Croissance des dépenses publiques et incidence sur le développement au Cameroun: le cas du secteur éducatif( Télécharger le fichier original )par Romuald sostaine Foueka Tagne Université de Yaoundé 2 soa - Master/ dea NPTCI 2009 |
Section III - Les approches du déséquilibreLes justifications théoriques ont été cherchées tantôt du côté de l'offre, tantôt du côté de la demande des biens publics non marchands et ce n'est qu'assez récemment que la recommandation de VP Gandhi, de considérer les deux aspects de façon interdépendante ainsi que leurs effets sur le reste de l'économie, a été suivie. C'est de cette façon que nous aborderons l'analyse des dépenses publiques dans cette section. Avant d'appréhender les dépenses publiques par l'approche du déséquilibre, nous essayerons tout d'abord de présenter « l'approche dite du déséquilibre ». I-1-3-1 - Le modèle de déséquilibreDans un modèle de déséquilibre, on suppose que les prix ne sont pas flexibles de façon à ce qu'ils s'ajustent jusqu'à l'équilibre sur le marché de l'offre et de la demande. En macroéconomie, on fait souvent l'hypothèse que si l'on atteint pas l'équilibre alors, les transactions se trouveront au minimum de l'offre et de la demande. Si le prix (P1) est inférieur au prix d'équilibre (P*) alors la demande sera supérieure à l'offre (S) et donc la demande sera contrainte car elle ne pourra être entièrement satisfaite (demande contrainte par l'offre). Si par contre, le prix (P2) est supérieur à (P*) alors l'offre sera supérieure à la demande et donc dans ce cas, c'est l'offre qui sera contrainte par la demande. La quantité Q observée est la quantité échangée sur le marché et il représente la « règle du côté court » du marché. Selon cette règle, les agents du côté court obtiendront les quantités désirées tandis que ceux du côté long seront rationnés en supposant que l'échange est volontaire. Donc, si on a Qs > QD, la quantité Q est sur la courbe de demande et si QS = QD, c'est l'offre qui est observée. La demande et l'offre ne sont donc pas toujours observés sauf dans le cas où D= S = Q. Dans le cas d'un modèle d'équilibre on observe Q qui est égal à l'offre et à la demande. Dans le modèle de déséquilibre on observe Q et on sait qu'il appartient soit à l'offre, ou soit à la demande, mais on ne sait pas sur quelle courbe il est observé puisque la fonction de demande D, la fonction d'offre S ne sont pas observées. Ce genre de modèle statistique dans lequel on ne peut prédire avec certitude le résultat de Q, puisque cette variable est aléatoire, partage quelques caractéristiques importantes avec le modèle TOBIT38(*).
Voilà brièvement ce que recouvre le concept de modèle de déséquilibre. Maintenant faisons ressortir, dans le paragraphe suivant quelques formes de modèles de déséquilibre de croissance des dépenses publiques qui existent dans la littérature. I-1-3-2 - L'évolution des dépenses publiques expliquée par l'approche du déséquilibre Il existe cependant une approche non traditionnelle qui permet à la demande et à l'offre d'exister à la fois. C'est-à-dire, qu'en certaines périodes, c'est la demande qui prédomine (choix des électeurs) et à d'autres moments, c'est la capacité d'offre du service public qui détermine le niveau des dépenses publiques. Dans cette sous-section nous examinerons deux applications de l'approche du déséquilibre pour expliquer la croissance des dépenses publiques : soit celle d'Henrekson et Lybeck (1988) et de Dudley et Montmarquette (1992). Soucieux d'expliquer la croissance rapide des dépenses publiques en Suède, entre 1950 et 1983, Henrekson et Lybeck (1988) proposent un modèle dans lequel ils intègrent à la fois le côté de l'offre et de la demande, ce qui diffère des modèles de dépenses publiques antérieures. L'hypothèse avancée par les auteurs est qu'il n'y a pas de mécanisme de prix pour équilibrer l'offre et la demande, étant donné que les biens et services du gouvernement ne sont pas vendus sur le marché. Le résultat est que les quantités observées ne sont pas nécessairement en un point d'équilibre mais peuvent se situer sur l'offre ou sur la demande, d'où la nécessité d'utiliser un modèle de déséquilibre. Les auteurs utilisent trois équations pour définir leur modèle de déséquilibre, soit l'équation d'offre, de demande et de quantité observée (qui est le maximum de la demande et de l'offre). G/Y = MAX f (demande, offre)39(*). Lorsque l'offre est supérieure à la demande, ils supposent que c'est l'offre qui domine. Ils expliquent ce résultat en supposant que c'est les politiciens qui ont le pouvoir de décision et donc le surplus des ressources sera néanmoins dépensé. Mais quand la demande est supérieure à l'offre, c'est la demande qui détermine le niveau des dépenses publiques, puisque les politiciens et les bureaucrates répondent directement à l'augmentation de la demande même si cela peut entraîner un déficit. Dudley et Montmarquette utilisent aussi l'approche de déséquilibre afin d'expliquer les dépenses publiques. Cependant, ils supposent que c'est le côté court qui détermine le niveau des dépenses publiques. Ils ne sont pas d'avis avec la condition du maximum qu'utilise Henrekson et Lybeck (1988), pour eux, si la capacité fiscale du gouvernement est supérieure à la demande des électeurs, alors c'est la demande qui détermine le niveau des dépenses publiques. Par contre, si la demande des électeurs dépasse la capacité fiscale du gouvernement, les dépenses véritables seront limitées par la capacité de financement. Les auteurs présentent un modèle de déséquilibre dans lequel ils incorporent à la fois, les éléments du choix de l'électeur et la capacité fiscale. G/Y = MIN f (choix des électeurs, capacité fiscale). Ils testent les trois approches possibles afin de choisir laquelle des trois expliquera le mieux le phénomène de croissance des dépenses publiques pour la période considérée. En définitive, il apparaît d'une part que le niveau de développement, qui induit une demande de plus en plus poussée de biens publics par l'électeur médian, est déterminant du niveau de dépenses publiques. D'autre part, ce même niveau de développement a un effet sur la capacité de percevoir des taxes, d'où son influence sur l'offre des fonds publics. Ces deux approches (offre et demande) ont été combinées pour donner une approche de déséquilibre. De cette approche il en découle un profond débat sur la règle de détermination du niveau de dépenses publiques : soit il se situe du côté long, soit du côté court40(*). Dans de nombreux pays aux niveaux de développement différents et de système politiques variés, on a observé que les dépenses publiques croissent plus rapidement que le revenu national. Les ressources disponibles sont généralement limitées dans les pays en voie de développement et en particulier le Cameroun, et selon la théorie de la capacité fiscale41(*), qu'est ce qui peut bien justifier la croissance des dépenses publiques dans ce pays ? C'est ce que nous essayerons d'élucider dans le chapitre suivant, en adoptant l'approche du déséquilibre qui nous semble la plus complète. CHAPITRE II : L'ACCROISSEMENT DES DEPENSES PUBLIQUES AU CAMEROUN L'observation de l'évolution des finances publiques de nombreux pays à travers le monde indique que cette étape est importante et de plus en plus incontournable, si l'on veut mobiliser la fortune publique pour l'affecter à une politique de construction de la société. S'étant attardé sur l'évolution des dépenses publiques, nous avons vu que plusieurs arguments ont été avancés pour expliquer la tendance de plus en plus à la hausse de ces dépenses. Entre autres nous avons mentionné la thèse de Wagner, les arguments de l'école des choix publics, les hypothèses de Baumol et de Peacock et Wiseman, et enfin les théories de la bureaucratie et de la capacité fiscale comme facteurs explicatifs de cette croissance séculaire des dépenses publiques. Reconnaissons avec Tsafack42(*) que tous ces arguments développés peuvent être retrouvés dans le cas du Cameroun et s'avèrent pertinentes pour l'analyse et la compréhension de l'évolution des dépenses publiques dans ce pays. Dans ce chapitre nous tentons de démontrer dans la seconde section, à travers un modèle de déséquilibre où les questions de demande et d'offre des biens publics sont prises ensemble, quels sont les facteurs qui influencent significativement la croissance des dépenses publiques. Auparavant, nous examinons l'évolution tendancielle des dépenses publiques pendant la période allant de 1982 à 2007. * 38 Modèle à variable dépendante limitée pour lesquels la variable dépendante est continue mais n'est observable que sur un certain intervalle. * 39 Ceci est la condition du maximum. * 40 Règle du côté long : lorsque l'offre est supérieure à la demande c'est l'offre qui détermine les dépenses publiques. Mais quand c'est la demande qui est supérieure alors le niveau des dépenses se situe sur la demande Règle du côté court : lorsque l'offre est supérieure à la demande, c'est la demande qui détermine les dépenses publiques. Mais quand c'est la demande qui est supérieure, le niveau des dépenses se situe sur l'offre. * 41 Qui voudrait que dans les pays à faible revenu per capita, on doit s'attendre à ce que les électeurs soient contraints par la capacité du système fiscal d'extraire des revenus provenant des taxes * 42 Tsafack R. (2005), op. cit. |
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