2° intérêts de la distinction
Les clauses afférentes à la
responsabilité sont différentes par nature. Cette
différence de nature commande une différence de régime
juridique. Et c'est là que réside tout l'intérêt de
la distinction de ces clauses. Toutefois, la différence de régime
juridique n'empêche pas que ces clauses soulèvent les mêmes
difficultés juridiques résolues par les mêmes concepts de
droit (la cause, l'objet, le consentement).
Les clauses limitatives ou exonératoires de
responsabilité ont un régime connu. Ces conventions sont
enfermées dans d'étroites limites. Le plus souvent elles sont
nulles car on les considère comme incitant le débiteur à
l'irresponsabilité. Par ailleurs leur nullité peut s'expliquer
par des considérations morales. En effet, il paraît illogique
voire malhonnête de la part d'un débiteur d'assurer une obligation
tout en se déclarant irresponsable de sa violation. De plus, l'autonomie
de la volonté qui procure à ces clauses leur force obligatoire
n'est pas illimitée: la liberté contractuelle comme toute autre
liberté est limitée quelque part.
Cependant les clauses exonératoires de
responsabilité ont un principe de validité, c'est-à-dire
qu'elles sont valables sauf prohibition expresse. Dans ce contexte, elles
s'imposent aux parties comme au juge. Cela n'empêche pas non plus au
législateur d'intervenir dans leur domaine. Celui-ci intervient par
rapport à ces clauses dans quatre types de contrats : les contrats de
transport, de vente , de bail et de travail).
Dans le contrat de transport, la validité de ces
clauses dépend du type de contrat de transport considéré
(le contrat de transport aérien; maritime, ferroviaire, routier, interne
ou international). En outre, ces clauses ne sont valables que si elles sont
acceptées par les parties. Cette condition fut établie par la
Cour de cassation depuis 1967 en ces termes : « La clause de non
responsabilité doit avoir été voulue par les parties et
dans les conditions ordinaires de la formation des conventions ; ainsi, il
appartenait à l'aéro-club et à son assureur de rapporter
la preuve de l'accord des parties dont ils se prévalaient
».
Dans le contrat de transport terrestre de marchandises, la Loi
Rabier du 17 mars 1905, soit l'article L133-1 du code de commerce, interdit ces
clauses. Mais, il arrive que les tribunaux les reçoivent
exceptionnellement. Dans le contrat de transport maritime de marchandises et
de personnes, la loi du 18 juin 1968 dans ses articles 29et 30, écarte
les clauses exonératoires de responsabilité. Il en est de
même pour le contrat de transport aérien de marchandises ou de
personnes où les articles L321-3 et L322-3 du Code de l'aviation civile
écartent ces clauses.
Les clauses limitatives de responsabilité restent
valables dans ces mêmes domaines. Dans un arrêt de principe., la
Cour de cassation a relevé que : « La clause litigieuse a pour
effet non de supprimer la responsabilité de la compagnie mais de
réduire l'indemnité en compensation de la diminution du prix du
transport résultant de l'application du tarif spécial.
»
Cependant dans le domaine des dommages causés par
les produits défectueux ou des dommages causés aux personnes,
aucune clause limitative et exonératoires de responsabilité n'est
reçue . Dans le premier cas, l'article 1386 du Code civil est plus
qu'explicite: « Les clauses qui visent à écarter ou
à limiter la responsabilité du fait des produits
défectueux sont interdites et réputées non
écrites ». Dans le second cas, c'est-à-dire des
dommages causés aux personnes, la doctrine prônant le
caractère sacré de l'intégrité de la personne
humaine et le droit à la sécurité met en garde contre
toute transaction. Mais, il faut reconnaître qu'aucun texte juridique ne
semble à priori s'opposer aux conventions relatives aux conditions de
la réparation du dommage corporel faisant suite à
l'inexécution d'une obligation contractuelle. En tout cas, la
jurisprudence actuelle n'a jamais formulé de condamnation
générale dans ce sens du moins à notre connaissance.
Si elles sont valables, les clauses limitatives ou
exonératoires de responsabilité sont efficaces en cas de faute
légère ou ordinaire du débiteur. Mais si le
créancier arrive à démontrer que le débiteur a
commis une faute lourde ou dolosive, l'exonération et la limitation ne
jouent plus. Ce principe résulte d'une jurisprudence constante depuis
1959 « seuls la faute lourde ou le dol de la partie qui invoque, pour
se soustraire à son obligation, une clause d'irresponsabilité
insérée au contrat ou acceptée par l'autre partie, peuvent
faire échec à l'application de ladite clause ». Cette
jurisprudence est confirmée par l'arrêt Chronopost que nous
venons de commenter.
Quant aux clauses relatives aux obligations, certains auteurs
comme M.Starck et même certaines décisions de justice soutiennent
que la faute lourde ou le dol laissent jouer ces genres de clauses; autrement
dit, « on ne commet ni dol ni faute lourde en n'exécutant pas
valablement une obligation non assumée : c'est là une
évidence ».
Pour terminer avec cette partie sur les intérêts
de la distinction des clauses afférentes à la
responsabilité, il faut juste relever que ces clauses coexistent avec
d'autres clauses telles que les clauses pénales qui prévoient une
indemnité forfaitaire en cas d'inexécution totale ou partielle
ou tardive du contrat; les clauses relative aux conditions de naissance et
d'extinction de la responsabilité qui ont pour but d'attacher un effet
exonératoire à des évènements qui d'ordinaire ne
sont pas de nature à exempter le débiteur d'une obligation de
résultat.
|