Croissance des dépenses publiques et incidence sur le développement au Cameroun: le cas du secteur éducatif( Télécharger le fichier original )par Romuald sostaine Foueka Tagne Université de Yaoundé 2 soa - Master/ dea NPTCI 2009 |
INTRODUCTIONJusqu'aux environs de 1960, les dépenses publiques étaient un domaine relativement négligé de l'étude d'ensemble des finances publiques. Depuis lors, on attache une attention considérable aux différents aspects des dépenses publiques en essayant de redresser le déséquilibre résultant de l'accent mis dans le passé sur le rôle de la fiscalité dans l'économie. C'est ainsi que de nombreuses idées furent émises pour expliquer la croissance des dépenses publiques. En se situant dans une perspective d'offre et de demande, et non dans une perspective historique, certains auteurs ont expliqué cette croissance des dépenses publiques par la demande des agents économiques pour les biens publics. D'autres plutôt avancent l'idée selon laquelle cette croissance des dépenses publiques est due au niveau d'offre des ressources publiques. Du fait qu'il n'existe pas un marché où la demande des biens publics et l'offre des ressources publiques se rencontrent, certains auteurs plus récents avancent l'hypothèse de recourir à l'approche du déséquilibre où l'offre et la demande s'ajustent en même temps et le niveau des dépenses publiques se situent soit sur l'offre soit sur la demande. Dans ce chapitre, nous évoquerons tour à tour les théories qui relèvent de l'approche de la demande comme justificatives de la croissance des dépenses publiques et celles de l'approche de l'offre. Enfin quelques éléments de l'approche du déséquilibre seront mentionnés. Section I - Les dépenses publiques expliquées par l'approche basée sur la demande L'une des principales explications traditionnelles pour la justification de l'intervention gouvernementale est la présence d'économies externes. Lorsque l'action d'un individu ou d'une firme cause des effets (désirés ou non désirés) sur la fonction d'utilité ou sur l'ensemble des possibilités de production d'un autre individu ou d'une autre firme on est en présence d'économie externe. D'après Pigou (1946) l'intervention du gouvernement pour corriger les externalités, à l'aide des taxes et des subventions est suffisante pour justifier les dépenses gouvernementales. Cette idée est rapidement critiquée par Coase (1960) qui stipule que si les droits de propriété sont bien définis, les négociations privées entre les individus sont socialement efficaces, donc aucune intervention gouvernementale n'est nécessaire en cas d'économie externe. La tendance à l'accroissement exponentiel des dépenses publiques est un « fait stylisé » de l'histoire économique qui trouve des explications classiques et multiformes qui seront examinées ci-dessous. I-1-1-1 - La loi de WAGNERL'économiste Adolf Wagner23(*) (1835-1917) a énoncé une « loi de l'extension croissante de l'activité publique ». Le caractère déjà ancien de son analyse, et le fait qu'elle s'est vérifiée lui donnent un grand intérêt. C'est pourquoi nous allons en présenter ses enseignements avant de voir quelques études qui ont testé sa véracité. a) Les enseignements de la loi
La « loi d'Adolf Wagner » (Wagner, 1909-13) est un apport déterminant dans l'analyse de la progression séculaire des dépenses publiques. Cette loi exprime la progression plus rapide des dépenses publiques que la richesse produite au cours du temps. Il convient de noter que plusieurs variantes de cette loi furent mises en exergue24(*). Cette loi est expliquée par trois raisons25(*) : - la complexité croissante de la société, issue du phénomène d'industrialisation, et qui exige des formes développées ou de nouvelles organisations de la vie collective : administration, urbanisation, services publics en matière d'hygiène, d'éclairage, de transports, etc., - l'accroissement de la demande de certains biens publics dû à l'élévation du niveau de vie : éducation, santé, culture ; qui sont tous des biens « supérieurs » puisque leur demande progresse plus vite que n'augmente le revenu par tête (élasticité revenu des dépenses publiques serait supérieur à l'unité26(*)) - le développement des activités de recherche et l'augmentation de la taille des investissements dus à la poursuite de l'industrialisation imposent une intervention de l'Etat ; de même que l'apparition de la division du travail qui favorise la concentration, les monopoles devant être contrôlés par les pouvoirs publics. Malgré le consensus qui s'observe autour de cette loi comme explicative de la croissance des dépenses publiques, les travaux empiriques ont donné des résultats controversés. b) Les résultats empiriques controversés Des études ont été menées pour valider ou non la loi de Wagner. Les modèles utilisés diffèrent d'un auteur à l'autre. Les auteurs comme. Musgrave (1959) et Borcheding (1977a) pour les Etats-Unis, d'Alcantara et Barten (1976) pour la CEE ont cherché à élucider la part des diverses variables pouvant agir sur la demande (à l'occurrence celle de l'électeur médian) et à la mesurer économétriquement. Borcheding construit son modèle sur une fonction de demande agrégée de type multiplicatif (style COBB-DOUGLAS)27(*). Il obtient sur la période 1902-1970 une somme d'élasticités supérieure à l'unité de sorte que la croissance des facteurs inclus de la relation pousse à une croissance plus forte de la dépense publique. Mais l'élasticité partielle de la dépense publique par rapport au revenu national par tête ä est nettement inférieure à l'unité (ä = 0,75). Dans le même sens d'Alcantara et Barten (1976) construisent un modèle de demande notionnelle de dépenses publiques28(*). Pour une période allant de 1953 à 1972 ils obtiennent comme estimation économétrique pour l'élasticité partielle de la dépense publique civile par rapport à la consommation privée des valeurs nettement inférieures à l'unité29(*). Contrairement aux travaux précédents des auteurs comme Ram (1987), Abizadeh et Yousefi (1988), Muller (1989), Henreckson et Lydbeck (1988), Dudley et Montmarquette (1992) utilisent des modèles de séries chronologiques pour tester la validité de la loi de Wagner. Il en ressort un plus ou moins consensus sur la validité de cette loi30(*). Il semble, avec Bernard (1985), que l'effet de la croissance du revenu national sur la dépense publique soit moins déterminant que Wagner et bien d'autres ne l'ont affirmé, à partir du moment où l'on prend en soin de distinguer et de mesurer les effets d'autres facteurs non moins décisifs. Rappelons à toute fin utile quels en sont ces autres facteurs. * 23 A. Wagner était un économiste allemand, professeur d'économie politique à l'université de Berlin. Son oeuvre est considérable et a porté fondamentalement sur la banque et le crédit. Mais il reste surtout célèbre par un magistral traité de « services de finances publiques » en 4 volumes dans lequel il prône l'avènement d'un véritable « socialisme d'Etat ». * 24 Voir introduction de la première partie. * 25 Tsafack R. (2005) * 26 En supposant, pour simplifier que la population est constante (situation presque vérifiée dans les économies de marché industrialisées) la loi de Wagner peut se formaliser par G/Y = F (Y) avec dF/dY > 0 Or dF/dY = 1/Y*(dG/dY - G/Y) > 0 alors dG/dY*Y/G > 1 * 27 Ce modèle part de la demande de l'électeur médian et se présente comme suit : q = AðçPç+1YäNè+1mè, q est la demande physique de biens publics par l'électeur médian ; P est le coût relatif moyen de ces biens ; Y est le revenu réel moyen par tête ; N est la population totale ; m les facteurs explicatifs résiduels (parmi lesquels les pressions bureaucratiques) et les exposants de cette relation sont les élasticités partielles de la demande de dépense publique par rapport à chacun de ces facteurs. * 28 Cette demande, issue de la maximisation sous contrainte d'une fonction d'utilité collective de type CES, prend la forme logarithmique avec variables retardées. * 29 Pour la France 0,489, l'Italie (0,828) et le Royaume Uni 0,371 mais supérieure à l'unité pour l'Allemagne (1,175) * 30 Ram rejette l'hypothèse de Wagner sur un échantillon de 115 pays en coupe transversale, de même Muller ne trouve pas de relation positive entre les dépenses publiques et l'urbanisation, Abizadeh et Yousefi trouvent une relation positive entre la part des dépenses publiques et le PNB per capita, Dudley et Montmarquette vérifie l'hypothèse de Wagner : le revenu per capita a un effet positif sur la part des dépenses publiques. |
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