4.1.4 Atouts et contraintes de la production du fromage
peuhl
4.1.4.1 Atouts de la production
Les équipements utilisés pour la fabrication du
fromage sont simples et disponibles sur place. Ils sont presque partout les
mêmes et évoluent du point de vue du volume et du nombre de
certains matériels selon la productrice (petite ou grosse). Ils sont
adaptés à la production artisanale du fromage peuhl. Les
productrices n'éprouvent aucune difficulté dans la manipulation
et l'entretien des différents matériels (Djègga, 2004).
Les feuilles de Sorgho sont disponibles et d'approvisionnement facile.
4.1.4.2 Contraintes de la production
- Contraintes liées à une production de
masse
L'approvisionnement en lait varie en fonction de la saison et
des conditions d'élevage. Ainsi, dans la période allant de Mai
à Octobre (saison des pluies dans le Nord-Bénin), on observe une
abondance de lait qui peut dépasser 2,5 l/j/vache. Un minimum de 1
l/j/vache est atteint entre Octobre et Janvier (saison sèche). La grande
transhumance (Janvier à Mai) qui peut se faire sur de grandes distances
(150 à 200 km) éloigne le lait des centres de consommation et des
productrices de fromage peuhl. Un réel problème
d'approvisionnement se pose alors aux productrices de fromage peuhl pendant la
période de transhumance.
Calotropis procera, plante dite très abondante
par Bawath et Amoussou (1998), devient rare dans les zones de grande production
de fromage peuhl (Tchaourou, N'Dali et Kpinnou). Dans les campements peuhl de
Tchatchou dans la commune de Tchaourou les femmes peuhl productrices de fromage
parcourent 5 km en moyenne à la recherche de Calotropis
procera. En effet, la méthode
d'extraction du coagulant nécessite l'arrachement de la
tige ou de la feuille, ce qui entraîne peu après la mort de la
plante. Aucune politique de reboisement encore moins une méthode
améliorée d'extraction de la sève de Calotropis
procera n'étant mise en oeuvre, la disparition progressive de cette
plante due à sa prédation sauvage continue s'explique.
- Contraintes liées à la qualité du
fromage
La qualité d'un produit alimentaire dépend
fondamentalement de celle des matières premières utilisées
pour sa production et notamment des diverses opérations auxquelles elles
sont soumises pendant la phase préparatoire.
Le lait de vache utilisé dans la fabrication du fromage
peuhl est un aliment liquide, très nourrissant qui contient tous les
composants indispensables à l'alimentation humaine (Bawath et Amoussou ;
1998). Certaines conditions de traite (parcs couverts de bouses de vache, pis,
habits et mains sales du trayeur etc), de conservation (exposition à
l'air libre), exposent le lait à la poussière, aux nombreux
micro-organismes comme les moisissures, les levures et les bactéries qui
s'y développent très rapidement. De plus, les vitamines et les
matières grasses du lait peuvent se transformer sous l'influence de la
lumière et de l'oxygène de l'air.
La plupart des femmes peuhl qui revendent le lait, couvrent la
calebasse avec un couvercle plat en rosier. Le lait trait le soir, est
chauffé et gardé jusqu'au lendemain. Ce traitement thermique
permet de réduire la charge microbienne du lait (Egounléty et
al., 1994). Mais malheureusement le temps qui précède la
transformation et les conditions de manipulation du lait (fabrication à
l'air libre, hygiène des productrices) sont autant de facteurs qui sont
de nature à favoriser une contamination du lait. Au regard de ce qui
précède, il n'est pas étonnant que le lait utilisé
par les productrices de fromage peuhl soit de mauvaise qualité (Houben
et Egounléty, 1991). La qualité microbiologique des fromages
issus de ces laits se trouve ainsi affectée.
Le fromage est vendu exposé à l'air libre sans
emballage aux abords des voies (cas des marchés de fromages à
Kpahouignan et au carrefour de Dassa, de marché Dépôt
à Parakou et du grand marché de fromages à Tchatchou dans
la commune de Tchaourou). Les gazs issus des pots d'échappement
peuvent
également contaminer le fromage.
Les feuilles de Sorgum vulgare s'achètent au
marché où elles sont exposées sans aucune
précaution particulière. La coloration à chaud au cours de
laquelle les fromages sont portés à ébullition pendant
environ 20 minutes assure l'élimination des microbes pathogènes.
Mais en revanche, ces feuilles contiennent des substances
caroténoïdes, composés polyphénoliques ayant un effet
réducteur sur la digestibilité des protéines dont le
fromage est pourvu (Lauréna et al, 1984).
- Contraintes liées aux équipements de
production
A l'exception de la ferme de Kpinnou, les matériels
utilisés pour la production du fromage peuhl reçoivent peu
d'attention sur la propreté avant et après leur utilisation et
sur leur rangement après la transformation.
![](lait-et-fromage-au-Benin43.png)
Photo 4 : Bidons remplis du lait à
Kpinnou
Les calebasses et bassines servant à collecter le lait
peuvent être remplacées par des bidons, c'est le cas à
Kpinnou (photo 4). Les fermetures très petites et hermétiques
n'exposent pas le lait aux nombreux risques de contamination
(poussières, corps étrangers solides etc....).
- Contraintes liées aux processus de fabrication
du fromage peuhl
Le processus technologique de fabrication de fromage comporte
trois grandes étapes : ces étapes sont
précédées par une phase de préparation du lait. Il
s'agit de filtration du lait (photo 5). Cette pratique est quotidienne à
la ferme de Kpinnou ; chez les autres productrices, cette étape
préliminaire est facultative ce qui contribue à une acidification
plus rapide du lait après traite. D'autre part, le lait de la veille est
chauffé en vue de son utilisation avec le lait frais du lendemain. Les
productrices transforment le lait en fromage 3 à 4 heures au plus
après la traite. Cette disposition empêche une
prolifération des lactobacilles, productrices d'acide lactique et donc
cause d'une acidification qui, lorsqu'elle est importante réduirait le
pouvoir coagulant de la Calotropaïne (Bawath et Amoussou, 1998).
.
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Photo 5 : Filtration du lait à
Kpinnou
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Le lait trait peut être immédiatement
filtré dans un bidon en plastique propre à l'aide d'un entonnoir
en plastique et d'un tissu blanc propre, et conservé jusqu'au moment de
sa transformation. La préparation du lait pour la transformation est une
opération délicate.
En effet, un traitement thermique sévère peut
détruire, d'une part aussi bien les micro-organismes utiles que ceux
nuisibles ; et d'autre part certains éléments de base (acides
aminés, hydrate de carbone, acides gras, sels et vitamines). Cependant
la destruction dépend du pH et de la présence d'oxygène
(FAQ, 1995). Le tableau 9 indique les températures auxquelles certaines
composantes du lait sont dénaturées.
Tableau 9 : Dénaturation des
protéines du lait.
Protéines
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Dénaturation
|
Température
|
Durée
|
Immunoglobuline
|
74°C
|
15 secondes
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Sérum albumine
|
84°C
|
15 secondes
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â-lactoglobuline
|
86°C
|
15 secondes
|
á-lactoalbumine
|
100°C
|
5 minutes
|
Caséine
|
125°C
|
60 minutes
|
Source : FAQ, 1995
Au regard de tout ce qui précède et de la
mauvaise qualité formellement reconnue du lait utilisé par les
productrices, on ne saurait exiger une pasteurisation que si le lait est
directement destiné à la consommation (Bawath et Amoussou, 1998).
Le traitement auquel le lait est soumis au cour de la transformation
(90°C) pourrait affecter à terme la qualité finale du
fromage peuhl.
- Contraintes liées aux processus de
coagulation
La coagulation qui est à l'origine de la pâte
molle qu'est le fromage peuhl, a un caractère mixte, mais à
prédominance enzymatique ; du fait de l'action de l'enzyme coagulante du
Calotropis procera qui provoque la déstabilisation de
l'état micellaire originel de la caséine du lait, il en
résulte la formation du coagulum. Les propriétés du
coagulum qui se forme entre 65 et 85°C (Kees, 1996), après
introduction du Calotropis procera dans le lait entre 30 et 38°C
(Egounléty et al., 1994) sont telles que, le caillé est
physiquement stable et déminéralisé.
La coagulation dépend de la dose de Calotropis
procera, de la température et de l'acidité du lait. Pour
cette dernière propriété le pouvoir coagulant de l'enzyme
est plus important à pH 6,5 (Capo-chichi, 2004).
La dose de Calotropis procera est estimée
à 5 - 15 g/litre de lait selon Egounléty (1994) et 25 - 30
g/litre de lait selon Honvo (1990) mérite d'être cernée
avec beaucoup plus de précision afin de contenir les quelques
échecs de fromage signalés par les productrices de fromage peuhl.
Les modes d'extraction et d'utilisation de Calotropis procera les plus
répandus n'assurent ni la préservation de l'environnement encore
moins le dosage contrôlé du coagulant. Il urge de mettre au point
d'un complexe enzymatique à base de Calotropis procera
permettant le contrôle du dosage et la préservation de
l'environnement.
La température du lait pendant le processus de
coagulation, est jaugée par les productrices de manière empirique
suivant l'intensité du feu. Ces dispositions peu rationnelles conduisent
parfois à des échecs dus à la destruction de
l'activité coagulante de Calotropis procera ; ce qui conduit
à la non coagulation du lait. L'acidification du lait, est aussi une
contrainte bien connue par les productrices de fromage peuhl ; pour y faire
face, elles se contentent de transformer le lait dès sa réception
ou dans un délai de 3 à 4 heures après la traite.
- Contraintes liées aux processus
d'égouttage
L'égouttage s'effectue dans une passoire en plastique
ou dans un tamis en roseau. Ces matériels d'égouttage jouent un
double rôle : l'élimination du lactosérum et le moulage du
fromage. Les fromages sont égouttés en plein air, et le
retournement se fait à la main ce qui pourrait être sources de
contamination après production. Par rapport à la taille
grossière des mailles des passoires, quelques particules de fromage
s'échappent pour se retrouver dans le lactosérum, ce qui engendre
une baisse du rendement de fromage obtenu. Ces tamis ou passoires laissent des
traces sur le fromage, en y créant des rugosités où les
germes peuvent trouver refuge.
- Contraintes liées à la coloration du
fromage
Les panicules de Sorghum vulgare utilisées
généralement dans la coloration à chaud donnent une
couleur rouge et permettent de conserver le fromage.
Après chaque journée, les fromages restants du
stock sont colorés de nouveau, ce qui pose un problème de
fixation du colorant. Il apparaît essentiel alors de déterminer la
quantité et la qualité du colorant de façon à
standardiser et normaliser cette opération.
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