Paragraphe 2 : Difficultés d'ordre juridique
L'organisation et le bon fonctionnement d'un service qu'il
soit public ou privé passent par la création d'un cadre juridique
explicite qui constituera la base sur laquelle ce service repose. Le cadre
juridique se traduit par les dispositions statutaires et règlementaires
qui permettent de comprendre et de maîtriser l'organisation et le
fonctionnement d'un service et d'assurer une gestion rationnelle, seine et
transparente à l'ère de bonne gouvernance.
En effet, le service des ressources humaines de la
santé publique et de la population dispose d'un cadre juridique : Il
s'agit de la loi n° 99.016 du 16 juillet 1999, modifiant et
complétant certaines dispositions de l'ordonnance 93.008 du 14 juin
1993, portant statut général de la fonction publique
centrafricaine, son décret d'application n°00.172 du 10 juillet
2000 fixant les règles d'application et les textes réglementaires
du ministère de la santé publique et de la population. Tous ces
textes constituent une base relative à l'environnement juridique dans
lequel évoluera la gestion des ressources humaines de la santé
publique. Cependant le vrai problème qui se pose dans notre cas
d'espèce c'est l'applicabilité des dispositions textuelles. Notre
étude ne consistera pas à relever la non applicabilité des
textes dans leur totalité, mais de relever certains aspects qui
traduisent cet écart entre ces dispositions et la réalité
ou la pratique.
1. Le problème de stage
probatoire
Le stage probatoire est une étape inévitable
où doit passer tout fonctionnaire de l'Etat après son
intégration. Les agents en charge de la santé publique et de la
population n'en sont pas moins épargnés bien que dans leur
formation, ils sont soumis à des stages pratiques. Cependant dans la
pratique, il se pose un problème juridique réel.
En effet, l'article 81 de la loi n°99.016 dispose, que
tout fonctionnaire stagiaire recruté dans un corps d'emplois doit
effectuer un stage probatoire d'un (1) an, au cours duquel il doit faire preuve
de sa compétence à exercer les fonctions concernées.
Après cette période de un (1) an ou deux (2) options se
présentent à lui.
Ou bien il est intégré en cas
d'évaluation positive ou bien il se voit son stage prolongé d'un
(1) an ou bien il fait l'objet d'un licenciement en cas d'évaluation
négative. Or dans la réalité, cet article est souvent
violé dans la mesure où le délai d'un (1) an n'est pas du
tout respecté dans la plupart des cas. En effet, certains fonctionnaires
passent injustement cinq (5) à six (6) ans sans être
titularisés. Ils se trouvent dans une situation illégale.
La deuxième option relative au prolongement de la
durée de stage ou au licenciement est rarement si non pas du tout mis en
oeuvre. C'est ainsi que tout agent de la santé publique et de la
population, une fois intégré trouve sa situation comme un acquis
sans s'inquiéter d'une éventuelle possibilité de
licenciement en cas d'évaluation négative.
2. Evaluation du rendement et
l'avancement
L'avancement du personnel dans le MSPPS est un processus
soumis au principe d'évaluation du rendement de l'agent. L'art. 86/87 de
la même loi précitée disposent que cette évaluation
doit être annuelle et porter sur des attentes exprimées en
objectifs qualitatifs et quantitatifs décrivant les résultats
à atteindre dans des délais déterminés, dans le
cadre des priorités gouvernementales. Par ailleurs cette
évaluation doit se traduire par une note chiffrée. Or dans la
pratique l'application de ces articles souffre d'une
irrégularité. En effet le principe d'évaluation comme
disposé dans la loi n'est pas suivi par la hiérarchie. Les notes
sont données dès que l'agent remplit un bulletin de note sans
passer une évaluation préalable. Il existe aussi faut-il le
rappeler certains agents de santé publique qui n'ont aucun bulletin de
note après plusieurs années d'exercice de leur fonction. Cette
situation s'explique en grande partie par l'ignorance des
bénéficiaires d'une part et la négligence de
l'administration d'autre part. Parfois les bulletins de note sont
établis. Cependant avec les tracasseries administratives, ces bulletins
sont bloqués et n'arrivent pas aux autorités de droit. Par
ailleurs ces bulletins sont arrivés à la fonction publique mais
ils sont purement et simplement classés sans suite parce que les
gestionnaires chargés de les traiter attendent impunément du
candidat un intéressement avant tout traitement. Comme
conséquence, l'agent de santé publique qui est en fonction dans
les zones rurales passe des années de fonction sans avancement. Ceux qui
sont avancés cependant se confrontent à un problème
réel d'échelle indiciaire.
3. Avancement et le problème d'échelle
indiciaire
Le problème d'avancement n'est pas seulement une
question de classes et d'échelons mais il est plus que cette lecture. En
fait l'avancement vise les classes et les échelons tout en restant
fortement lié aux finances. Les finances faut il le dire sont les effets
indissociables de l'avancement dont pouvait faire l'objet d'un agent de l'Etat.
Or dans la réalité il y a un problème réel quant au
traitement des agents chargés de la santé publique et de la
population. Depuis 1985 les agents de santé sont soumis à une
sorte de blocage qui ne donne pas son nom quant à ce qui concerne leur
salaire. En effet l'échelle indiciaire par hiérarchie IRCV inclus
qui devrait constituer un cadre juridique au sujet du traitement des agents de
santé publique n'existe que de nom. Les agents sont avancés en
classe et hiérarchie mais sans aucun effet financier. Là encore
l'application des textes est violée. Comme corollaire, un agent qui a
passé 20 ans dans la fonction reçoit le traitement d'un stagiaire
alors qu'administrativement il aurait pu être en 1ère
classe 1er échelon avec 182.800F de traitement de base
lorsqu'il est en A1. Or la non application de cette échelle indiciaire
l'amènera à percevoir que 106.200F au lieu de 182.800F. Cette
situation crée une injustice sociale qui frustre dans la mesure
où l'armée est traitée d'une manière
exceptionnelle. Ce blocage a des implications néfastes sur les agents
chargés de la santé publique. On voit s'installer une
démotivation totale de la part des agents, népotisme,
clientélisme et la corruption avec une conscience professionnelle
endormie pour essayer de joindre les deux bouts.
Il y a aussi le développement d'une culture
d'impunité qui se justifie par le principe de « qui paie bien
commande ». Les fautes administratives reprochées aux agents de
l'Etat inscrites à l'article 197 du décret n°00.172 du 10
juillet 2000 sont :
- retards répétés et non justifiés
;
- sorties abusives et non autorisées ;
- absences répétées ou prolongées non
justifiées ;
- retard constate dans le traitement de dossier et
négligence dans l'exécution des tâches ; - refus
d'exécuter les instructions légales de la supérieure
hiérarchique ;
- désobéissance hiérarchique ;
- inobservation de la discrétion ;
- négligence dans l'exécution de ses fonctions ;
- départs hâtifs du lieu du travail ;
- état d'ébriété sur les lieux et aux
heures de service ;
- gestion désordonnée de nature à
favoriser la fraude ou la destruction des biens publics sont monnaie courante
sans que leurs auteurs ne s'en inquiètent. Tout se passe comme s'il n'y
avait aucun élément juridique pour règlementer
l'organisation et le fonctionnement de nos services. C'est vraiment un constat
amer que d'avoir une gestion pareille.
En somme, la gestion des RH de la santé publique s'est
confrontée à plusieurs difficultés qu'on ne peut tout
relever ici. Il faut faire observer cependant que ces difficultés
d'ordre matériel, financier aussi bien que celles de nature juridique et
liées à la gestion des cadres ont mis en mal l'administration de
santé publique et se présente comme un obstacle majeur auquel il
faut trouver des remèdes.
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