osé dire un non catégorique au modèle esclavagiste inique institué par l'Europe pour fortifier la base du système capitaliste en quête de capitaux. Le constat de notre échec à assurer l'organisation d'un système éducatif national, répondant aux besoins fondamentaux de la nation en instruction, est criant. Pour pallier au manque de volonté manifeste de l'élite de démocratiser l'instruction, il se trouve que sous la poussée de nouveaux besoins en ressources humaines plus ou moins qualifiées, que demande le capitalisme attardé de notre pays, les jeunes fréquentent de plus en plus les espaces scolaires existants. Mais comme notre recherche ne porte pas principalement sur la capacité d'accueil des écoles existantes, ni sur leur insalubrité, leur vétusté, leur délabrement, l'absence de matériel pédagogique adéquat ou la formation douteuse des enseignants et responsables académiques, il nous importe seulement dans ce travail de faire l'historique d'un système éducatif qui n'a jamais pu se démarquer des schèmes de valeur aliénants effectifs dans la société coloniale esclavagiste. Dans les chapitres précédents nous avons parcouru les annales de l'histoire pour remonter les filières des racines de l'aliénation de notre système éducatif, plus particulièrement au niveau de l'enseignement classique. L'incapacité totale dont fait montre l'élite face à la prise en charge de la formation éducative de la nation, nous amène à penser la nécessité d'un éveil véritable de la population pour qu'elle puisse remettre en question le modèle éducatif que valorise la classe dominante à son détriment, pour la maintenir dans une dépendance socio-économique continue, en la poussant à ne jamais s'assumer comme acteur social historique, devant prendre en main son destin de manière libre et autonome. C'est ainsi qu'à l'intérieur de ce chapitre, à la lumière des visées éducationnelles des auteurs comme Paulo Freire, ou le pédagogue français Freinet, nous allons faire des propositions allant dans la lignée d'un modèle d'éducation alternative pris en charge par la population elle-même au cours d'un travail incessant de conscientisation effectué par les organisations militant dans le domaine de l'éducation populaire pour finalement penser à la mise en place d'une école alternative en vue de la prise en charge de l'éducation de la masse dans une perspective de transformation sociale globale.

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"La première panacée d'une nation mal gouvernée est l'inflation monétaire, la seconde, c'est la guerre. Tous deux apportent une prospérité temporaire, tous deux apportent une ruine permanente. Mais tous deux sont le refuge des opportunistes politiques et économiques"   Hemingway