C. La remise en cause de l'importance du titre de transport
dans les Etats en voie de développement
Dans les pays en voie de développement, tel le
Sénégal, il convient de se réinterroger sur la vraie place
du titre de transport en l'absence d'un « contrôle rigoureux »
de l'activité de transport maritime, du moins quand il s'agit de
transport de personnes, surtout dans ce que le législateur appelle
« le secteur interlope dont les acteurs agissent souvent en marge de la
réglementation»32qui accentue l'insécurité
dans le transport de passagers. Tel est le cas dans la capitale du pays et
précisément à l'île de NGOR où l'exemple de
l'accident survenu dans la seconde moitié des années 90 est assez
édifiant.
L'importance du titre de voyage, même dans le domaine
que le législateur qualifie de moderne et relativement bien
agencé, est à revoir. Et la tragédie du joola du 26
septembre 2002 est assez révélatrice des insuffisances dans ce
domaine. Quand on note que, seulement un mois et dix jours après
l'entrée en vigueur du nouveau code de la marine marchande dans lequel
le législateur se fixe pour objectif de pallier à l'«
insécurité » qui caractérisait et caractérise
encore le transport maritime sénégalais, survient le naufrage le
plus meurtrier de l'histoire, sur toute la planète et en temps de
paix33. Et précisons que le nombre de places prévues
ne faisait même pas le tiers du nombre réellement
transporté ; et dire qu'il y a eu plus de tickets vendus que de places
disponibles34.
Aujourd'hui encore ce problème reste
d'actualité. Il est en effet très étonnant que les
sénégalais, ayant retrouvé le « goût » du
transport maritime même clandestinement organisé, se jètent
sans aucune hésitation dans ce qu'ils conçoivent comme
étant l'ultime issu de secours vers un Eldorado très incertain.
De toutes les manières dans ce secteur clandestin de transport
d'émigrants le
32 Exposé des motifs de la loi 2002-22 du 16 Août
2002 portant code de la marine marchande. 33Selon
l'Encyclopédie Wikipedia le record était détenu jusque
là par : Le naufrage du ferry philippin Doha Paz qui a pris feu et
sombré après une collision avec un pétrolier le 20
décembre 1987 et a fait officiellement : 1586 morts,et le naufrage du
Titanic ( avec 1513 morts) alors que le ferry sénégalais a
sombré avec officiellement 1863 victimes.
34 Selon le rapport d'enquête technique ayant
suivi le naufrage il y a eu 809 billets vendus pour 550 places prévues
pour le navire, avec en plus les passagers pour qui le transport était
gratuit (les militaire, leurs familles, les enfants, etc.) et les
resquilleurs
titre de voyage n'a quasiment aucun rôle à jouer. Il
n'y a pas la place qu'il aurait dû y avoir.
Ce titre de voyage, dont la valeur réelle, au
Sénégal, est on ne peut plus controversée, ne produit pas
d'effets qu'à l'égard des parties, surtout en son contenu relatif
à l'obligation de sécurité. Il recèle une sorte de
stipulation pour autrui qui connaît une application assez
spéciale.
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