Paragraphe2 Les quanta de la sanction
La substance de la sanction varie d'une part selon son origine
et d'autre part selon le manquement pour lequel il est établi. Ainsi on
assiste tantôt à la réparation du préjudice
causé au passager (A) et tantôt à l'interdiction qui
affecte l'exploitation du navire en cause (B) sans pour autant oublier de
rappeler les sanctions liées aux infractions pénales dont le
quantum ne diffère presque pas de celui rencontré dans le droit
commun.
~~ La réparation du préjudice
Le professeur Didier Martin affirme à juste titre que
la responsabilité civile désigne le régime de la sanction
de réparation encourue du fait du dommage causé à autrui.
La sanction en elle même se manifeste par l'octroi de dommages et
intérêts. Ceux-ci sanctionnent une inexécution partielle ou
totale ou une mauvaise exécution du débiteur. En effet la
défaillance du débiteur le met en devoir de réparer le
préjudice éventuellement souffert par le créancier du fait
de l'inexécution. Et l'article 133 du COCC prévoit que «Le
préjudice est en principe réparé par équivalence en
allouant à la victime des dommages et intérêts. » et
l'article 134 ajoute que « Les dommages et intérêts doivent
être fixés de telle sorte qu'ils soient pour la victime la
réparation intégrale du préjudice subi ». Ce principe
est un peu remis en cause en matière maritime. Il s'agit d'un domaine
où la responsabilité est limitée. C'est ainsi que
l'article 479 du code de la marine marchande dispose que : « la
responsabilité du transporteur, en cas de mort ou de lésions
corporelles d'un passager est limitée à un montant fixé
par la convention relative au transport par mer de passagers et de leurs
bagages adoptée le 13 décembre 1974. » il ajoute qu'une
limite de responsabilité per
capita plus élevée peut être fixée
par décret. Le problème avec cette disposition c'est qu'elle
renvoie à une convention qui n'a pas été ratifiée
par le Sénégal. Mais si l'on s'en tient aux propos du professeur
Ibrahima Khalil Diallo cela ne change rien à son applicabilité en
ce qui concerne en tout cas l'indemnisation des victimes du joola, car la loi
ne renvoie pas à toute la convention mais seulement à une
disposition de cette convention84. Si l'on s'en tient aux
barèmes prévus par cette convention chaque victime du joola
devrait recevoir prés de 37 millions de francs CFA or cette même
convention prévoit une limitation des indemnités à un
plafond de 25 millions de francs CFA. Passé ce montant les plafonds ne
s'appliquent plus. Ce qui fait que les sommes prévues deviennent
inopératoires.
La réparation du préjudice subi par le passager
ou par ses ayants droits se fait la plupart du temps par l'octroi de dommages
et intérêts. Et il n'y a pas de distinction selon qu'il s'agisse
de responsabilité d'origine contractuelle ou délictuelle.
Dès lors qu'il s'agit d'une responsabilité civile, la
réparation se fait par l'octroi de dommages et intérêts. Il
en est de même quand la victime se porte partie civile dans le cadre d'un
procès pénal. En dehors de la réparation civile d'autres
sanctions peuvent être prononcées contre le transporteur fautif.
Telle est le cas des sanctions administratives qui se résument quasiment
à une interdiction qui porte d'une manière ou d'une autre sur
l'exploitation du navire.
13- L'interdiction relative à
l'exploitation du navire
La navigation maritime est soumise à des conditions de
sécurité. Cette soumission se manifeste à travers
l'obligation de détenir des titres de sécurité. En effet,
le transporteur n'obtient ces titres que si le navire qu'il exploite
obéit aux normes minimales de sécurité. Par la
délivrance du permis de navigabilité, l'autorité maritime
peut exercer un contrôle a priori sur la conformité du navire. Il
lui est même possible d'exercer, a posteriori, ce contrôle. Au cas
où le transporteur ne respecterait pas son obligation de maintenir le
navire en bon état de navigabilité, ce
84 C'est ce qui ressort de la démonstration
que fait cet auteur sur l'applicabilité de la convention dans son
article « quelle indemnisation pour les victimes du joola ? » In
Africajuris n°70 du 03 au 09 juillet 2003.
qui est le principal fondement à la bonne
exécution de l'obligation de sécurité qui pèse sur
lui, l'autorité maritime peut lui refuser l'obtention du permis de
navigabilité. L'autorité maritime tient cette prérogative
des articles 15 et 32 combinés, et des articles 37 et suivants du code
de la marine marchande. Ce code, par pure logique, met aussi à la
disposition de l'autorité maritime des moyens juridiques pour lui
permettre de retirer les autorisations qu'elle avait délivrées au
transporteur. C'est ce qui ressort du dernier alinéa de l'article 49 du
code précité. Elle peut aussi, hormis la faculté qu'elle a
de refuser le renouvellement des titres de sécurité, «
prendre toutes les mesures en vue d'empêcher le navire de quitter le port
où il se trouve » (article 37, alinéa 1er). En
plus, elle peut « interdire la navigation, ainsi que l'entrée et la
sortie à tout navire dont l'état de navigabilité est
défectueux et susceptible de constituer un danger pour la
sécurité des personnes se trouvant à bord et pour celle
des tiers, ainsi que pour toute infraction à la législation et
à la réglementation maritime. » Malgré la mise
à sa disposition de toutes ces prérogatives pour assurer une
protection efficace aux passagers, il est déplorable que, dans les pays
en voie de développement, l'autorité maritime ne fasse pas usage,
du moins pas avec toute la rigueur qu'il faut, des pouvoirs dont elle dispose
pour assurer une plus grande sécurité dans la navigation
maritime. C'est ainsi que dans le rapport d'enquête technique qui a suivi
le naufrage du Joola, il a été
reproché à l'autorité maritime de n'avoir pas fait usage
de son pouvoir de retenir le navire à quai, alors qu'elle disposait de
tous les moyens nécessaires à cet effet ; pourtant, toutes les
conditions étaient réunies pour que ce navire ne puisse pas
appareiller dans l'intérêt des passagers qui y avaient
embarqués.
L'interdiction qui affecte l'exploitation du navire et la
réparation du préjudice causé, par l'engagement de la
responsabilité civile ne sont pas les seules sanctions susceptibles
d'être appliquées au transporteur malveillant. Cependant, elles
sont les plus fréquentes. Il va sans dire qu'il existe d'autres
sanctions qui peuvent être prononcées à l'encontre du
transporteur fautif. Il en est ainsi des sanctions pénales qui
accompagnent les infractions à la réglementation maritime. Pour
se dégager face à ses créanciers, le transporteur peut se
prémunir contre l'engagement de sa responsabilité en excipant une
exonération.
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