Section 2 : Les difficultés d'ordre juridique et
le problème lié aux cadres.
La gestion des ressources humaines de la santé publique
n'est pas seulement confrontée à des difficultés d'ordre
matériel et financier comme nous venons de l'étudier plus haut,
mais aussi à d'autres difficultés. Ainsi, notre étude nous
conduira-t-elle à analyser les autres dimensions de problèmes
inhérents à la gestion de ces ressources humaines.
En effet, la gestion des cadres (§1) aussi bien que le cadre
juridique (§ 2) souffrent de certaines difficultés qu'il convient
de relever.
Paragraphe 1 : Difficultés liées à
la gestion des cadres de la santé publique
pourquoi les autorités administratives tout comme les
entreprises mettent un accent particulier sur les ressources humaines en vue
d'un résultat efficace et efficient.
En effet, la gestion des ressources humaines souffre d'une
épidémie qui ne dit pas son nom et qui gangrène le
développement des cadres de la santé publique et de la
population. « L'analyse des données relatives au personnel du
ministère de la santé, montrera que la RCA présente une
extrême pénurie de personnel qualifié, aggravée par
une inégale répartition de ces personnels sur le territoire et
par une concentration de cadres, notamment de médecins, à des
postes administratifs (directeurs et chefs de service) ».
1. Pénurie du personnel
qualifié
Le problème de cadres dans l'administration
centrafricaine est un problème épineux voire très
délicat. Il s'étend presque dans les départements
ministériels du pays. Le département de la santé publique
n'en est pas épargné pour autant. En effet après des
travaux d'enquêtes sérieusement menés par les
spécialistes sous l'impulsion du ministre de la santé publique et
de la population (Dr Joseph KALITE) et avec la coordination de l'assistance
technique français (Béatrice DYKCZYK et le Dr Dominique
LANDREAU), appuyés par l'Union Européenne, l'OMS et les cadres du
ministère, les résultats ont prouvés qu'il existe une
extrême pénurie du personnel qualifié. En effet, en termes
de ressources humaines, le ministère de la santé publique, de la
population et de lutte contre le SIDA comporterait au 10 février 2003
3.262 agents, toutes catégories confondues. Le fichier du personnel du
MSPPS comprend 3.419 agents dont 157 personnes décédées et
33 autres à retraiter. (1 )
La législation, par arrêté n° 185 du
13/01/1994 a établi le classement des différentes structures tout
en prévoyant le personnel nécessaire à son fonctionnement.
D'après cette législation il serait nécessaire de disposer
5.500 agents au total toutes catégories confondues pour assurer le
fonctionnement de ces structures sanitaires. Ors force est de constater avec
beaucoup de regret que le fichier du personnel du MSPPS dégage 3.419
personnes seulement hors mis les cas de décès et de retraite soit
une différence de 2081 agents. Ainsi y a-t-il une pénurie
réelle, une insuffisance et un déficit accru de personnel pour
couvrir la santé de toute la population estimée à
3.013.825 habitants « cartographie censitaire du troisième
Recensement Général de la Population Et De L'habitation » du
ministère de l'Economie, du Plan et de la Coopération
Internationale.
Quelques données concrètes méritent
d'être relevées pour traduire à suffisance le manque
réel du personnel dans certaines catégories professionnelles de
la santé publique et de la population. Par exemple pour toute la
République, on compte seulement 23 Médecins, Spécialistes,
Pharmaciens ou Dentistes, 283 Techniciens Supérieurs ou
Spécialistes Paramédicaux, 210 Sages-femmes
Diplômées d'Etat, 24 Infirmiers Assistants Diplômés
d'Etat et 19 Puéricultrices, 282 Infirmiers Diplômés
d'Etat. Cet effectif est vraiment très insuffisant pour couvrir la
population dans le domaine sanitaire. En effet 203 Médecins et autres ne
peuvent prendre en charge 3013825 âmes que compte la population
(données 2000 du troisième recensement Général de
la Population et de l'Habitation). Ainsi en moyenne le pays compte -t-il un
Médecin pour 25 000 habitants ( )1. Cette insuffisance
s'explique en
1 ( ) Carte sanitaire de la RCA, février 2003.
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partie par le nombre de décès enregistrés
dans le département, le départ sans retour des cadres dans des
secteurs privés et des organismes internationaux où ils trouvent
mieux vivre (47 agents dont 35 médecins), la limitation de quota
relative aux candidatures pour la formation à la Faculté des
Sciences de la Santé (25 étudiantes seulement sont retenues pour
la formation des Assistantes Accoucheuses pour l'année 2007-2008) et
enfin les difficultés d'intégration que connaît le pays
font que les jeunes à la fin de leurs études sont sur le
marché du travail alors que le département souffre atrocement du
manque de cadres.
Cette pénurie de cadres est aggravée par une
inégale répartition de ces personnels sur le territoire
centrafricain.
2. Problème de répartition des
cadres
La question de répartition des cadres est un aspect
essentiel dans la gestion des ressources humaines. Une bonne gestion de ces
ressources se traduit par une répartition rationnelle et proportionnelle
des cadres selon les besoins de chaque service. Cette situation prend en compte
le principe de l'homme qu'il faut à la place qu'il faut
c'est-à-dire tenir compte de la qualification et les compétences
liées à la question du besoin de service. Or au
département de la santé publique en général et le
service des ressources humaines en particulier, il y a une disparité et
une inégalité dans la répartition des agents
chargés de la santé publique et de la population. Cette mauvaise
répartition aura comme conséquence le manque quasi-total des
agents dans certain centre de santé surtout à l'intérieur
du pays alors que nous notons une forte concentration de certaines
catégories professionnelles au niveau central.
A titre d'exemple, pour les sept (7) régions sanitaires,
le ratio « médecin par effectif de population » est
très disparate. Ce tableau le confirme.
TABLEAU RELATIF AU MEDECINS PAGE 43 DE LA CARTE SANITAIRE DE LA
RCA
Il ressort de ce tableau ci-dessus que les zones rurales sont
très déficitaires, avec en moyenne un médecin pour 70 000
habitants exceptée la région n°5, isolée et peu
peuplée, mieux pourvue en médecins que les autres régions
rurales mais déficitaire en personnel paramédical (1
médecin pour 35 772 habitants). Il y a une forte concentration de
médecins au niveau de Bangui (51 médecins). C'est dû
grâce aux établissements centraux qui arrachent 48
médecins. Alors que pour toutes les zones rurales nous ne comptons que
40 médecins répartis dans les six (6) régions sanitaires.
Pour résumer succinctement, pour la ville de Bangui on compte 51
médecins pour une population de 493.821 habitants. Par contre dans les
zones rurales, on compte 40 médecins pour une population de 2 520 004
habitants. Le déficit est considérable au niveau des zones
rurales ceci s'explique par le manque d'infrastructure à l'instance
régionale et préfectorale et le manque des établissements
centraux dans ces zones. Par conséquent, on assiste à un taux
élevé de mortalité au niveau régional et les
transferts sanitaires des malades dans les établissements centraux
où les patients peuvent trouver les spécialistes.
formation qui doivent être nommés à ces
postes de responsabilité comme directeurs et chefs de services. Cette
situation de mauvaise gestion des ressources humaines a comme implication la
non maîtrise de l'administration par ces derniers d'une part et le
gaspillage des ressources humaines parce que ces administrateurs se retrouvent
dans les couloirs ou dans les rues sans poste et sans activités, d'autre
part. L'autre aspect aussi c'est que ces administrateurs circonstanciels n'ont
pas assez de temps pour assurer leur responsabilité administrative et
leur responsabilité curative. Comme conséquences, les dossiers
qui auraient pu être traités dans un temps record sont
entassés dans leur bureau. Par ailleurs puisse qu'ils n'ont pas assez de
temps pour la consultation de leurs patients, ils les abandonnent dans de
longue queue dans leur triste sort. D'autres ont plus de
préférence à consulter dans leur clinique médicale
que dans les hôpitaux car c'est là où ils trouvent mieux.
Parfois, ils consultent une seule fois par semaine au niveau des hôpitaux
et passent tout le reste de temps dans leurs cliniques. Comme
conséquences certains malades n'ont pas la chance de consulter une seule
fois leur médecin et la mort les atteint.
Somme toute la gestion des ressources humaines de la
santé publique, de la population et de la lutte contre le SIDA souffre
d'un manque cruel de personne qualifiée surtout dans les zones rurales.
Cette pénurie est aggravée par une très mauvaise
répartition des cadres de la santé publique et de la
population.
Outre ses difficultés liées à la gestion de
cadres que nous venons d'étudier, il y a aussi d'autres
difficultés de nature juridique qu'on ne doit pas perdre de vue.
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