SECTION II :
L'ENSEIGNEMENT MILITAIRE SUPERIEUR, UN ATOUT INDISPENSABLE A LA CULTURE
MILITAIRE CAMEROUNAISE
A l'étranger comme au Cameroun, l'enseignement
militaire supérieur confère aux officiers une formation
concrète, s'appuyant sur des cas réels vécus dans de
grandes administrations, ainsi que dans les différents Etat-majors
centraux ou interarmées tant nationaux qu'internationaux. Il s'agit dans
les lignes suivantes d'étudier la culture militaire à la
lumière des programmes d'enseignement dispensés dans les
écoles d'enseignement militaire supérieur tant au Cameroun
(paragraphe I) qu'à l'étranger, en France et en Chine en
particulier (paragraphe II).
PARAGRAPHE I : LES ECOLES
D'ENSEIGNEMENT MILITAIRE SUPERIEUR AU CAMEROUN, DES ECOLES DE METHODE, DE
PROCEDURE ET DE TECHNIQUES
Au Cameroun, c'est le décret N° 2005/014 du 13
janvier 2005, qui porte organisation de l'enseignement militaire
supérieur. En effet, selon l'article 3 de ce décret,
l'enseignement militaire supérieur comporte trois niveaux de
formation : l'enseignement militaire supérieur
préparatoire ; l'enseignement militaire supérieur de premier
degré et l'enseignement militaire supérieur de second
degré. Le Décret N°2005/015 du 13 janvier 2005 portant
création et organisation du centre de l'enseignement militaire
supérieur, quant à lui, précise que le centre de
l'enseignement militaire supérieur assure les trois enseignements
pré-cités. Ce centre relève du commandement des
écoles et centres d'instruction Interarmées (COMECII) (article 2
al 1et 2). L'Ecole d'Etat-major (EEM) est chargée de l'enseignement
militaire préparatoire et de l'enseignement supérieur de
1er degré (article 9)(A), tandis que l'article 16 souligne
que l'enseignement militaire du second degré est assuré par
l'école nationale d'enseignement militaire supérieur
dénommée « Cours Supérieur
Interarmées de Défense » (CSID)(B).
A-L'ECOLE D'ETAT-MAJOR DU
CAMEROUN, LA GRANDE ECOLE DE COMMANDEMENT
Avant l'entrée en vigueur des décrets de 2005
sus-cités, l'EEM ne représentait qu'une division de l'EMIAC.
Cette école depuis peu est une Ecole Nationale à Vocation
Régionale (ENVR). Créée dans le but de réduire le
nombre de stagiaires étrangers, dans les écoles militaires
françaises, le concept d'Ecole Nationale à Vocation
Régionale permet : d'adapter la formation des stagiaires
étrangers aux réalités locales et régionales tout
en assurant à terme leur appropriation par les Etats dans lesquels elle
sont implantées, d'ouvrir l'accès des pays de la zone de
coopération de défense à une formation d'élites et
d'experts « à la française » (« la
formation en France », 2007). L'Ecole d'Etat-major assure
l'élaboration des programmes de formation (article 9 du décret
N°2005/015 du 13 janvier 2005). Cependant, étant une ENVR,la France
est associée à la définition des programmes de formation,
le respect de ce critère est assuré par la présence
systématique d'un directeur des études( ou fonction
équivalente) et de coopérant militaire français au sein de
chaque ENVR (Frère d'Armes N° 205,2006 :12). Ainsi,
l'admission à l'Ecole d'Etat-major se fait sur concours organisé
par l'école (article 9 du décret N°2005/015 du 13 janvier
2005). La réussite aux épreuves du cycle de formation
préparatoire, donne accès au diplôme d'Etat-major
(« la formation en France », 2007). Pour chaque formation
dispensée, des quotas de place sont réservés aux pays
hôtes et aux pays tiers ; cette répartition théorique
varie selon les types de formations proposées au sein des ENVR. Ainsi,
les places réservées aux pays hôtes varient de 25 à
50 % (Frères d'armes N° 205, 2006 :12). La formation
dispensée dans cette école concerne tant l'enseignement
général, les techniques d'Etat-major que l'enseignement
opérationnel. Ce dernier présente des connaissances sur les
armées, tant camerounaises que françaises, ainsi que les
techniques opérationnelles. Les techniques d'Etat-major portent sur des
généralités sur les Etats-majors, les travaux d'Etat-major
et les rédactions de documents d'Etat-major. L'enseignement
général quant à lui intègre les cours de relations
internationales ; de politique de défense du Cameroun, de
société défense ; de géopolitique et de
stratégie ; le droit des conflits armés ; l'anglais
opérationnel...
Aussi, constate-t-on que les officiers camerounais,
étudiant dans cette école approfondissent-ils non seulement leurs
connaissances sur l'armée camerounaise, la politique de défense
du Cameroun, la stratégie en générale, mais aussi
s'enrichissent-ils de l'expérience française en matière de
défense.
-La politique de défense du
Cameroun
La politique de défense camerounaise est basée
sur la « défense populaire ».le concept de
« défense populaire renvoie à l'énonciation d'un
principe, et se traduit par un choix stratégique » (Ela Ela,
2001 :151).
Le principe est celui de la république en armes,
c'est-à-dire que toutes les forces vives, ressources et énergie
sont engagées dans la défense. Ainsi, la défense populaire
est l'expression de la « capacité de la nation à
mobiliser toutes les énergies susceptibles d'assurer la
sécurité du pays et la sauvegarde de nos conquêtes dans la
voie du progrès » (Biya, 1983 :177-178). Elle est la
combinaison des efforts des actions menées concurremment par les forces
régulières et la population, armée ou non. Plus
prosaïquement, et de manière schématique, la défense
populaire est la réaction du paysan, de l'ingénieur, de
l'instituteur, du commerçant, du marabout ou du pasteur qui, sans trop
maugréer, donne sa vie ou celle de ses enfants pour défendre son
champ, son laboratoire, son école, son négoce, son minaret...
C'est la réaction du citoyen qui, en mettant toute son ardeur, est
prêt à se faire tuer pour défendre, contre un agresseur ou
un envahisseur sa patrie en danger.
En ce qui concerne le choix stratégique, la
défense populaire, pour être en accord avec l'idée
démocratique, doit être défensive et dissuasive (Ela Ela,
201 :152). Aussi, la recherche de la paix passe-t-elle par la
maîtrise des potentialités militaires dissuasives d'agression
extérieure (Mouelle, 1996 :65). De ce fait, privilégiant la
prévention et la dissuasion conventionnelle, la politique de
défense du Cameroun se fonde sur la recherche permanente
d'équilibre interne stable, sans volonté belliqueuse ou
expansionniste (Fame Ndongo, 2001). Une politique de paix impose d'avoir un
appareil défensif si efficace que toute pensée d'agression soit
découragée chez les plus insolents et les plus rapaces. En effet,
la stratégie défensive a pour but de décourager un
adversaire de prendre ou de poursuivre l'offensive (Reysset et Widemann,
1997 :62). L'armée ici joue un rôle d'avant-garde, encadrant
les masses populaires contre l'ennemi. Dans ce sens, Mao Zédong
cité par Philippe Moreau Defarges déclare « :
quelle est la muraille vraiment indestructible ? Ce sont les masses, les
milliers et les millions d'hommes, qui, de tout leur coeur, de toute leur
pensée soutiennent la révolution » (Moreau
Defarges, 1922 :46).
Les moyens militaires de ce jeune Etat qu'est le Cameroun
sont essentiellement affectés à la préservation de la
sécurité et de l'intégrité du territoire national.
L'effectif des forces armées camerounaises est relativement
modeste,comparé à ceux d'Etats comme l'Egypte,l'Afrique du sud,
le Nigeria, le Maroc...( De Lestapis et Viaud,1987 :138). On peut
s'interroger sur la capacité de ces forces à repousser, à
elle seules, toute agression extérieure ou à mener une longue
guerre d'usure. Aussi le Cameroun s'est-il placé sous la protection de
la France. Avec ce pays, un accord de soutien logistique a été
conclu le 14 février 1974. Cet accord n'a jamais été
publié et ses clauses demeurent secrètes. Les dispositions de
l'accord de coopération militaire franco-camerounaise sont quant
à elles connues (Mouelle, 1996 :64). Selon Viaud et De
Lestapis, « le Cameroun apparaît comme l'un des pays de
l'Afrique ayant le plus investi dans l'effort de défense » (De
Lestapis et Viaud, 1987 :140). L'on peut relever que le ministère
de la défense dispose généralement d'une des enveloppes
les plus substantielles du budget de l'Etat, bien loin devant le
Ministère des Relations Extérieures. En 1986/1987 par exemple,
sur une enveloppe globale de 800 milliards, le budget de la défense
s'élevait à 51,61 milliards de FCFA (franc de la
communauté financière africaine) et venait en deuxième
position après celui de l'éducation nationale : 70,79
milliards et bien loin devant celui des relations extérieures :
6,73 milliards. Les principaux pourvoyeurs en moyens de défense et
fournisseurs d'armement sont les Etats-Unis, la France, la Grande Bretagne,
l'Allemagne Fédérale, le Canada, la Suède, l'Israël
et la Chine (Mouelle, 1996 :65).
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