B- Vers une décentralisation des fonds
structurels ?
La décentralisation des fonds structurels suppose que les
fonds ne transitent plus par l'Etat. Par exemple, la coopération
territoriale est confiée aux régions, voir au Groupement
européen de coopération territoriale. Appréhender cette
problématique par le biais du cas français est
intéressant. Tout d'abord, il faut relever que cette
décentralisation ne nécessite pas le recours à la loi,
puisque les règlements communautaires prévoient ce cas de figure.
Mais la compétence des préfets de région repose sur une
base légale. Il y a donc là le respect d'un certain
parallélisme des formes, en quelque sorte. La loi du 13 août 2004
permet la mise en oeuvre des expérimentations, pour une durée de
5 ans en ce domaine, selon le principe d'une région coordinatrice et
chef de file des autres institutions locales. Les expérimentations sont
apparues comme une solution, puisque répondant au souhait des
collectivités d'être plus impliqués dans la gestion des
fonds, tout en « préservant » l'Etat central. Les
expérimentations s'inscrivent dans la recherche d'une plus grande
rationalité dans les circuits administratifs que connaissent les fonds
structurels. Mais cela ne peut être imposé par à l'Etat,
qui garde un pouvoir d'initiative en la matière. L'article 1 de la loi
prévoit que les régions peuvent elles mêmes élaborer
un schéma de développement économique, qui une fois
adopté permettra à la région de se voir
délégué la gestion des aides qui sont attribués,
normalement, par l'Etat aux projets. Nous traiterons de ce schéma dans
la toute dernière partie. L'article 44 de la même loi
réalisa également des expérimentations en matière
de fonds structurels, c'est-à-dire dans la désignation des
autorités de gestion et de paiement pour la période de
programmation 2000-2006, sur le fondement de l'article 37-1 de la constitution.
L'Etat peut alors désigner les collectivités territoriales et
leurs groupements, ou des groupements d'intérêt public, qui vont
exercer ces fonctions. La loi a en réalité donné une base
légale à des expérimentations qui eurent
déjà lieu en Alsace à partir de 2003, ce qui avait
été approuvé par la Commission. C'est une prorogation des
expérimentations, pour ainsi dire. Cette expérimentation
concernait alors la gestion des crédits dévolus à
l'objectif 2, sur la reconversion des zones en difficultés, faisant de
la région à la fois une autorité de gestion et une
autorité de paiement. Il faut noter qu'avec la nouvelle programmation,
l'Alsace ne détient plus que la gestion du FEDER, en raison du principe
d'un fonds par programme. Puis ce fut au tour de l'Auvergne de devenir
autorité de gestion pour ce même objectif, mais cette fois-ci dans
le cadre des subventions globales. L'article 44 donne une priorité aux
régions dans cette décentralisation, de même qu'à la
Corse, qui a un statut constitutionnellement particulier ; mais ce peut
être aussi confié aux départements dans le cadre du FSE.
Dans le budget territorial, les fonds structurels deviennent alors une
dépense obligatoire, dans le cadre du régime des paiements
évoqué précédemment, qui comprend les
procédures de sanction, ou encore les corrections financières. La
collectivité assume seule sa responsabilité financière, en
dehors de l'Etat. Cependant, la Caisse des dépôts et consignations
par exemple, qui a encore une certaine portée Etatique, est devenue
l'autorité de paiement et de certification de la région Alsace,
afin de raccourcir notamment les délais de paiement sur la base d'une
convention. Les principes de l'expérimentation sont alors
déterminés par une circulaire du 15 juillet 2002, à savoir
une gestion séparée des crédits communautaires et
régionaux, et un contrôle indépendant. Le principal
avantage de la décentralisation est le guichet unique, plus proche des
citoyens en raison de l'expertise des élus locaux, de services
directement affectés à la gestion des projets, permettant un
contrôle et une affectation des fonds plus aisé. La question de la
décentralisation au niveau départemental du FSE s'est souvent
posée, car le département, plus riche que le niveau de gestion
déconcentré qu'est la région, est plus à même
de gérer efficacement les fonds communautaires en matière de
compétitivité régionale et d'emploi et d'élaborer
des programmes opérationnels en ce sens. Dans le même temps, cela
aurait pour conséquence un morcellement d'enveloppes réduites
pour les départements, tandis que la région aurait une enveloppe
supérieure. D'où de possibles conflits de compétences. A
fortiori si cela conduit l'Etat à être mis à l'écart
de sa propre politique de l'emploi ... d'où les critiques qui ont pu
émailler la gestion du FSE par l'Alsace au cours des
expérimentations. La décentralisation pose également la
question de l'additionnalité, principe général des fonds
structurels, car décentraliser leur gestion équivaut à
pouvoir se passer du financement national. Il faut se demander si les
collectivités auront assez de ressources financières pour cela.
Cela pose, enfin, la question de l'égalité et de la
cohérence interrégionale dans l'administration des fonds
structurels. Cette décentralisation est cependant amorcée, de
manière spécifique, dans un mouvement même où
l'élargissement de l'Union pourrait encore réduire le montant des
fonds à destination de la France si elle ne prouve pas qu'elle en a
besoin et qu'elle est consomme rationnellement. Le CIACT en 2006 relève
que « dans la mesure où il a été décidé
de maintenir les préfets de région comme autorités de
gestion et de certification pour les programmes régionaux et les volets
déconcentrés des programmes nationaux, l'organisation actuelle ne
devrait pas être sensiblement modifiée ». La subvention
globale est un mécanisme qui apparaît en ce sens comme une
alternative, notamment pour les agglomérations, la question urbaine;
ainsi que pour la gestion du FSE.
Un arrêt de la CJCE du 2 mai 2006, Regione Siciliana contre
Commission, montre que la Cour estime que la qualité pour agir devant la
juridiction communautaire n'est pas reconnue à la région. Cela
concernait une construction d'autoroute qui bénéficiait d'une
subvention au titre du FEDER. Une décision de la Commission avait
porté clôture de ce financement. Le Comité des
régions souhaitait faire de la région un requérant
privilégié, au titre de l'article 230 du traité CE. La
CJCE estime que la région n'a pas été
désignée autorité compétente par la Commission mais
par le gouvernement Italien. L'Etat fait écran entre la région et
la Commission, car elle pouvait elle-même dégager des fonds pour
compenser la perte de la subvention. Si les aides ne transitent plus par l'Etat
et que les régions en bénéficient directement, alors ce
sont elles qui en assument la responsabilité financière devant la
Commission, et non l'Etat. Reste à savoir si elles seront alors
considérées comme des requérants privilégiés
pour les fonds structurels. Par ailleurs, l'arrêt de la CJCE du 4 juillet
2000, Haïm II, montre qu'un arrêt en manquement contre l'Etat peut
aussi concerner les collectivités territoriales, puisque la
Cour estime que « le droit communautaire ne s'oppose pas à ce que
la responsabilité qui incombe à un organisme de droit public de
réparer les dommages causés aux particuliers par des mesures
qu'il a prises en violation du droit communautaire puisse être
engagée en plus de celle de l'Etat membre lui-même ».
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