PARAGRAPHE II : EN DROIT COMMUNAUTAIRE
Le droit européen ne connaît pas à vrai
dire la notion d'obligation essentielle. Pour faire référence
à cette notion, il utilise le terme d'inexécution essentielle.
Ces deux notions ne recouvrent pas la même réalité. S'il
est sûr que l'inexécution d'une obligation essentielle
correspond toujours à une inexécution totale ou essentielle du
contrat, l'inexécution essentielle du contrat ne correspond pas
toujours à la violation d'une obligation essentielle. Celle-ci peut
résulter d'une série de violations d'obligations accessoires.
Selon les principes européens du droit des contrats,
l'inexécution d'une obligation est essentielle si :
a) la stricte observation de l'obligation est de l'essence du
contrat;
b) l'inexécution prive substantiellement le
créancier de ce qu'il était en droit d'attendre du contrat de
telle sorte que le créancier n'ait plus d'intérêt à
l'exécution du contrat ;
c) ou l'inexécution est intentionnelle et donne
à croire au créancier qu'il ne peut pas compter dans l'avenir
sur une exécution par l'autre partie.
Cela implique que seule une inexécution essentielle
peut conduire à la résolution du contrat et que cette
résolution n'a pas à être prononcée par le juge.
C'est le créancier qui constate l'inexécution du débiteur
et considère le contrat comme résolu. Il est sûr que le
juge a tout de même une appréciation de la résolution mais
a posteriori. Cela marque une différence avec le système
français dans lequel la résolution est toujours judiciaire et
l'intervention du juge toujours antérieure sauf dans le cas de la
résolution unilatérale .
La notion d'inexécution essentielle ainsi
présentée équivaut à l'inexécution
substantielle en droit danois. C'est ce que prévoit les paragraphes
21-28 et 43 de la loi danoise sur la vente. Mais cette loi ne définit
pas comme elle aurait dû le faire la notion d'inexécution
substantielle.
Le droit anglais connaît aussi la notion
d'inexécution essentielle. Cette dernière s'apparente en droit
anglais à la « fundamental non performance »
(l'inexécution substantielle) qui diffère de la «
fundamental breach » qui se définie comme la violation des
éléments essentiels du contrat. Le concept d'inexécution
essentielle se retrouve également dans le système juridique de
beaucoup d'autres pays comme l'Italieet les Pays-Bas. Dans ces pays on
n'utilise pas le terme « inexécution essentielle », mais pour
qu'une inexécution emporte résolution, elle doit être
importante .
En droit international, la convention sur la vente
internationale de marchandise dans son article 25 dispose qu'une contravention
au contrat « est essentielle lorsqu'elle cause à l'autre
partie un préjudice tel qu'elle la prive substantiellement de ce que
celle-ci était en droit d'attendre du contrat, à moins que la
partie en défaut n'ait pas prévu un tel résultat et
qu'une personne raisonnable de même, placée dans la même
situation, ne l'aurait pas prévue non plus ».
Toujours en droit international, on retrouve la même
notion notamment dans le droit international de construction où l'on
parle de « violation substantielle du contrat ». Dans le contrat
international de construction, il est dit « qu'en l'absence de
stipulation expresse, le maître de l'ouvrage a, dans tous les
systèmes juridiques, le droit de dénoncer le contrat si
l'entrepreneur viole une obligation substantielle ».Mais il
paraît loisible aux parties de préciser expressément ce
qu'elles considèrent comme essentiel.
De même en droit américain, la notion
d'inexécution essentielle recouvre un certain intérêt. En
effet, ce droit connaît un mécanisme particulier dans sa
résolution du contrat pour inexécution. Ainsi une partie ne peut
se prévaloir de l'inexécution par l'autre que si elle peut
justifier elle même d'une exécution substantielle « la
substancial performance ». Ici, au lieu que ce soit
l'inexécution qui soit substantielle, ce caractère est au
contraire requis à propos pour l'exécution. Cela implique qu'une
inexécution peut de façon flagrante être substantielle
sans emporter la violation du contrat.
En droit américain, la « substancial performance
» s'oppose à la « matériel breach »
(rupture substantielle) et une rupture est qualifiée de
substantielle quand l'inexécution totale atteint l'objet du contrat ou
quand cette inexécution est partielle mais suffisamment grave car elle
s'étend sur un élément essentiel du contrat. Il importe
peu qu'il y ait faute du débiteur ; le juge a un rôle capital a
jouer.
En somme la résolution pour inexécution du
contrat en droit américain ressemble à l'exceptio non
adiplenti contractus ou l'exception d'inexécution en droit
français, du moins à des différences près .
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