Deuxième partie
ROLE ET SANCTIONS DE L'OBLIGATION ESSENTIELLE DANS LA
PRATIQUE CONTRACTUELLE.
D'emblée, nous devons présenter ici la notion
d'obligation essentielle dans ses aspects pratiques. Etant une notion de plus
en plus incontournable en droit des contrats, l'obligation essentielle a
évidemment un rôle capital à jouer. Ce rôle se
constate à la formation du contrat,, à son exécution et
à son extinction. Ce caractère omniprésent procure
à la notion un intérêt indéniable. En clair,
l'obligation essentielle régule les clauses afférentes à
la responsabilité (chapitre 1er). En effet la prolifération de
ces clauses, surtout dans les contrats d'adhésion, a provoqué la
méfiance du législateur et du juge. Le premier, à travers
ses outils favoris que sont les réglementations, se bat pour
établir une certaine transparence en leur sein. Quant au second,
à travers des montages juridiques tels que le forçage du contrat
(art1134 lato sensu du code civil) et surtout la notion d'obligation
essentielle ou principale, conditionne, façonne et modèle les
clauses afférentes à la responsabilité.
Outre ces clauses, l'obligation essentielle joue un autre
rôle qui n'est certainement pas le moindre. Ce dernier rôle
consiste en son intervention dans l'inexécution du contrat. En effet,
la notion d'obligation essentielle s'érige en condition de la
résolution du contrat. Cet état de fait se constate tant en droit
national qu'en droit communautaire. Ayant de telles fonctions, il est logique
que la violation de la notion ici présentée soit
sanctionnée. Dans la pratique, on rencontre deux catégories de
sanctions de l'obligation essentielle. L'une exceptionnelle et surtout
technique, c'est l'assimilation de la violation de l'obligation essentielle
à la faute lourde. Cela implique que celle-là a le même
régime juridique que celle-ci. L'autre, moins technique car classique,
c'est soit la nullité du contrat soit sa disqualification.
Au titre de cette deuxième partie nous nous
focaliserons surtout sur la pratique contractuelle. C'est dans ce sens que nous
aborderons successivement le rôle et les sanctions de l'obligation
essentielle dans deux chapitres respectifs.
CHAPITRE PREMIER : LE ROLE DE L'OBLIGATION
ESSENTIELLE
Ici deux points susciteront notre attention. Il s'agit tout
d'abord de détailler le rôle régulateur de l'obligation
essentielle sur les clauses afférentes à la responsabilité
(Section I) Ce n'est qu'ensuite que nous envisagerons l'intervention de la
notion dans la théorie de la résolution du contrat (Section
II).
SECTION I : L'OBLIGATION ESSENTIELLE ET LES CLAUSES
AFFERENTES A LA RESPONSABILITE CONTRACTUELLE
Il existe une panoplie de clauses relatives à la
responsabilité. Certaines ont pour fonction d'alourdir ou d'aggraver la
responsabilité du débiteur en cas d'inexécution par celui
ci de l'obligation contractuelle lui incombant (par exemple les clauses de
garantie). D'autres à l'inverse allègent ou limitent la
responsabilité du débiteur ou encore servent à
écarter purement et simplement toute responsabilité:
- soit elles portent sur le contenu obligatoire donc sur
l'obligation elle même.
- soit, ne portant pas à proprement dire sur
l'obligation elle même, elles se bornent à façonner la
responsabilité en écartant celle-ci ou encore en réduisant
ou inversement en plafonnant la réparation conséquente de la
responsabilité.
Ces clauses sont d'une importance pratique évidente
surtout dans le domaine financier ou dans celui des affaires notamment pour
l'industriel qui désormais pourra abaisser sa responsabilité au
strict minimum. Toutefois, cette importance n'est pas apte à couvrir
toutes les vicissitudes que les clauses limitatives ou exonératoires de
responsabilité peuvent engendrer. Ces clauses, en effet, n'inspirent pas
confiance notamment vis à vis de leur acceptation par la partie
débitrice. Dans la pratique, elles ont très souvent pour
siège les contrats d'adhésion, ce qui fait qu'elles sont rarement
le fruit d'un échange de consentement. Cela ne semble pas
inquiéter outre mesure les tribunaux qui, sous le couvert de la
liberté contractuelle, se contentent d'une simple acceptation tacite du
débiteur à condition que celui-ci ait, au préalable, pris
connaissance de la clause.
Mais la tendance actuelle du droit étant
indéniablement la protection du consommateur à tout prix, ces
clauses sont de plus en plus très mal reçues. D'un point de vue
déontologique, elles apparaissent même « malhonnêtes
». De plus, ces clauses sont fortement défavorisées par la
réglementation sur les clauses abusives issues de la loi du 10 janvier
1978. Par ailleurs, l'article L 132-1 du code de la consommation, transposant
la directive européenne du 5 avril 1993 sur les clauses abusives dans
les contrats conclus entre consommateurs et professionnels, stipule clairement
que : « Dans les contrats conclus entre professionnels et non
professionnels ou consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet
ou pour effets de créer au détriment du non professionnel un
déséquilibre significatif entre les droits et obligations des
parties au contrat ».
L'alinéa 2 de cet article précise que les
clauses abusives sont déterminées par décret en Conseil
d'Etat. Le décret numéro 78-464 du 24 mars 1978 a
été pris dans ce sens. Ce décret a déclaré
abusives les clauses exonératoires ou limitatives de
responsabilité dans les contrats de vente (mais pas dans les contrats
de services). En 1991, une décision, de la Cour de cassation a
donné l'aptitude au juge de déclarer abusives les clauses non
prévues par le décret de 1978.
La diversité des clauses afférentes à la
responsabilité nécessite une distinction (Paragraphe I)
après cette dernière nous démontrerons l'influence de
l'obligation essentielle sur elles (Paragraphe II).
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