Section 2 - L'administration des fonds structurels par
les Etats membres, l'exemple français
La France, pour la période de programmation actuelle,
s'est vue attribuée environ 4% de la dotation communautaire, soit une
baisse d'environ un quart par rapport à la période de
programmation précédente. L'objectif de convergence concerne les
DOM à hauteur de 2,8 milliards d'euros, l'objectif de
compétitivité est doté de 9,1 milliards et le
troisième objectif de 750 millions d'euros, la dotation nationale la
plus importante des Etats membres. Il est nécessaire, afin de
détailler le fonctionnement des fonds structurels, d'analyser avec plus
de précision l'administration de ces fonds, qui fonctionne grâce
aux autorités déconcentrés (I), avant d'étudier la
mise en oeuvre financière des fonds structurels (II).
I- La prédominance d'une gestion
déconcentrée des fonds structurels
Les fonds structurels laissent à l'Etat un rôle
majeur dans leur mise en oeuvre. Cela relève de choix
réalisés en terme de programmation (A). Se pose cependant la
question de la décentralisation de cette mise en oeuvre (B).
A- Les choix réalisés en terme de
programmation
La gestion des fonds structurels suit le système
institutionnel de l'Etat membre. Dans les systèmes
fédéraux tels qu'en Allemagne ou en Belgique, les
autorités régionales ont un rôle exclusif dans
l'utilisation des fonds structurels. Dans des systèmes où
prédominent la décentralisation, comme au Royaume-Uni, l'Espagne
ou l'Italie, il y a un partage entre les autorités nationales et les
autorités régionales. Dans les systèmes
centralisés, avec par exemple la Grèce, le Portugal ou l'Irlande,
c'est l'Etat qui concentre les compétences quant à cette
utilisation. D'autres, comme la Suède et la France, laissent une grande
part des compétences à l'Etat central, mais ont des
systèmes plus hybrides, entre un Etat central fort mais la
volonté d'une plus grande décentralisation, sans pour autant se
situer dans le fédéralisme. La France a fait le choix, mis
à part pour la coopération territoriale, de gérer les
crédits de la cohésion communautaire par le biais de l'Etat
central, depuis la loi ATR du 6 février 1992, et son article 5, faisant
du préfet de région à la fois l'autorité de gestion
et l'autorité de paiement. Les préfets sont assistés du
secrétariat général pour les affaires régionales,
dans lequel est inclus un département Europe. Le préfet est
assisté de services instructeurs. En effet, les principes de
subsidiarité et de partenariat excluent une gestion pleinement
centralisée des fonds structurels. L'Etat est censé garantir une
certaine neutralité et une cohésion dans l'aménagement du
territoire, mais doit être au plus près des citoyens. Du reste,
cela lui a permit de bénéficier d'un phénomène de
centralisation, permettant d'accroître son rôle au niveau
déconcentré. Le Conseil d'Etat, dans l'arrêt Région
du Limousin du 19 mai 1999, est soumis à un contrôle de
conformité des règlements communautaires à la
décision du gouvernement de répartir les dotations pour les zones
rurales. Le Conseil rappelle que l'Etat doit respecter le principe de
concentration des aides au profit des zones présentant les
problèmes de développement les plus graves, ce qui est le cas en
l'espèce. L'élaboration de la programmation est le fruit du
travail du CIACT (Comité interministériel d'aménagement et
de compétitivité des territoires) qui a rendu son travail de
programmation le 6 mars 2006, et qui concerne le FEDER et le FSE, puisque la
France n'est pas éligible au fonds de cohésion. Le FEDER fait
l'objet d'un programme régional pour chacune des régions de
l'Etat, soit 26. Quant au FSE, pour l'objectif de convergence le niveau du
programme est régional pour les DOM, et les autorités de gestion
seront les préfets de région. Le programme est unique, pour le
FSE, pour l'ensemble des régions en ce qui concerne l'objectif de
compétitivité régionale et d'emploi. Il s'agit là
d'une « renationalisation » d'une partie du FSE. Le
ministère de l'emploi est l'autorité de gestion, pendant que les
préfets de région sont désignés autorités de
gestion déléguée. Mais existe la politique de l'emploi.
Dès lors il sera déconcentré au niveau des régions,
mis à part pour le dialogue social et le programme national de
réforme, gérés au niveau national.
Ce sont les préfets de région qui peuvent
désigner les autorités de gestion déléguées
au titre des subventions globales. Celles-ci sont apparues en France en raison
de la mauvaise gestion des crédits européens, qui avait tendance
à engendrer des phénomènes de sous consommation des
crédits. C'est ainsi que le 31 juillet 2002 est mis en place ce
système de gestion déléguée, confié
notamment à des collectivités territoriales, mais aussi à
des groupements d'intérêt public, à des
établissements publics de coopération intercommunale tels que les
agglomérations. Pour le FEDER, ce sont les préfets de
région qui sont les autorités de gestion, pour les deux objectifs
de convergence et de compétitivité, mis à part pour
l'Alsace dans le cadre de l'expérimentation que nous détaillerons
plus tard. Les subventions globales peuvent être attribuées par
les préfets dans la limite de 50% du total du FEDER, et 60% du FSE, dans
la limite de 40% pour les conseils généraux et régionaux.
Il faut noter que pour l'objectif de coopération territoriale, ce sont
les collectivités territoriales qui restent autorités de gestion.
Il s'agit d'une continuité par rapport à l'initiative
communautaire Interreg, qui a été assimilée par cet
objectif. L'autorité d'audit, pour tous les fonds et les objectifs, est
la Commission interministérielle de coordination des contrôles.
Elle a été crée par le décret du 26 avril 2002,
Pour l'objectif de coopération territoriale, il ne peut y avoir qu'une
seule autorité de gestion, soit un conseil régional soit le GECT.
Elle est désignée par une convention avec l'Etat, qui ne
gère donc pas les fonds au niveau central. Si elle n'est pas
située en France, alors le préfet coordinateur va désigner
une autorité nationale, soit une collectivité territoriale et
alors il y aura une convention avec l'Etat, soit le préfet de
région. Mais, située en France, l'autorité de gestion est
aussi l'autorité nationale. L'autorité d'audit sera
l'autorité nationale si l'autorité de gestion, par
conséquent, est située hors de France. Elle sera instruite par la
Commission de coordination et devra assurer une fonction de séparation
des deux fonctions. L'autorité de certification est
désignée par l'autorité de gestion, quelle qu'elle soit,
et est soumise à un rapport conventionnel.
L'autorité déconcentrée de gestion
prépondérante est donc le préfet de région. A ce
sujet, un arrêt de la Cour administrative d'appel de Lyon du 12 octobre
2004, société André Vernay Teintures, montre que la
décision d'attribution d'une aide communautaire par l'autorité
administrative « se rattache à la mise en oeuvre d'une
politique communautaire en matière de développement
économique et social et d'aménagement du territoire ; qu'à
défaut d'une disposition législative contraire ou d'une exception
prévue par décret en Conseil d'Etat, le préfet de
région est seul compétent pour décider de l'attribution
d'une telle aide ». Or, le décret du 1er juillet
2002 faisait de la circonscription départementale un échelon
territorial de mise en oeuvre des politiques nationales et communautaires. Mais
l'article 3 attribue la compétence de l'échelon régional
pour le développement économique et social et
d'aménagement du territoire, conformément à la loi du 5
juillet 1972 portant création et organisation des régions.
Toutefois, la loi d'orientation pour l'aménagement et le
développement du territoire du 4 février 1995, qui a par ailleurs
désigné l'échelon régional, a aussi
désigné l'échelon départemental pour la mise en
oeuvre des politiques structurelles communautaires. La Cour semble donc aller
dans le sens de la Commission et des institutions communautaires dont les
règlements sont d'applicabilité directe, et dans le sens du
« marché de dupes » énoncé
précédemment, c'est à dire du refus d'une autorité
de gestion infra régionale. Il apparaît, pour conclure sur cette
question, que les contentieux qui s'y rapportent sont quasiment inexistants.
On note que, comme le budget européen, le budget
régional est principalement un budget d'intervention. Les fonds
structurels ne s'y inscrivent que dans le cadre des subventions globales. A ce
titre, selon Henri Oberdorff, « on peut considérer les
préfets comme des « administrateurs » du droit
communautaire sur le territoire français et des
« acteurs » de la mise en oeuvre des politiques
communautaires ».
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