B- Les engagements et les paiements
La problématique du paiement et des engagements
mérite d'être traitée. Car, tout comme pour les
autorités de gestion et de contrôle, les Etats membres sont
responsables des irrégularités dans les sommes payées,
selon l'article 70 du règlement cadre. D'ailleurs, dans le droit
interne, l'Etat est seul responsable devant le droit communautaire. A
l'inverse, la Commission est responsable de l'exécution du budget
communautaire. Du reste, la gestion du budget relève de ce qu'on peut
appeler la gestion partagée, au sens de l'article 14, et du
règlement financier n°1605/2002. La Commission peut ainsi
interrompre ou suspendre les paiements en cas d'insuffisance, et appliquer des
corrections financières, le cas échéant.
Les engagements budgétaires sont déterminés
par la Commission annuellement durant la période de programmation, pour
chaque fonds et chaque objectif, avant le 30 avril de l'année
précédente. A ce sujet, il existé un mécanisme de
réserve nationale qui permet à l'Etat de réserver une
partie des fonds, à savoir 1% annuel de l'objectif convergence et 3% de
la compétitivité, « pour faire face aux crises
sectorielles ou locales qui surviennent de manière
inopinée », selon l'article 51. Un autre mécanisme de
réserve nationale entre en jeu, à hauteur de 3% des deux
objectifs, constituant « une réserve nationale de
performance ». C'est une initiative de réserver une partie des
fonds aux programmes les plus performants. Si les paiements découlant de
ces engagements budgétaires ne sont pas effectués, alors l'Etat
peut demander à la Commission de « puiser » dans ces
réserves-là et les affecter à un ou plusieurs programmes
opérationnels. Concrètement, les paiements peuvent consister en
un préfinancement, qui est en réalité un paiement unique
établi selon les différents critères de l'article 82 et
qui est payé après l'approbation par la Commission du programme
opérationnel. Il peut être remboursé par l'organisme
désigné par l'Etat à la Commission si aucun paiement n'a
ensuite été réalisé. Les deux autres types de
financement sont un paiement du solde final ou à un paiement
intermédiaire. Ces derniers sont effectués par la Commission pour
rembourser les dépenses effectivement payées et certifiées
par l'État membre. Ils doivent être demandés par celui-ci.
Ces paiements sont calculés sur la base du principe de
l'additionnalité, expliqué précédemment. Cela doit
permettre de pouvoir respecter l'article 87 du traité sur les
régimes d'aides autorisés ou non. En effet, l'aide d'Etat doit
être payée par l'autorité chargée de verser l'aide
communautaire. L'état des dépenses permet de vérifier cela
et, par les vérifications de la Commission, le principe
d'additionnalité. Selon l'article 80, « il n'est
procédé à aucune déduction ou retenue, ni à
aucun autre prélèvement spécifique ou autre à effet
équivalent qui réduirait ces montants pour les
bénéficiaires ».
A partir de là, il y a cinq mécanismes de la
Commission pouvant interférer sur ces paiements. Tout d'abord,
l'interruption pour une durée maximale de six mois, si l'audit
réalisé montre « une insuffisance importante dans le
fonctionnement des systèmes de gestion et de contrôle »,
ou si « l'ordonnateur délégué doit
procéder à des vérifications supplémentaires (...)
liées à une irrégularité grave qui n'a pas
été corrigée »., selon l'article 91. L'article
92, quant à lui, traite de la suspension des paiements. Ce
mécanisme peut entrer en jeu si le système de gestion et de
contrôle présente une insuffisance grave, si l'état des
dépenses présente une grave irrégularité, ou en cas
de violation grave par l'Etat membre de sa responsabilité
évoquée précédemment. Si l'Etat membre, dans le
cadre de la suspension, n'a pas pris les mesures nécessaires, alors la
Commission peut annuler les paiements.
Le troisième mécanisme est celui du
dégagement d'office. Il s'applique en fait aux crédits mis
à disposition des Etats membres n'ayant pas été
consommés à la fin de la deuxième année suivant
celle de leur mise à disposition, ou de la troisième pour les
Etats membres dont le PIB est inférieur à 85% de la moyenne
européenne. Il existe des dérogations visées à
l'article 96 La Commission informa au préalable les Etats et les
autorités concernées du risque d'engager cette procédure.
L'Etat a alors deux mois pour donner son accord et donner ses observations. La
Commission a ensuite neuf mois pour procéder ou non au dégagement
d'office, qui réduit la participation du fond au programme
opérationnel. Au plus 2 mois après la procédure, l'Etat
doit envoyer à la Commission un nouveau plan de financement du
programme, qui doit tenir compte de ce dégagement d'office. Cette
règle, qui entre dans le cadre de l'efficacité des fonds et de la
bonne gestion financière, permet de rationaliser les paiements au titre
des fonds structurels. Et donc influence directement le fait de retenir des
projets « prévisibles » au niveau des
dépenses. Là aussi, la question des objectifs de Lisbonne peut
revenir, car il est délicat, par exemple, de calculer le coût de
l'innovation.
Le dernier mécanisme est celui des corrections
financières, qui se scinde entre les corrections de la part des Etats
membres et de la part de la Commission. La correction financière permet
d'annuler tout ou partie de la participation communautaire à un
programme opérationnel. Il s'agit d'une procédure de
recouvrement. A ce sujet, dans un arrêt de la CJCE du 4 avril 1974,
Mertens, la Cour estime que c'est aux services nationaux d'agir en justice, le
cas échéant, contre les particuliers pour réclamer les
ressource communautaires ou récupérer les sommes payées
indûment. De fait, d'après l'article 70, « lorsque
des montants indûment payés à un bénéficiaire
ne peuvent pas être recouvrés, l'État membre est
responsable du remboursement des montants perdus au budget
général de l'Union européenne, lorsqu'il est établi
que la perte résulte de sa propre faute ou
négligence ». Le recouvrement est une compétence
Etatique et non communautaire. Pour les Etats membres, la correction
financière intervient en cas de « changement important
affectant la nature ou les conditions de mise en oeuvre ou de contrôle
des opérations ou des programmes opérationnels », selon
l'article 98, et « les irrégularités individuelles ou
systémiques détectées dans les opérations ou les
programmes opérationnels ». Pour les corrections
financières exécutées par la Commission, prévues
à l'article 99, elles entrent en ligne de compte lorsque « il
existe une grave insuffisance du système de gestion ou de contrôle
du programme qui a mis en péril la participation communautaire
déjà versée au programme », lors d'un
état de dépenses irrégulier mais non corrigé par
l'Etat membre, et lorsque l'Etat n'a pas fait elle-même la correction
financière. S'engage alors une procédure de concertation
où l'Etat peut ne pas être d'accord avec la Commission. Si c'est
le cas, la Commission statue dans les six mois. S'il y a accord, l'Etat peut
réutiliser les fonds communautaires, pour le programme
opérationnel concerné.
Le rôle de l'Etat, dans le cadre de son régime de
responsabilité quant au fonds structurels, résulte de
l'obligation de diligence générale qui résulte de
l'article 10 du traité. Il faut donc, dans cette optique, chercher
à réduire les délais, comme le montre l'arrêt de la
CJCE de 1998 Hamburg AG und Firma Schmidt Söhne GmbH. Les régimes
de coresponsabilité dans l'application des fonds structurels repose
nécessairement sur le principe de confiance légitime. Le principe
du recouvrement au niveau national en est un exemple. Il y a là, peut
être une différence avec le régime des aides d'Etat,
puisque dans cet arrêt, la Cour estime que les aides communautaires, il
s'agissait alors de la PAC, ne procurent pas d'avantages concurrentiels,
contrairement aux aides Etatiques. Du reste, l'article 87 fait « des
aides destinées à favoriser le développement
économique de régions dans lesquelles le niveau de vie est
anormalement bas ou dans lesquelles sévit un grave
sous-emploi » des aides compatibles avec le marché commun.
Peut être que le rapprochement entre aides Etatiques et nationales, s'il
existe, se réalise à ce niveau là. La prise en compte
d'objectifs différents, notamment par ceux de Lisbonne, est sans doute
la marque du développement d'un rôle fondamentalement
différent des fonds structurels. Ceux-là permettent ainsi au
droit communautaire de trouver sa propre légitimité
interventionniste.
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