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L'Obligation Essentielle dans le contrat

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par Alima Sanogo
Université de Bourgogne - Master II Recherche Droit des Marchés,des Affaires et de l'Economie 2005
  

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PARAGRAPHE II : L'ABANDON DE LA NOTION DE FAUTE LOURDE EN MATIERE D'OBLIGATION ESSENTIELLE DU CONTRAT?

Depuis 1996, la Cour de cassation a tendance à ne plus évoquer la faute lourde au sujet de l'obligation essentielle. Désormais, une clause limitative violant la portée de l'obligation essentielle n'est pas nulle sur la base de la faute lourde mais sur celle de l'atteinte à la cause du contrat. Ce revirement spectaculaire résulte de l'arrêt Chronopost ; dans lequel la haute juridiction s'est fondée explicitement, sans équivoque, sur l'article 1131 du Code civil pour casser l'arrêt de la cour d'appel au détriment de l'article 1150 du Code civil qui, en l'espèce convenait très bien (à cause du manquement grave de Chronopost à son obligation de livrer à temps). Mais pour quoi un tel revirement ?

Pourquoi la haute juridiction ne s'en est-elle pas tenue à son fondement classique à savoir la faute lourde ou tout simplement requalifier la clause litigieuse en vertu de l'article1152 al2 ?

La première réponse qui nous vient en tête et qui est des plus banales, c'est que par ce changement, la Cour de cassation a entendu se débarrasser d'une notion devenue peut être usée à son goût.

Le recours à la faute lourde n'était nécessaire que dans le cas où elle permettait au débiteur défaillant de réparer l'intégralité du dommage résultant de sa faute. Dans ce cas, seule la conduite du débiteur était sanctionnée et non la clause afférente à la responsabilité dans son environnement, qui en l'espèce était le but visé. Alors qu'avec la notion de cause, les hauts magistrats faisaient d'une pierre deux coups : non seulement la conduite fautive du débiteur était réprimée, mais aussi la clause elle même dès qu'elle privait l'obligation essentielle de son effet (elle est réputée non écrite). Ce raisonnement revient à remettre la faute lourde au « seul profit salvateur » de la cause du contrat. Cela nous paraît fort regrettable.

Un auteur, G. Loiseau nous rassure en répondant que la faute lourde et la cause du contrat, « en réalité se complètent et assurent ensemble un service efficace de retranchement des clauses exclusive ou limitatives de responsabilité ».Ce point de vue implique que la jurisprudence Chronopost ou Securinfor n'est totalement acquise et qu'il ne faudrait pas être surpris si dans une autre affaire similaire à celles-ci la haute juridiction se servait encore de la faute lourde pour lutter contre les clauses afférentes à la responsabilité injustes. C'est d'ailleurs ce qu'elle fit dans le dernier arrêt Chronopost en date. En effet dans la décision Chronopost 3, la Chambre mixte revient à la solution de la Chambre commerciale (Chronopost 2). Elle renoue avec la faute en précisant qu'une « clause limitant le montant de la réparation est réputée non écrite en cas de manquement du transporteur à une obligation essentielle du contrat » et que «seule une faute lourde peut mettre en échec la limitation d'indemnité prévue au contrat type» Mais à la différence de la Chambre commerciale, la Chambre mixte ajoute que la faute lourde ne peut «résulter du seul retard à la livraison «.

La dernière décision Chronopost laisse croire que la Cour de cassation n'entend pas se débarrasser totalement de la notion de faute à propos de l'obligation essentielle. Bien au contraire! la faute lourde est présente plus que jamais dans ce domaine car elle fait échec non seulement à l'indemnisation instituée par le contrat type mais aussi à l'indemnisation prévue par la loi elle même. Dans cette décision, la Cour de cassation utilise la conception subjective de la faute mais de façon plus étroite, car elle précise que «la faute lourde ne peut résulter du seul retard à la livraison»; ni «du seul fait pour le transporteur de ne pouvoir fournir d'éclaircissements sur la cause du retard». Cela sous-entend que la violation d'une obligation ne constitue pas en tant que telle une faute lourde, mais une faute ordinaire. En décidant que «la faute lourde ne peut résulter du seul retard à la livraison», la rapidité de la livraison étant considérée comme l'obligation essentielle de Chronopost, la Cour de cassation laisse entendre que même la violation d'une obligation essentielle n'implique plus ipso facto une faute lourde. Dans ce cas, il incombe à la personne qui invoque cette faute à la prouver. Cette preuve n'est pas n'importe laquelle car elle doit porter sur un fait précis permettant de caractériser une telle faute . De plus cette solution est nouvelle car jadis la jurisprudence a reconnu l'existence de la faute lourde en cas de retard de livraison d'un colis, notant qu'il est du au manquement de diligence du transporteur pour le retrouver. De même, la faute lourde d'un transporteur a été retenue pour trois retards en deux semaines .Il en fut de même en cas de carence d'un commissionnaire de transport qui, sachant le transport interrompu, n'en avise pas son client et ne prend aucune disposition pour limiter le retard. Ou encore dans le cas où un commissionnaire de transport ne suit pas l'expéditeur et commence à s'inquiéter de sa bonne arrivée à destination au bout de plusieurs semaines. Dans toutes ces décisions, « le simple retard» a suffit à entraîner la faute lourde.

Nous ne saurons expliquer le pourquoi d'un tel revirement, mais nous constatons qu'il n'est pas sans conséquences. L'inexécution ne suffit plus à qualifier la faute lourde et le fait pour le transporteur de ne pas pouvoir donner d'éclaircissements sur les causes et les circonstances du manquement contractuel ne l'établit plus non plus. Avec cette nouvelle solution, on assiste à l'instauration d'un vrai régime de faveur autour du transporteur. Cela est tellement évident qu'on se demande si l'obligation pesant sur lui demeure encore une obligation de résultat.

La décision Chronopost 3 semble confirmer la qualification de» bavure juridique» que certains auteurs ont retenu à la décision Chronopost 2. Pire on pourrait convenir d'autres qualificatifs comme « Affaire Chronopost un coup pour rien ?», ou encore beaucoup « Affaire Chronopost beaucoup de bruit pour rien »! Mais, nous, n'allons pas nous hasarder à de telles critiques ; nous espérons tout simplement que le recours à la notion de cause à l'aune de l'obligation essentielle ne s'arrêtera pas aux seuls arrêts Chronopost 2 et Securinfor. Il faut reconnaître que dans les contrats d'adhésion comme le contrat de transport rapide l'équilibre contractuel doit être le but suprême du juge. Pour parvenir à cet équilibre le juge doit avoir le choix entre la cause ou la faute lourde qui sont toutes deux des techniques appropriées.

Nous retenons ainsi avec M. Loiseau que : « moins rivales que complices, la cause et la faute lourde peuvent utilement se relayer et oeuvrer chacune à sa façon à la remise en cause des clauses limitatives ou exclusives de réparation stipulées dans les contrats conclus entre professionnels » De plus toutes les techniques sont précieuses pour assainir la charte contractuelle des clauses qui la corrompent.

La question de la faute lourde demeure donc d'actualité, mais elle n'est pas la seule sanction de la violation de l'obligation essentielle.

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"Il faudrait pour le bonheur des états que les philosophes fussent roi ou que les rois fussent philosophes"   Platon