PARAGRAPHE II : L'INFLUENCE DE L'OBLIGATION ESSENTIELLE SUR
LA VALIDITE DES CLAUSES AFFERENTES A LA RESPONSABILITE CONTRACTUELLE
A) L'OBLIGATION ESSENTIELLE : LIMITE A LA VALIDITE DES
CLAUSES AFFERENTES A LA RESPONSABILITE EN DROIT FRANCAIS
Si en vertu de la liberté contractuelle les parties ont
la faculté d'alléger les obligations résultant de leur
convention, cette faculté est restreinte notamment par la notion
d'obligation essentielle. Ainsi, les clauses délimitant les obligations
contractuelles ne peuvent pas porter sur toutes les obligations contenues dans
le contrat. Si les parties peuvent faire ou défaire les obligations
accessoires; leur moyen d'action en ce qui concerne les obligations
essentielles est limité. Elles peuvent y porter certes des
allègements mais jusqu'à un certain seuil seulement. Si le
débiteur d'une obligation essentielle ne peut esquiver son
exécution par le jeu des clauses de non obligation, il peut par contre
réduire cette obligation à son expression la plus simple. Ainsi
la clause portant sur l'obligation essentielle doit laisser un sens et une
utilité au contrat. Elle n'est donc efficace ou valable que si elle
n'attente pas à l'équilibre économique de la convention.
Si c'est le cas, la convention manquerait par là même de cause et
serait du coup inutile. Par exemple un bailleur qui ne s'engage pas à
assurer la jouissance de la chose louée ne s'engage à rien et du
coup l'obligation réciproque du locataire (payer le loyer ) sera
dépourvue de cause. Même disposant comme elles veulent de
l'obligation accessoire, les parties dès qu'elles «
essentialisent » celle-ci; elles ne pourront plus la modeler ni lui
porter des atteintes que si celles-ci sont de nature à ne pas la vider
de son essence.
Depuis 1863, il est établi qu' « un contrat ne
peut légalement exister s'il ne renferme pas les obligations qui sont de
son essence ». Si une clause de non obligation porte atteinte
à une obligation essentielle du contrat, soit celui-ci sera
qualifié (car la dénomination d'un contrat relève souvent
de l'essence qu'il renferme) soit il sera atteint de nullité partielle,
ce qui consolide le droit du créancier. Dans la pratique, la clause
portant atteinte à l'obligation essentielle n'est pas nulle elle est
seulement réputée non écrite c'est-à-dire
censée n'avoir jamais existée. Cette solution à laquelle
nous reviendrons plus amplement (dans la partie sur la sanction de l'obligation
essentielle ) se comprend aisément quand on passe en revue les ambitions
du juge pour le contrat. Très certainement cette solution découle
de la volonté du juge de recourir le moins possible à la
nullité. Mais ladite solution peut paraître ambiguë quant on
sait que l'obligation essentielle est l'essence du contrat dont toute violation
doit entraîner logiquement la destruction du contrat. Dans tous les
cas, c'est une solution qui confirme que le contrat ne demeure pas totalement
la chose des parties. Ce même raisonnement vaut pour les clauses
limitatives ou exonératoires de responsabilité. Dans le cas
où elles portent sur une obligation essentielle; elles sont purement et
simplement écartées. Pour ce faire, le créancier n'aura
qu'à prouver uniquement l'inexécution de l'obligation
indépendamment de toute faute lourde. Celui-ci à son tour ne
pourra s'exonérer qu'en démontrant la force majeure ou la cause
étrangère. Très souvent, la clause limitative ou
exonératoire de responsabilité violant l'obligation essentielle
n'est pas nulle, elle est tout simplement réputée non
écrite tout comme la clause délimitant l'obligation. C'est
d'ailleurs ce que consacre l'arrêt Chronopost1 en ces termes : «
... la clause violant la portée de l'obligation essentielle est
réputée non écrite... ».
Ainsi il apparaît clairement qu'en droit
français, l'obligation essentielle constitue la limite des clauses
afférentes à la responsabilité. Quid droit
comparé?
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