2) L'obligation essentielle par la volonté des
parties
La théorie de l'autonomie de la volonté est
au coeur du droit français des contrats . Elle implique le concept du
consensualisme qui se manifeste par une extériorisation des intentions
des contractants posant la difficile question du type de volonté
devant être prise en compte.
Est-ce la volonté interne (ou réelle) ? ou la
volonté externe ( ou explicite)? Ce débat ayant fait couler
beaucoup d'encre est dépassé aujourd'hui. En effet, le droit
français demeure attaché au système de la volonté
interne car l'accord au contrat ne prend une entière valeur juridique
que dans la mesure où son expression correspond aux
représentations intellectuelles de son auteur. Mais la volonté
réelle ou interne peut être exprimée soit de façon
implicite soit de façon explicite. La détermination de
l'obligation essentielle par la volonté des parties n'ignore pas cette
démarche. Autrement dit, les parties peuvent déterminer
l'obligation essentielle soit par leur volonté explicite soit par leur
volonté implicite.
La volonté explicite est la
volonté déclarée, elle doit correspondre à la
volonté réelle. Les parties n'ont pas besoin de qualifier telle
ou telle obligation d'essentielle car « l'on considérera comme
essentielle toute stipulation qui met en exergue l'élément tenu
pour essentiel, en particulier lorsque cet élément justifie
expressément un supplément de prix ». Les parties
peuvent désigner cet élément comme essentiel d'un commun
accord. Mais rien n'empêche à une seule d'entre elles de
désigner solo consensus l'obligation
essentielle, sous réserve de la porter à la connaissance de
l'autre partie. Dans la pratique, les parties désignent l'obligation
essentielle au moyen d'une clause. Cette dernière, peut servir soit
à mettre en exergue l'obligation tenue pour essentielle, par exemple
suggérer un supplément de prix (comme l'a dit M. JESTAZ)soit
renforcer une obligation déjà contenue dans le contrat . Ce fut
le cas de la clause de célérité, contenue dans le contrat
de transport donnant lieu à l'arrêt Chronopost . Dans cette
affaire le contrat conclu avait généré à la charge
de la société Chronopost une obligation de
célérité qui constituait la cause de l'engagement de la
société expéditrice. Et cette obligation se justifiait
par le paiement d'un prix à la charge de celle-ci. En l'espèce,
le prix était plusieurs fois supérieur au prix d'envoi normal
d'un courrier.
Ainsi, nous pouvons retenir que dès que les parties
prennent une clause pour préciser ou pour mettre l'accent sur une
obligation (même secondaire) du contrat, celle ci sera
considérée comme essentielle ou principale. Cette affirmation se
confirme aussi dans l'arrêt du 2 décembre1998 où les juges
relèvent, à propos de l'obligation de prévenance, que
dès qu'elle « avait été stipulée par une
clause expresse, de sorte qu'elle en constituait une des conditions
substantielles ».
Les parties peuvent également désigner
l'obligation essentielle par leur volonté
implicite. Dans ce cas, l'obligation essentielle se
déduit de ce que les parties ont voulu lors de la conclusion du contrat
. Le juge va chercher ce qui était implicitement prévu dans le
contrat. Pour ce faire, il se réfère aux circonstances ou
même au tarif, au prix même si celui-ci n'est pas enfermé
dans une clause particulière.
Comment distinguer l'obligation essentielle par nature et
l'obligation essentielle par la volonté des parties ?
Cette tâche est très délicate. Mais il
est sûr qu'en présence d'une obligation essentielle par nature,
les parties n'ont pas besoin de désigner quoi que ce soit ; tout se
passe comme si elles avaient désigné implicitement cette
obligation à moins qu'elles ne veuillent ériger une autre
obligation (obligation accessoire par exemple) en obligation essentielle.
Qu'elle soit désignée de façon implicite
ou explicite, le juge s'attache à la volonté réelle des
parties pour établir l'obligation essentielle.
Les modes de désignation de l'obligation essentielle
étant exposés, il convient de les analyser afin de voir les
rapports qu'ils entretiennent entre eux.
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