Section 2 - L'intervention des fonds structurels comme
soutien de la politique de cohésion communautaire
Le champ d'intervention des fonds structurels résulte
avant tout d'une volonté politique d'ensemble, inscrite dans le budget
communautaire (I). Cette intervention obéit aussi à des principes
généraux (II).
I- L'insertion des fonds structurels dans le budget
communautaire
L'intégration par les fonds structurels est
justifiée car l'Union européenne contient en son sein des zones
inégalement développées. Il faut aider les projets, les
zones et les Etats à ne pas voir s'accroître leurs
disparités du fait de la construction européenne. En ce sens, le
budget européen est l'élément de base de la politique des
fonds structurels, politique loin d'être uniforme. Il faut donc tout
d'abord analyser l'importance des fonds dans le budget communautaire (A), avant
d'appréhender les difficultés théoriques que peuvent
engendrer ces fonds structurels (B).
A- L'importance des fonds dans le budget communautaire
Il faut bien sûr rappeler que les fonds structurels ne sont
pas dotés de la personnalité juridique mais sont des chapitres
inscrits dans le budget communautaire. Il est nécessaire
d'étudier l'insertion des fonds structurels dans celui-ci, car cela
amène à s'interroger plus globalement sur la capacité de
l'Union à mener une politique économique, ainsi que sur les
manières de la mettre en oeuvre. Autrement dit, l'aide communautaire est
avant tout une action communautaire, constituant de fait une intégration
communautaire. L'Europe, son budget, ne découle pas d'une logique
purement économique, mais bien politique, faite de discussions
permanentes. Par ailleurs, les règlements généraux sur les
fonds structurels ne sont pas à proprement parler des règlements
financiers, puisqu'ils sont pris dans le cadre de la mise en oeuvre des
politiques communes, où les fonds structurels ont une place
prépondérante. Mais leur portée financière dans
l'Union est notable. L'élaboration du budget découle de l'article
272 du traité CE. En raison de cette importance financière, et
après l'adoption des perspectives financières, la
réglementation communautaire en ce qui concerne les fonds fait toujours
l'objet d'une réévaluation. Peut s'appliquer en ce sens la
théorie de Richard Musgrave, apparue en 1959 dans The theory of
public finance, quant aux trois fonctions économiques que doit
remplir un Etat. Celui-ci a tout d'abord une fonction d'allocation,
c'est-à-dire, si l'on applique cette fonction à l'Union, de
transférer des ressources lorsque la régulation d'un
marché est estimée défaillante. Juridiquement, cela se
traduit par des subventions, comme avec la PAC par exemple, et par des
règlementations dans différents secteurs. Cette fonction
d'allocation intègre la notion de régulation. Une autre fonction
est une fonction de stabilisation, en l'occurrence de la croissance, qui peut
s'exprimer par la politique monétaire, par le marché commun, mais
aussi politique et juridique, par le biais des traités successifs et le
rôle des institutions communautaires. Dernière fonction, une
fonction de redistribution. Celle-ci nous intéresse
particulièrement car son objectif est la correction des
inégalités de richesses. Les fonds structurels expriment en ce
sens cette fonction pour l'Union, pour les raisons évoquées
précédemment. On peut parler de redistribution
interrégionale. Le caractère supra national de l'Union pose
cependant question. Car, nécessairement, ces fonctions sont
assurés soit par l'Union, soit par les Etats eux-mêmes. La
fonction de redistribution a une portée largement Etatique, et demeure
d'ailleurs de son fait. Seule la redistribution entre les nations et les
régions par le biais des fonds structurels est du ressort de l'UE, et
est conditionnée à l'action des Etats et des collectivités
locales. Ainsi, les fonds structurels ont aussi une fonction d'allocation, par
le biais de ses règlements, puisque fixant des objectifs et des moyens
de les mettre en oeuvre qui s'imposent aux Etats membres ; et une fonction
de stabilisation, car les fonds intègrent un certain objectif de
croissance et sont dès l'origine liés à la construction
communautaire. D'où la difficulté, certes conceptuelle,
d'appréhender ce que sera le futur des fonds structurels, et vers quelle
fonction ils vont tendre. Il faut préciser en ce sens que le budget de
l'Union est avant tout un budget d'intervention, puisqu'il ne comporte que peu
de dépenses administratives.
L'Union européenne se distingue des organisations
internationales car elle peut elle-même gérer ses dépenses
d'ordre opérationnel. Ces dépenses, en termes structurels, sont
le fait des différents fonds. Ces sont des mécanismes
communautaires qui échappent aux Etats membres.
Pour les fonds structurels, la question de la répartition
des charges de financement entre les Etats membres est primordiale. Les Etats
membres sont divisés sur la question des fonds structurels. La
Grèce, l'Espagne, le Portugal, voient leurs crédits
européens s'amoindrir, du fait de l'élargissement. Ils
souhaiteraient ainsi une hausse de la politique de cohésion
communautaire, puisque cette augmentation leur bénéficierait
alors pour partie. Un Etat peut devenir soit contributeur, soit
bénéficiaire, au fur et à mesure des programmations. La
théorie dite du juste retour, c'est-à-dire ce type de calcul, a
des conséquences financières, puisque des financements
supplémentaires qui ne prennent pas en compte les critères de
répartition des fonds peuvent être engagés, comme le montre
l'annexe II du règlement n°1083/2006 pour environ 5 milliards
d'euros, notamment pour l'Espagne et l'Italie. Il y à là
l'idée d'un « réajustement » politique de la
répartition des fonds aux Etats. Cela est d'ailleurs critiquable. Par
ailleurs, si les crédits sont engagés pour une période,
ils peuvent être eux-mêmes réajustés durant la
programmation. A chaque vote par le Conseil d'un nouveau règlement, les
débats quant à la contribution de chaque Etat refont de ce fait
surface, a fortiori avec l'élargissement. Par exemple, la phrase
lancée en 1979 par Margaret Thatcher à propos de la PAC,
« I want my money back ». La France est en 2005 le second
contributeur de l'Union, avec 16,42%, derrière l'Allemagne, avec 21,11%.
Ces deux pays, à eux seuls, contribuent donc pour plus d'un tiers du
budget communautaire total. Tandis que le solde net
contribution/bénéfices est négatif pour ces deux Etats,
ainsi que pour le Royaume Uni ou encore l'Italie, il est positif pour des Etats
comme le Portugal, l'Espagne, la Grèce ou l'Irlande. Ces
déséquilibres sont donc voulus, témoignant de l'effort
d'intégration et de cohésion communautaire. La majorité
des Etats membres ne sont pas, c'est un euphémisme, pour une hausse du
budget européen, dans un contexte où la convergence est aussi
promue par le pacte de stabilité et de croissance. A ne pas
négliger, dès lors, l'hypothèse d'un
prélèvement autonome, très difficile à mettre en
oeuvre mais qui aurait pour conséquence d'éviter les arbitrages
au début de chaque programmation pluriannuelle, et d'éviter le
sempiternel débat entre les Etats contributeurs et les Etats
bénéficiaires.
En proportion, le budget européen demeure relativement
faible, puisqu'il est en 2006 de l'ordre de 1,08% du revenu national brut de
l'UE, moins de 1% du PIB total. Les règlements adoptés dans le
cadre des fonds structurels sont avant tout des règlements financiers.
La politique agricole et les fonds structurels concernent environ 80% du budget
en 2006, dont 37% pour les seules « actions
structurelles ». Les fonds structurels constituent ainsi le
deuxième poste budgétaire de l'Union, soit un peu plus du tiers
du budget. Concrètement, pour la période 2007-2013, les fonds
structurels représentent environ 308 milliards d'euros en prix constant,
sur la base 2004. Par rapport à la période 2000-2006, la part
consacrée aux fonds structurels a augmenté de près d'un
tiers. Mais le budget de l'Union augmente mécaniquement lorsque le
nombre de ses membres augmente lui-même. Du reste, les fonds structurels
connurent une hausse forte et continue depuis l'établissement d'une
politique de cohésion. Economiquement, ces nouveaux crédits
d'engagement équivalent à 0,37% de l'investissement national brut
de l'Union à 27.
|
|