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L'Obligation Essentielle dans le contrat

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par Alima Sanogo
Université de Bourgogne - Master II Recherche Droit des Marchés,des Affaires et de l'Economie 2005
  

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CHAPITRE II : SANCTIONS DE L'OBLIGATION ESSENTIELLE

L'obligation essentielle est l'obligation qui centre le contrat. C'est le coeur du contrat, l'obligation la plus importante dans le contrat. Il est donc logique que sa violation, plus que la violation de toute autre obligation, implique des sanctions.

Toutefois, il fut une époque où la Cour de cassation assimilait ipso facto, la violation de l'obligation essentielle à la faute lourde, sans doute à cause de la grande importance que les hauts magistrats accordent à la notion.

Donc cette partie va nous imposer tout d'abord de nous reporter sur le concept de faute lourde synonyme de violation d'obligation essentielle (Section I). Et ensuite nous verrons les conséquences de cette violation (Section II).

SECTION I : LA VIOLATION DE L'OBLIGATION ESSENTIELLE ASSIMILEE A LA FAUTE A LOURDE

Depuis très longtemps, la Cour de cassation qualifie la violation de l'obligation essentielle de faute lourde. Pour comprendre le sens de cette démarche de la haute juridiction, la meilleure façon que nous ayons est de détailler la notion de faute lourde d'une part, et d'autre part , de voir si ladite démarche résiste à l'évolution sans cesse fulgurante du droit des contrats ; qui se meut inévitablement vers une notion autonome d'obligation essentielle. Ainsi, la notion de faute lourde exposée (paragraphe I), nous verrons dans une analyse nécessaire si cette notion continue d'exprimer la violation de l'obligation essentielle (paragraphe II)

PARAGRAPHE I : LA NOTION DE FAUTE LOURDE

La faute délictuelle est définie par l'article 1382 du Code civil : « Tout fait quelconque de l'homme qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer ».

La faute est donc la défaillance de l'homme qui n'accomplit pas son devoir. La faute est une notion difficile à définir, même si la Cour de cassation a fait d'elle une notion de droit dont elle assure le contrôle.

La doctrine la définit très généralement à partir d'un critère général, critère fondé soit sur une obligation préexistante, soit sur un acte illicite. C'est Planiol qui a parlé d'obligation préexistante dans sa définition de la faute : « la faute est la violation d'une obligation préexistante ». Cette définition n'est pas claire d'autant plus qu'elle ne définit pas les devoirs préexistants. Le terme acte illicite se retrouve dans la conception de la faute en Allemagne et même en Suisse .Le droit Suisse dispose que « Celui qui cause , d'une manière illicite, un dommage à autrui, soit intentionnellement, soit par négligence ou imprudence, est tenue de le réparer » . Pour ces droits, la condition de la faute est l'illicéité ; cela prête à discussion car l'illicéité ne tient compte que de l'aspect objectif de la faute. Habituellement, la faute est considérée comme un acte blâmable, qui a une signification morale, et qui implique un jugement de valeur. Mais l'inexécution où la mauvaise exécution du contrat constitue aussi une faute. Elle conduit à la responsabilité contractuelle prévue par l'article 1147 du Code civil. Le fondement de cette responsabilité a longtemps divisé la doctrine. Certains auteurs affirmaient l'autonomie du droit des contrats et dissociaient la responsabilité contractuelle de la responsabilité délictuelle. Ils prétendaient que le Code civil n'envisagerait que l'allocation de dommages et intérêts sans mentionner le terme responsabilité.

Peut-on de nos jours souscrire à cette autonomie ? Ou alors doit-on rattacher la responsabilité contractuelle à la responsabilité délictuelle dans un ensemble unique de responsabilité civile?

Quand la responsabilité était liée à la faute, la distinction se justifiait ,mais depuis que la responsabilité a perdu sa connotation morale, c'est à dire dès qu'elle a acquis un une dimension sociale de solidarité avec les régimes d'indemnisation automatique,l'autonomie de la responsabilité contractuelle ne se justifie que difficilement. La question demeure débattue, mais nous, nous considérons ici que la responsabilité contractuelle n'est qu'une variante de la responsabilité civile; cela se confirme d'autant plus que les trois exigences d'un dommage, d'un fait dommageable et d'un lien de causalité de la responsabilité délictuelle se retrouvent dans la responsabilité contractuelle aussi

Il existe une hiérarchie des fautes; c'est la classification des fautes selon leur gravité. Selon cette hiérarchie, on trouve : la faute légère, la faute grave et surtout la faute lourde. Cette dernière ne suppose pas l'intention de nuire comme la faute intentionnelle ou dolosive, mais elle implique une gravité singulière soit en elle-même, soit par l'importance de l'écart de conduite qu'elle engendre. C'est un acte très grave, une négligence grossière que l'homme le moins averti ne commettrait pas soit en raison de la gravité de ses conséquences prévisibles par le responsable.

En principe, la faute lourde n'a pas de conséquences particulières en matière de responsabilité contractuelle ou délictuelle. Mais la jurisprudence applique très souvent l'adage : «Culpa lata dolo aequiperatur » à savoir que la faute lourde est équivalente à la faute dolosive. Cet amalgame a de très graves conséquences car elle sert à aggraver la responsabilité du fautif tout en le privant du bénéfice de l'article 1150 du Code civil .Pourquoi une telle assimilation ? Tout est une question de preuve ! La faute dolosive est très difficile à prouver, la

preuve de l'intention de réaliser le dommage est une « diabolica probatio », c'est une preuve impossible. Puisque la preuve de la faute lourde ne nécessite pas d'investigations impossibles car elle est non intentionnelle et le seul constat de la non- exécution de l'obligation du débiteur suffit à la caractériser, il a paru plus simple de la faire passer pour la faute dolosive. C'est pourquoi on lui attache les mêmes conséquences qu'à la faute dolosive.

Il y a deux conceptions de la faute lourde :

-La conception subjective ; qui fait déduire la faute lourde de l'attitude du débiteur. Le comportement de ce dernier est apprécié eu égard à la notion de bonne foi de l'article 1134 al 3 du Code civil. Cette conception subjective de la faute lourde est défendue par Rodière qui disait que : « la loi veut de façon impérative que les contrats soient exécutés de bonne foi. S'il y a dol et la faute lourde le présume, le débiteur est de mauvaise foi et aucune clause ne peut l'abriter ». La faute lourde subjective s'appuie ainsi sur la notion de bonne foi, qui irradie tout le processus contractuel : à la formation (et même au cours des négociations) à l'exécution, et à l'extinction (la résolution judiciaire et surtout la résolution unilatérale du contrat). La bonne foi est vue comme une règle de conduite comportementale, qui impose au contractant loyauté et honnêteté ; Ainsi, celui ne doit avoir aucune intention malveillante dans l'exécution du contrat. Chaque fois que le juge applique la notion, il essaie insuffler une sorte d'éthique ou de civisme dans le contrat, afin d'éviter que la sphère contractuelle soit une jungle où règnerait la raison du plus fort. Malgré ce noble rôle qu'elle est supposée jouer, la notion de bonne foi n'est pas bien reçue en doctrine. Pour les auteurs classiques, le contrat est avant tout un accord entre les intérêts antagonistes qui tire sa force de sa fonction de prévisibilité et de sa vertu de stabilité. Pour ces auteurs, la bonne foi doit avoir un rôle limité dans le processus contractuel car elle constitue une arme fatale contre la sécurité juridique et la stabilité du contrat. C'est une notion qui modifie l'économie du contrat en ce sens qu'elle permet au juge de substituer son sentiment de justice par les stipulations librement créées par les parties. Mais pour les auteurs de l'école sociale ou morale, le contrat est une oeuvre de coopération mutuelle, le rôle de la bonne foi est beaucoup plus important.

- La conception objective de la faute lourde ; ici la faute résulte non d'un quelconque comportement mais de la valeur et de l'importance de l'obligation violée. C'est cette dernière conception qui se trouve à la base de l'assimilation de la violation de l'obligation essentielle à la faute lourde. La conception objective de la faute lourde fut retenue dans plusieurs décisions. Entre autres on peut citer l'affaire Loto (précitée) où la Cour de cassation à la suite des juges du fond qui avaient étés influencés par l'ampleur du dommage subi, déclara que «La faute commise (par les employés de Loto), privant le joueur de sa participation au jeu et lui ôtant toute chance , fait disparaître « un élément substantiel » du contrat et ne saurait donc être couverte par une clause d'irresponsabilité » (en l'espèce, la clause limitative de responsabilité engendrant le litige portait sur une somme tellement dérisoire qu'elle a été considérée purement et simplement comme une clause de non responsabilité).

Ainsi chaque fois que dans un contrat il y avait une clause limitative de responsabilité, et dans le cas où cette clause empiétait sur l'obligation essentielle, la Cour de cassation annulait ladite clause au seul nom de la faute lourde. Cela était une jurisprudence assise depuis l'assimilation de la faute lourde au dol. Mais cette jurisprudence connaît de nos jours des changements.

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