Le processus de formation de la culture strategique camerounaise: Analyse du role des écoles militaires( Télécharger le fichier original )par Aicha PEMBOURA Université Yaounde 2(Soa) - Cameroun - Diplome d`etudes approfondies - Master2 en science politique 2005 |
B- UN PROGRAMME D'ENSEIGNEMENT REFLETANT UNE CULTURE MILITAIRE BASEE SUR LES SPEFICITES NATIONALESLa culture militaire est comprise comme la capacité à raisonner et à se situer à partir de connaissances. C'est dans cet esprit que le Général De Gaulle estimait la culture générale comme l'école du commandement dans la mesure où, en garantissant la compréhension de son action et de son environnement, elle permet au militaire d'agir en homme de réflexion et de réfléchir en homme d'action (Directive Initiale ; culture militaire, 2007). Ainsi, dans le but de connaître les questions sur lesquelles se porte la réflexion des militaires dans les écoles de formation, nous procéderons par une étude de quelques disciplines dans le programme de formation. Nous avons dans cette perspective vu que ce programme de formation porte sur la défense nationale, la géopolitique, l'histoire militaire, les relations internationales. La réflexion sur la défense nationale suppose que l'on ait à l'esprit sa contingence et sa logique. Au Cameroun, il existe des textes qui peuvent y aider. Politiques, stratégiques, juridiques, ils représentent l'expression d'une volonté de défense nationale. La constitution du 18 janvier 1996 organise la répartition des pouvoirs et des responsabilités entre les grands acteurs de la politique de défense : le Président de la République, chef des forces armées ; le gouvernement ; le Premier Ministre. L'ordonnance N°59/57 porte création le 11 novembre1959 de l'armée camerounaise et organisation générale de la défense14(*). En réalité, seule l'armée de Terre voit le jour. Elle comprend alors deux compagnies de combat formées d'éléments autochtones en service dans l'armée française et les 300 recrues du premier contingent (Novembre 1959), (Honneur et Fidélité, 2005 :12). Quelques mois plus tard, la gendarmerie prend corps à la faveur de la fusion des auxiliaires français et de la garde indigène. L'ordonnance N°60/20 du 22 février 1960 organise et réglemente ce corps orienté vers le maintien de l'ordre public et la police judiciaire. Cette orientation est confirmée par décret N° 60/280 du 31 décembre 1960. Le premier organigramme du Ministère des Forces Armées date du 27 octobre 1960 (décret présidentiel N°60/198). Ce premier organigramme est modifié quelques semaines plu- tard, par décret N°60-248 du 30 décembre 1960 qui allège la structure. Le Ministère est articulé autour de la direction du cabinet, la direction des services centraux, un organisme de liaison opérationnelle comprend un commandement de l'Armée et un commandement de la gendarmerie nationale. Le commandement de l'Armée a sous son autorité les unités de forces terrestres et aériennes. Quatre secteurs comprenant chacun des quartiers militaires sont crées par décret N°60-267 du 31 décembre 1960. La naissance de la Marine remonte au 9 décembre1960 par la création au sein de la gendarmerie nationale du détachement marin de la gendarmerie relevant de la légion de Douala. Ce détachement est érigé en Marine fédérale en 1961. L'armée de l'air naît la même année, sous l'appellation d'escadrille comprenant des aéronefs offerts par la France (à l'instar des broussards). 1966 est une année charnière pour la gendarmerie qui est [camerounisée] et érigée en délégation générale (Décret N° 66/DF/54 du 7 février 1966). Le commandant supérieur, jusque là officier français, est remplacé par un haut fonctionnaire camerounais ayant le titre de délégué général. C'est le début de la camerounisation des structures de l'armée camerounaise. Le commandement de l'Armée de l'Air est organisé par décret N°66/DF/282 du 18 juin 1966. Le commandement de la Marine Nationale est aussi organisé par décret N°66/DF/281 du 18 juin 1966. Le commandement de l'armée de terre est organisé par le décret N°66/DF/280. Après cette première période, marquée par la création d'une armée camerounaise avec pour vocation initiale le maintien de l'ordre, s'amorce une deuxième phase, marquée par une longue période de consolidation non seulement de l'Etat camerounais, mais aussi de son armée. Cette période est marquée par une nouvelle donne : l'unification du Cameroun en 1972. De ce fait la loi N° 67/LF/9 du 12 juin 1967 portant organisation générale de la défense et l'Instruction présidentielle N°16/CAB.PRU du 01er septembre 1972 sur la conduite des efforts de défense définissent les responsabilités des départements ministériels. Les attributions de la défense relèvent du Ministère de la défense et sont précisées dans le décret N° 540 du 5 Novembre 1983 portant organisation du Ministère des Forces Armées et du commandement. L'Etat-major des armées, créé la même année, succède au centre de coordination interarmées. Le 5 Avril 1986, l'Armée se voit doter d'un corps national des sapeurs pompiers (décret N°86/286). La troisième phase de l'évolution de l'armée camerounaise porte sur l'importante rénovation que connaît cette armée depuis 2001. Ainsi, dans le but d'arrimer l'armée camerounaise à une nécessaire adaptation aux grandes évolutions, « les maîtres mots de cette importante rénovation sont la cohérence, l'efficacité et la professionnalisation. Cohérence c'est-à-dire adaptation de nos forces armées à l'organisation territoriale de notre pays dans un souci d'efficacité accrue pour garantir notre liberté, notre souveraineté et notre indépendance, participer à la stabilité régionale, participer au développement national, respecter nos engagements internationaux » (Fame Ndongo, 2001). -Les acteurs de la défense nationale Les grands acteurs de la défense nationale sont au niveau suprême et à l'échelon gouvernemental. Le chef de l'Etat est le chef constitutionnel des forces armées nationales. A ce titre, le chapitre 1er (article 8 alinéa 2) de la constitution15(*) camerounaise du 18 janvier 1996 dispose que le président de la République est « le chef des forces armées ». L'alinéa 3 du même article précise que le Président de la République « veille à la sécurité intérieure et extérieure de la République » ; l'alinéa10, quant à lui, précise qu'il « nomme aux emplois civils et militaires de l'Etat ». L'article 9 du même chapitre énonce que « le Président de la République peut, lorsque les circonstances l'exigent, proclamer par décret, l'état d'urgence qui lui confèrent des pouvoirs spéciaux dans des conditions fixées par la loi » (alinéa 1). Par ailleurs, « le Président de la République peut, en cas de péril grave menaçant l'intégrité du territoire, la vie, l'indépendance ou les institutions de la République, proclamer par décret, l'état d'exception et prendre toutes mesures qu'il juge nécessaires. Il en informe la nation par voie de message » (alinéa2). De même la loi N°67/LF/9 du 12 Juin 1967, portant organisation générale de la défense dispose en son article 6 que « le président de la république veille à la sécurité intérieure et extérieure de l'Etat. Il définit la politique de défense et pourvoit à sa mise en oeuvre ». Le chef de l'Etat dispose également d'un Etat-major particulier placé sous son autorité.16(*) Celui-ci est chargé de « tenir le président au courant de toutes les affaires militaires » (article 3). Ces différentes dispositions juridiques confèrent au Président de la République l'ensemble des pouvoirs en matière de défense nationale et particulièrement en matière de défense militaire. Cette situation est à mettre en relation étroite avec la nature constitutionnelle du régime camerounais qui est présidentiel ( Ela Ela, 2001 :160). Si en France le Premier Ministre « dispose de la force armée » (article 20, constitution française de 1958), et « est responsable de la défense nationale » (article 21), au Cameroun, il n'a aucune prérogative en matière de défense militaire. Le Ministre de la Défense de son gouvernement est « Délégué à la présidence » donc ne relève pas de son autorité directe. De même, en France l'article 33 de la constitution française de 1958 dispose que « la déclaration de guerre est autorisée par le parlement », ce qui laisse penser que le parlement français a un droit de regard en matière de défense militaire. Au Cameroun, par contre, aucune disposition de ce type n'est dévolue à l'Assemblée Nationale ; il revient au chef de l'Etat de « (...) décréter pour tout ou partie du territoire national, (...) la mobilisation » (article 2 in fine de la loi du 12 juin 1967). L'Assemblée nationale n'intervient en matière de défense militaire que lors du vote du budget du ministère de la défense et des lois sur la défense nationale (article 26, alinéa 4 de la constitution du 18 janvier 1996). Au Cameroun, ce monopole présidentiel sur les questions de défense militaire peut se traduire par le fait que, élu au suffrage universel direct, le Président de la République tire la légitimité de la décision d'engager le pays dans une action coercitive intérieure ou extérieure directement de l'ensemble du peuple national (Ela Ela, 2001 :160). - La géographie et la géopolitique Le Cameroun fait la politique de sa géographie en matière d'autoprotection. Sun tzi indique à ce propos que le choix du terrain pour l'affrontement et le cheminement des troupes résulte de la connaissance « avec exactitude et dans le plus infime détail de tout ce qui vous environne, les couverts (forêt ou bois), les obstacles (fleuves, rivières, ruisseaux, marécage), les hauteurs (montagnes, collines, buttes), les espaces libres (plaines, vallées à faibles pentes), c'est-à-dire tout ce qui peut servir ou nuire à vos troupes » (Encel, 2000 :26). Le Cameroun, territoire de forme triangulaire, se situe presque au coeur de l'Afrique et se présente comme une transition entre ses régions équatoriales, forestières et ses régions sahéliennes, désertiques. Le relief est extraordinairement varié. A une plaine côtière succèdent de grands ensembles montagneux à l'ouest et au sud-ouest (le mont Cameroun culmine 4070m). Le réseau fluvial est très dense ; c'est un avantage, dans la mesure où montagnes et fleuves sont souvent des barrières naturelles. On ajoutera à cela le fait que le Cameroun a un débouché sur l'océan Atlantique, avec une façade maritime d'environ 365 kilomètres, ce qui peut lui permettre de développer une stratégie de défense navale. Pour ce qui est des handicaps, ils sont relatifs à la multiplicité des frontières terrestres, Six au total (Kombi, 1996 :63). Le Cameroun partage en effet, 3418 kilomètres de frontières terrestres avec le Nigeria à l'Ouest, le Tchad et la Centrafrique à l'Est, le Congo, le Gabon et la Guinée Equatoriale au sud ; et 504 kilomètres de frontière maritime avec le Nigeria et la Guinée Equatoriale au Sud-Ouest. La situation interne de certains de ces pays est caractérisée par l'instabilité. Les frontières tant septentrionales que méridionales, faites d'un découpage généralement artificiel, se caractérisent également par une certaine perméabilité naturelle. Du reste, le Cameroun a connu quelques contentieux frontaliers avec certains de ses voisins dont surtout le Nigeria. La Cour Internationale de Justice de la Haye dans son verdict a tranché en faveur du Cameroun dans le litige l'opposant au Nigeria sur la presqu'île de Bakassi. Il se trouve donc que le Cameroun, bénéficiant de l'arrêt de la haute cour de justice qui lui confère la souveraineté sur la presqu'île de Bakassi et d'une vaste ouverture vers le golfe de Guinée, est considéré aujourd'hui comme un pays stratégique en Afrique centrale et dans le golfe de Guinée. * 14Ce document précise dans son article 20 qu'en attendant un texte spécial régissant l'armée camerounaise en gestation , les textes français sont appliqués en ce qui concerne l'administration et la discipline. * 15 Loi N096/06 du 18 janvier 1996 portant révision de la constitution du 02 juin 1972 * 16 Décret N°83/539 du 5 novembre 1983 portant création d'un Etat major particulier du Président de la République. |
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