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Croissance des dépenses publiques et incidence sur le développement au Cameroun: le cas du secteur éducatif

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par Romuald sostaine Foueka Tagne
Université de Yaoundé 2 soa - Master/ dea NPTCI 2009
  

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I-1-1-2 - L'hypothèse de l'électeur médian

Pour expliquer la croissance des dépenses publiques, l'hypothèse de l'électeur médian peut être vue selon deux aspects :

a) Demande de bien public par l'électeur-médian

Il est communément admis que le gouvernement a le rôle de procurer les biens publics et de contribuer à éliminer les économies externes et que chaque citoyen a une demande pour le bien public. Selon le théorème du votant médian qui revient à Black (1948), c'est la demande des électeurs possédant le revenu médian qui détermine le niveau des dépenses publiques. Ce théorème suppose un seul bien public financé par des impôts proportionnels au revenu, l'utilisation de la règle majoritaire du vote et la distribution des préférences à un seul sommet. C'est cette demande des électeurs qui est prise en compte et démontrée implicitement dans le paragraphe précèdent31(*).

Peltzman (1980) quant à lui insiste sur l'importance de l' « électeur-médian » c'est-à-dire les classes moyennes qui ont tendance à utiliser des mécanismes politiques en vue d'accroître la production des biens collectifs, puisque ceux-ci les favorisent davantage que ne les frappent leurs contreparties fiscales32(*). Dans ce contexte, la réduction des inégalités sociales et la progression des classes moyennes constituent une source importante d'accroissement des dépenses publiques, ce qui confère un rôle décisif à l'électeur-médian. Cependant le gouvernement n'existe pas uniquement pour la fourniture des biens publics mais aussi pour la redistribution du revenu.

b) Redistribution de revenu à l'électeur-médian

L'application la plus connue du théorème du votant médian pour l'analyse de la croissance des dépenses publiques est celle de Meltzer et Richard (1981, 1983). Ils suggèrent que c'est le votant médian qui détermine le niveau des dépenses publiques. Leur explication principale pour la croissance de la part publique à travers le temps vient à l'extension du droit de vote, ceux qui ce sont ajoutés à la liste électorale ont un revenu inférieur à la médiane. Pour eux, tous les revenus des électeurs qui sont inférieurs au revenu médian vont préférer voter en faveur de l'augmentation des transferts (bien-être social, pensions). De même si l'électeur-médian a une productivité inférieure à la moyenne, il a avantage à recevoir des revenus de transferts et donc à décider une redistribution, alors qu'il en va à l'inverse si sa productivité individuelle tend vers la moyenne. On peut penser que l'évolution des dépenses publiques du dernier demi-siècle a découlé de la prépondérance d'électeurs-médians aux productivités individuelles inférieures à la moyenne accentuée par l'accroissement corrélatif du nombre des citoyens non actifs.

Néanmoins ces électeurs ne votent pas sur chaque question concernant les dépenses publiques ils mettent plutôt quelqu'un au pouvoir qui décide le montant qui sera alloué dans chaque catégorie des dépenses. Ce montant peut être plutôt la résultante d'une pression quelconque exercée sur le gouvernement.

I-1-1-3- Existence de la demande pour la redistribution de revenu aux groupes d'intérêt

Buchanan et Tullock (1962) ont avancé un argument qui n'est pas la redistribution de revenu au votant médian mais une redistribution aux groupes de pression dans la société. L'idée principale est que chaque groupe d'intérêt33(*) peut demander une réduction des taxes et des subventions plus élevées pour une minorité dans la société. Afin d'obtenir leurs bénéfices, ils peuvent promettre au gouvernement des votes aux prochaines élections. Becker (1983, p.384) démontre que cette concurrence entre les groupes de pression permet une allocation efficace des ressources du gouvernement. De même par le « marchandage politique » à la Buchanan et Tullock, les politiciens contribuent à la croissance des dépenses publiques. Les candidats aux élections ont tendance, pour attirer le maximum de votes possible, à multiplier les concessions faites aux électeurs et à élargir les programmes d'investissement et de soutien demandés par ceux-ci. Ceux au pouvoir, en vue de se faire réélire (Nordhaus 1975), ne peuvent qu'accroître les dépenses publiques en période préélectorale. Blais et Nadeau (1992) arrivent à démontrer que dans une année électorale les dépenses totales des gouvernements provinciaux canadiens augmentent de 1%. De même Ngondjeb (2005) démontre l'influence de l'agenda électoral sur les dépenses publiques des secteurs tels éducation, santé et affaires sociales au Cameroun.

Cette hypothèse de redistribution de revenu aux groupes d'intérêt est traduite par Greffe (1994) comme la thèse de la concentration différentielle des bénéfices et des coûts. En même temps qu'elle se développait, l'école des choix publics a proposé une autre interprétation de la croissance des dépenses publiques que l'on trouve aussi bien chez Tullock que chez Stigler. Le point de départ est simple : l'Etat ne met pas en oeuvre la production des biens à part, mais celle des biens normaux demandés par certains agents que d'autres. Mais comme le financement de ces biens est reparti entre tous les membres de la collectivité, nombreux sont les groupes de pression qui se constitueront, s'organiseront et/ou investiront pour que l'Etat entreprenne la production des biens qui leur profitent particulièrement.

Mais les autres citoyens qui ne tirent pas profit et bénéfice d'une telle dépense, mais en supportent une perte nette, s'organiseront pour résister à ces pressions et à conduire l'Etat à refuser sa mise en oeuvre. Cette nouvelle coalition a une probabilité très réduite de succès car pour ce grand nombre de contribuables il sera difficile de se mettre ensemble. Il est à noter tout de même la possibilité d'existence des contre tendances qui viendront affaiblir l'hypothèse de groupes de pression.

Jusqu'à présent nous avons concentré nos hypothèses du côté de la demande de choix publics tout en supposant que les désirs des consommateurs des biens publics des individus étaient automatiquement satisfaits. Dans la section suivante notre analyse va au-delà de cette théorie qui dit que les dépenses gouvernementales sont simplement déterminées par la demande des électeurs.

Section II- Les dépenses publiques expliquées par l'approche basée sur l'offre

La deuxième approche a trait à l'offre des services publics. Plusieurs contributions ont été mises en exergue afin d'enrichir cette approche.

I-1-2-1- La thèse de BAUMOL ou thèse de différence de productivité

Si certaines activités ne peuvent économiser du travail autant que d'autres, et s'il est nécessaire de rémunérer ce travail à peu près de la même manière quel que soit le secteur où il est mobilisé, le coût de certaines activités augmentera plus vite que d'autres, ces activités absorbant alors une part croissante du revenu national. La production de services publics non marchands connaît en effet de faibles gains de productivité et c'est aussi ce qui peut expliquer le développement des dépenses publiques. Même à activité publique inchangée, son coût relatif augmenterait.

Cette thèse renvoie aux travaux de Baumol dont l'objectif initial n'était pas d'expliquer la croissance des dépenses publiques mais les difficultés de gestion de certains secteurs34(*). Dans la société, il existe deux grands types d'activité : celles où il est possible de capter en permanence d'importants gains de productivité, par exemple les industries automobiles ou chimiques ; et celles où il est pratiquement impossible d'économiser le travail utilisé au cours du temps. L'exemple de référence est celui de l'éducation où le maître peut voir son nombre d'élève augmenter, mais il lui faudra à peu près le même temps, à nombre d'élève donné, pour enseigner des principes mathématiques qu'il y a vingt ou trente ans. Il existe donc des activités où on ne peut pas économiser du travail et réaliser des gains de productivité correspondants, alors que c'est le cas dans le reste de l'économie. Le secteur de l'économie qui capte des gains de productivité en fera bénéficier ses salariés qui verront leurs rémunérations augmenter, la limite maximale de cette hausse étant donné par la récupération maximale de ces gains de productivité. Et Baumol de remarquer qu'une part centrale des interventions croissantes de l'Etat a porté sur des activités telles que l'éducation, la santé, le bien-être, la culture, autant d'activités où les gains de productivité sont faibles sinon absents. Ceci explique donc l'emprise croissante de l'intervention publique sur un certain nombre d'activité, celles où les gains de productivité sont systématiquement plus faibles que dans d'autres, et le coût croissant de ces activités.

Cette thèse a donné lieu à des malentendus. D'une part, il est rare que les gains de productivité soient systématiquement impossibles, quelle que soit l'activité considérée : Baumol avait largement révisé ses premières positions en expliquant d'ailleurs que c'était le différentiel des gains de productivité qui importait. D'autre part, certains en ont déduit que ces activités ne pouvaient qu'être déficitaires, ce qui pourrait revenir à cacher des déficits artificiels derrière des déficits structurels : là encore, Baumol avait répondu en disant qu'une chose était d'identifier des facteurs objectifs de déficit, autre chose de se servir de son approche pour légitimer des déficits inadmissibles liés à la gestion des bureaucrates.

* 31 Modèles de Borcherding, d'Alcantara et Barten, Muller

* 32 En effet, la charge des prélèvements pèse proportionnellement plus sur les catégories aisées du fait de la progressivité de l'impôt sur le revenu et sur celles des plus défavorisées (du fait du mode de prélèvement des cotisations sociales et de l'importance de l'imposition sur la dépense).

* 33 Les unions, les corporations, d'autres organisations etc.

* 34 BAUMOL W.J. (1967) : « The macroeconomics of unbalanced growth », American Economic Review

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"Il faut répondre au mal par la rectitude, au bien par le bien."   Confucius