B- La programmation proprement dite
Il s'agit ici d'analyser plus en détail les programmes
opérationnels. Leur mise en oeuvre relève d'ailleurs de la
responsabilité de l'Etat. Le programme opérationnel doit assurer
la compatibilité du droit communautaire avec le droit interne, et
notamment les règles de la concurrence, de la mise en concurrence comme
pour les marchés publics. Le programme n'est pas une simple
transposition des priorités du droit communautaire. C'est d'ailleurs une
nouveauté de la programmation de 2006, qui vise à simplifier
l'ensemble de la programmation, puisque c'est un document désormais
unique. Selon l'article 32, un programme opérationnel ne peut concerner
qu'un des trois objectifs, et couvre l'entière période de
programmation. Le principe est qu'un fond finance un programme. Ils sont
spécialisés dans leur mise en oeuvre. Toutefois, l'article 34
précise que « pour autant qu'elles soient nécessaires
au bon déroulement de l'opération et qu'elles aient un lien
direct avec celle-ci », le FEDER ou le FSE peuvent financer à
hauteur de 10% les actions d'un autre axe prioritaire d'un programme
opérationnel. Selon l'article 2 du même règlement, et qui
définie l'axe prioritaire, celui-ci est «une des priorités
de la stratégie retenue dans un programme opérationnel consistant
en un groupe d'opérations liées entre elles et ayant des
objectifs spécifiques mesurables». Du reste, selon l'article 54,
« La contribution des Fonds pour chaque axe prioritaire ne peut
être inférieure à 20 % des dépenses publiques
éligibles ».
Par le cadre de référence stratégique
national, le programme opérationnel est transmis à la Commission,
qui va étudier sa conformité avec les orientations
stratégiques et les objectifs assignés aux fonds structurels. Si
ce n'est pas le cas, il est renvoyé à l'Etat membre dans les deux
mois après sa réception, qui doit soit préciser les
informations qui y sont contenus, soit modifier le programme. C'est à la
Commission qu'il revient d'adopter les programmes opérationnels, dans
les quatre mois après sa transmission par l'Etat membre. En tout et pour
tout, le programme peut donc être adopté près d'un an
après la mise en place des orientations stratégiques. Le
programme peut être révisé par la Commission, à
l'initiative de celle-ci ou de l'Etat, notamment après des changements
économiques importants, un changement des priorités ou encore
après des difficultés de mise en oeuvre. Dès lors, cela
signifie que la Commission ne se contente pas d'adopter le programme, elle peut
aussi en modifier le contenu en cours d'exécution, même s'il faut
alors l'accord de l'Etat. A ce sujet, la CJCE, dans un arrêt du
1er décembre 2005, Italie contre Commission, déclare
irrecevable un recours formé contre un acte de la Commission, qui avait
envoyé des notes sur les compléments de programmation lors d'une
procédure de modification de cette programmation. La Cour précise
que la Commission a alors un simple rôle consultatif, qui ne
créé pas des actes contraignant juridiquement, sauf si les
modifications portent sur les éléments contenus dans la
décision de participation des fonds structurels.
Les programmes opérationnels voient leur contenu
précisé par l'article 37. Pour les objectifs de convergence et de
compétitivité, huit types d'informations doivent y être
inclus : une analyse de la situation de la zone, une justification des
priorités retenues, des informations sur les axes prioritaires et leurs
objectifs spécifiques qui prennent en compte le principe de
proportionnalité, une ventilation indicative quant à
l'utilisation des fonds, ainsi qu'un plan de financement à la fois
annuel et global, pour le programme opérationnel et les axes
prioritaires. De même, le programme doit comporter les compléments
du Feader et du Fep le cas échéant, ainsi que la liste des grands
projets, dont le coût est supérieur à 25 millions d'euros
pour l'environnement et 50 millions pour les autres. Enfin, et peut être
le plus important, le programme opérationnel doit définir
« les dispositions de mise en oeuvre du programme
opérationnel ». Au sein de cette mise en oeuvre, le
règlement rappelle les principes de transparence financière et de
publicité que doivent respecter les Etats. L'article 69 précise
que « cette information est destinée aux citoyens de l'Union
européenne et aux bénéficiaires dans le but de mettre en
valeur le rôle de la Communauté et d'assurer la transparence quant
à l'intervention des Fonds ». Transparence qui est
nécessaire, puisque la Cour des Comptes européenne, dans son
rapport annuel de 2006, relève un taux d'erreur de 12% dans
l'exécution des fonds structurels. Il faut éviter que les
bénéficiaires puissent surestimer les fonds dont ils ont besoin.
Cette transparence se retrouve pour les bénéficiaires des aides,
mais aussi pour les citoyens, puisque les bénéficiaires doivent
montrer s'ils sont concernés par les aides communautaires. A ce sujet,
le règlement de la Commission n°1828/2006 montre que l'exigence de
publicité est loin d'être négligée par les
institutions communautaires, l'article 9 allant jusqu'à inclure dans
« toutes les actions d'information et de publicité à
destination des bénéficiaires, des bénéficiaires
potentiels et du public (...) une mention, choisie par l'autorité de
gestion, soulignant la valeur ajoutée apportée par l'intervention
de la Communauté, et de préférence: "Investit dans votre
avenir" »...
Pour chaque programme opérationnel, l'Etat va
désigner une autorité de gestion, de certification et d'audit.
Nous analyserons plus en détail ces autorités dans la partie
suivante. D'ores et déjà, c'est une certaine manifestation d'une
liberté de choix accordée aux Etats membres de la part des
institutions communautaires. Toutefois, cette liberté de choix est un
tant soit peu contrariée par une contrainte géographique
imposée par le règlement général, à
l'article 35. Pour l'objectif de convergence, il faut que les programmes soient
établis au moins au niveau NUTS2, à un « niveau
approprié ». Notons que c'est, in fine, la Commission qui va
trancher quant à savoir ce que le caractère
« approprié » signifie. Si le fonds de
cohésion entre en jeu, le niveau est alors obligatoirement national.
Pour l'objectif de compétitivité, le niveau est national pour le
FEDER et « approprié » pour le FSE. Toute la
question est de savoir si ce niveau « approprié »
est, en France du moins, le niveau régional ou départemental.
Tout laisse penser que ce dernier en est exclu. En réalité, il
s'agit un peu d' « un marché de dupes »,
puisque la Commission ne l'interdit pas, mais ne l'encourage pas non plus. Un
programme peut regrouper plusieurs régions, ou ne concerner qu'une
seule.
Pour l'objectif de coopération territoriale, le contenu du
programme opérationnel est déterminé par le
règlement du FEDER, à l'article 12. En plus des critères
des deux autres objectifs, il faut faire figurer la liste des zones
éligibles, y compris pour des zones dites de flexibilité,
où le FEDER associé à un programme peut financer une
partie d'un projet d'une zone jouxtant la zone du programme. Il faut cependant
un lien partenarial. La contrainte géographique est « par
frontière ou par groupe de frontières dans un groupement
approprié
au niveau NUTS 3, y compris les zones
enclavées ».
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