Le management interculturel chez Bookoff France( Télécharger le fichier original )par David VANDEPONTSEELE Université de Paris 7 - Master de recherche en étude japonaise 2008 |
3.2 Adaptations liées à la coordination et au contrôle3.2.1 Quelle formation est accordée aux employés ?Comme décrit dans le point précédent, pour assurer une cohérence entre les boutiques japonaises et françaises, les responsables installées en France utilisent exactement la même source qui est le manuel de travail. Ce manuel de travail décrit également la formation à donner aux employés. La formation offerte à BOOKOFF semble beaucoup plaire aux employés français et incarne donc un point positif majeur. Tous les employés précisent que l'encadrement lors de la formation offerte par les responsables est de bonne qualité. Les employés sont encadrés autant que possible lors des premières tâches, ce qui leur permet de ne pas être nerveux lors de leurs premiers contacts avec la clientèle. Nous pouvons donc dire que les débuts pour tous les employés se déroulent donc très bien et amènent les employés à se sentir impliqués dans l'entreprise. Le système d'oyakoseido (voir intra 2.9) semble donc plaire aux employés français, dans un premier temps, mais dans un deuxième temps, le manque de distance hiérarchique va se faire sentir par un manque de légitimité. 3.2.2 Quel type de leadership est privilégié ?La notion de « bon chef » est relative à chaque culture de chaque employé. En France, le « bon chef » est celui qui impose son autorité en s'exprimant et faisant valoir son point de vue et la distinction entre chef et employé est claire (fort degré de formalisation dans les rapports et fort degré de spécialisation ou de différenciation fonctionnelle), du moins dans le cadre du travail. Au Japon, la recherche du compromis étant primordiale, le « bon chef » est celui qui s'exprime peu et impose son autorité par sa faculté à concilier et à exprimer le point de vue global du groupe93(*). La distinction est plus floue car le chef est souvent amené à travailler au niveau des employés (fort degré de formalisation dans les rapports mais faible degré de spécialisation ou de différenciation fonctionnelle). Ce sens du consensus qui privilégie une solution unanime plutôt que l'imposition d'une décision à la majorité a deux avantages principaux. Premièrement, l'unanimité permet d'obtenir le support de l'entièreté de l'organisation94(*). Deuxièmement, le consensus évite la honte insupportable pour un Japonais que serait de perdre la face suite à un désaccord. Dans cette optique, le rôle principal des leaders est de concilier tout les membres vers une même décision. Le pouvoir est toujours gardé par les supérieurs, les sempai, qui demandent leur soumission à leurs subalternes. Le consensus (ringi) représente donc une décision aboutie entre les supérieurs qui à leur tour, imposent la décision à leurs subalternes. Si une minorité s'oppose à la décision, elle risque d'être victime de mesures qui tendent à la marginaliser95(*). Une autre caractéristique du patron japonais est sa capacité à se faire aimer. En effet, comme décrit maintes fois plus haut, la promotion se fait sur bases de l'ancienneté dans l'organisation et du niveau de langue ou d'adhésion à la culture, lorsqu'il s'agit d'étrangers, mais pas sur les compétences personnelles (voir intra point 3.3.2). D'après Nakane Chie, professeur d'anthropologie à Tôkyô et actuelle directrice de l'université Jogakkan, ce système a souvent pour conséquence de mettre une personne pas spécialement compétente, ni nécessairement intelligente, mais plus expérimentée à la tête d'une organisation. Pour pallier à cette défaillance, les subordonnés sont appelés à compenser ou excuser ces lacunes. Ce qui nous place dans la situation paradoxale pour un Occidental, que si le chef est trop compétent, les employés perdent une partie de leur rôle et de leur raison d'être. Les faiblesses de l'employeur peuvent être couvertes par leurs employés et vice versa96(*). La capacité de l'employeur à se faire aimer est donc primordiale pour assurer sa légitimité en tant que chef vis-à-vis des employés. Cette attitude subjective du management japonais est relativement mal perçue par les occidentaux qui sont plus issus d'une culture objective. Le Français par exemple, aura plus tendance à voir dans le travail et la coopération des relations purement limitées au domaine professionnel et refoulera toute forme de sentiment ou de lien affectif qui risquerait de compliquer les affaires97(*). La distance hiérarchique, qui représente la distance entre les employés et leur leader98(*), est amoindrie car le leader n'a pas autant un rôle de guide que de père conciliateur. Cette vision de polyvalence des employés va de pair avec les kaizen cités plus haut car elle est opposée à la division des tâches qu'avait préconisée Taylor. La distance entre employeur et employé est grande sur le plan hiérarchique mais petite sur le plan affectif, ils ne forment en fait une seule et même entité qui se partage les rôles et les responsabilités99(*). Pour se guider, les employés de BOOKOFF sont alors appelés à se gérer par eux-mêmes. Monsieur A nous explique que les employés qui ont accumulé le plus d'expérience (sempai) dans l'entreprise sont appelés fréquemment à prendre les rennes et diriger les moins expérimentés (kôhai). Cette caractéristique est suggérée dans le Carreer Pass Plan (voir intra point 2.10) où les employés à partir du grade 3 (Challenger C) sont supposés être capables de diriger les autres employés dans les tâches quotidiennes. Cette prise en charge semble déplaire aux employés de BOOKOFF Quatre Septembre pour des questions culturelles et de responsabilités. Premièrement, parce qu'il a été reconnu que généralement, les français attendaient que leur patron, leurs supérieurs, ou les personnes qualifiées d'experts, devaient être capables d'avoir réponse à tout100(*). En plus, Monsieur A nous a confié qu'il lui était difficile pour lui d'ordonner à d'autres employés plus âgés que lui mais avec moins d'expérience dans l'entreprise, d'effectuer une tâche. Les relations interpersonnelles de sempai et de kôhai que BOOKOFF utilise au Japon semblent donc ne pas être adaptées aux employés français. * 93 Equilbey, Noël Op.Cit. * 94 Tiré du cours du Professeur Firkola Peter - Japanese Management Seminar 2008. * 95A ce sujet, voir les travaux de Mme Nakane\u20013\u20013'ç, Chie\u21315\u21315êçé}}. Op.Cit. * 96 Nakane\u20013\u20013'ç, Chie\u21315\u21315êçé}}. Op.Cit..p 88 * 97 Trompenaars, Fons et Charles Hampden-Turner. Op.Cit. * 98 La distance hiérarchique est une des dimensions développées dans l'ouvrage de Hofstede, Geert. Culture's Consequences, Comparing Values, Behaviors, Institutions, and Organizations Across Nations Thousand Oaks CA: Sage Publications, 2001 * 99 Nakane\u20013\u20013'ç, Chie\u21315\u21315êçé}}. Op.Cit. p 93 * 100 Trompenaars, Fons et , Charles Hampden-Turner. Op.Cit. p179 |
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