PARAGRAPHE I : LES DIFFERENTES SORTES DE CLAUSES
AFFERENTES A LA RESPONSABILITE.
Cette distinction a été mise en
évidence très clairement par M. DELEBECQUE dans sa thèse
précitée. De plus, la jurisprudence et la doctrine ont
érigé des critères justifiant plus ou moins ladite
distinction.(1) qui ne manque pas d'intérêts (2).
1° Les critères de la distinction
Les clauses relatives aux obligations diffèrent des
clauses limitatives ou exonératoires de responsabilité en ce sens
qu'elles « ont pour objet de déterminer les conditions de la
responsabilité ».Ici, le critère proposé est
l'objet de la clause. On pourrait imaginer dans ce cas que les clauses
limitatives n'ont pas pour objet la détermination de la
responsabilité. Mais pour certains auteurs, elles ont pour objet le
montant de la réparation.
Cette vision est un peu simpliste car elle ne donne pas un
vrai critère à la distinction. Un auteur, plus
précisément .M. Albarzangi précise que le critère
de la distinction de ces deux catégories de clauses «
réside dans la réponse à la question suivante : la clause
accorde t-elle au débiteur la faculté de s'abstenir
délibérément de l'exécution de l'obligation ou de
la diligence requise par le type de contrat, ou non ? En répondant par
la négative, on est en présence d'une clause d'exonération
de responsabilité. Sinon la clause écarte une obligation ou une
partie de la diligence comprise par le type de contrat, en d'autres termes,
elle concerne la détermination du contenu du contrat ; ou
l'étendue de l'obligation ».
Un autre auteur, AUBIN, abondait déjà dans ce
sens en 1897, au moyen de l'illustration suivante : « Primus
propriétaire de chevaux les confie à Secundus propriétaire
de prairies, qui accepte la surveillance; il accepte de nourrir les chevaux, de
placer un gardien, de rentrer les animaux le soir. S'il stipule une clause
d'exonération, il peut omettre volontairement de prendre certaines
mesures de protection, sans commettre de faute : il peut par exemple ne pas
placer de gardien, et s'il oublie une de ces précautions, auxquelles il
est tenu, la clause lui dispensera d'en répondre. Mais pour
qu'il y ait question d'étendue des obligations, il faut que la clause
apparaisse dans l'esprit des parties comme donnant à Secundus le droit
d'omettre telle ou telle mesure de précaution ».
Une seconde catégorie d'auteurs pensent que la
dénomination de la clause dépend de « la
volonté des parties », celles-ci ayant la volonté
présumée d'alléger les obligations. Pour A.Tunc on peut
« présumer, en règle générale, que les
parties ont tenu la responsabilité pour la conséquence normale de
l'obligation, et en déclarant rejeter la responsabilité, voulu
écarter l'obligation ».
Ces deux thèses, bien que pertinentes chacune à
sa façon, n'ont pas reçu l'adhésion totale de la doctrine.
On les reprochait d'être superficielles et de ne pas aller au fond de la
distinction. Cela nous conduit à une 3ème et dernière
thèse représentée par M.Niboyet et M. Starck. Celle ci se
base sur la notion même d'obligation. Ainsi, les prestations sont le
domaine des clauses relatives aux obligations, tandis que la manière
dont celles-ci doivent être exécutées constituent celui des
clauses d'irresponsabilité. Pour M. Starck « il faut pour
trouver le critère de la distinction des conventions exclusives
d'obligation et des conventions exclusives de responsabilité, distinguer
d'une part, l'objet de la promesse, d'autre part les facteurs susceptibles
d'entraver son exécution.... L'objet de la promesse, c'est la
prestation, c'est par exemple l'obligation de livrer une chose de tel genre ou
un corps certain, « prester » un service ; mais on doit se garder de
considérer la diligence du débiteur comme objet direct de la
promesse. Une fois l'objet déterminé, il faut demander quels sont
parmi les différents évènements propres à faire
échouer l'exécution de la promesse -fautes, force majeure... ce
que le débiteur prend à sa charge. Il faut en d'autres termes
s'interroger sur l'étendue de la garantie dont jouit le
créancier... Les conventions exclusives d'obligations intéressent
l'objet même de la promesse. Les conventions exclusives de
responsabilité visent l'étendue de la garantie. Elles ont pour
objet de déplacer les risques d'inexécution du contrat, de mettre
à la charge du créancier certains risques qui normalement
pèsent sur le débiteur ».
En somme, la distinction entre les clauses relatives aux
obligations et les clauses limitatives ou exonératoires de
responsabilité est désormais fondée sur le critère
de la prestation, objet de la promesse. Toutefois, en dépit de ce
critère, la distinction en question reste purement difficile car parfois
les deux types de clauses sont indissociables en pratique. Et la jurisprudence
a encore des hésitations quant à retenir l'une ou l'autre
qualification à propos du grief soulevé.
C'est ainsi que dans une décision du 22 novembre 1978,
la première Chambre civile de la Cour de cassation a requis le
caractère de clause délimitant l'obligation au sujet d'une clause
manifestement limitative de responsabilité. En l'espèce le
vendeur d'un engrais fait figurer sur les étiquettes un avertissement :
« le produit peut être dans certaines utilisations inefficace et
même nuisible ». La question soulevée était de
savoir si cette clause était limitative d'obligation ou
exonératoire de responsabilité.
La même ambiguïté s'est soulevée
à propos de l'affaire Loto .Dans cette affaire il était question
d'une clause d'un règlement du Loto qui prévoyait qu'au cas
où le bulletin d'un joueur ne serait pas acheminé et
traité par l'ordinateur central, la société de Loto ne
rembourserait que la mise. Or, dans cette espèce, ce furent les
préposés de cette société qui acheminèrent
et traitèrent (mal) ces bulletins. Il fallait rechercher si cette
clause était délimitative d'obligation ou limitative de
réparation. La Cour de cassation a traité la clause comme
délimitant l'obligation alors que pour la doctrine ce serait une clause
limitative de responsabilité. Cette tendance va en grandissant car les
tribunaux s'engouffrent de plus en plus dans un tâtonnement incroyable.
Par exemple, ils ont traité de clause limitative de
responsabilité les conditions générales d'un contrat de
vente de meubles qui énonçaient que les délais de
livraison étaient « indicatifs ».Or cette clause
représentait la caractéristique d'une clause de
délimitation d'obligation.Cette ambiguïté s'étend
même à la transformation conventionnelle d'une obligation de
résultat en obligation de moyen.
Ces différentes illustrations montrent toute la
subtilité de la distinction des clauses afférentes à la
responsabilité. Cette difficulté de distinction ne fait que
confirmer tout l'intérêt que ladite distinction peut
présenter!
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