Section2 Les causes d'exonération de la
responsabilité du transporteur
Elles varient selon la nature du dommage. Et la doctrine ainsi
que la jurisprudence distinguent le dommage individuel du dommage collectif.
Cette distinction suit celle de l'accident individuel qui est opposé
à l'accident collectif ou pour certains le sinistre majeur. Selon le
caractère de l'accident les causes d'exonérations varient. Le
transporteur ne dégage sa responsabilité devant un accident
collectif que si ce dernier provient d'un cas de force majeure (paragraphe 1)
mais il se dégage face à un accident individuel par la faute du
passager (paragraphe 2).
Paragraphel La force majeure
La responsabilité du transporteur est
sévère en cas d'accident collectif ou sinistre majeur (Pour P.
Bonassies « un sinistre majeur est un sinistre qui affecte la
sécurité du navire dans son entier, ou est à tout le moins
susceptible d'affecter cette sécurité (un incendie partiel) et
qui peut toujours se développer et s'étendre à la
totalité du navire ».). L'obligation de sécurité qui
pèse sur le transporteur n'en est pas pour autant, seulement, une
obligation de résultat, faisant peser sur lui une présomption
irréfragable de faute quelque soit l'événement à
l'origine de l'accident. Elle reste une obligation de moyens, mais une
obligation de moyens renforcée par une présomption simple de
faute quelque soit l'événement à l'origine de l'accident
que le transporteur peut renverser en prouvant que ni lui, ni son
équipage n'ont commis de faute ou de négligence à
l'origine du sinistre. Toutefois, Monsieur Bonassies85 se prononcent
en faveur de l'obligation de résultat du transporteur, car si
d'après les textes le débiteur peut s'exonérer en prouvant
qu'il n'a pas commis de faute (présomption simple), en pratique il ne le
peut pas, car les tribunaux appliquent cette cause d'exonération de
manière très restrictive. Ce qui est exigé de lui c'est la
preuve que le dommage provient d'un cas de force majeure. Il faut alors
préciser les
85 Jurisclasseur commercial, Fasc. 1278, n° 34
caractéristiques de cette force majeure (A) avant d'en
venir aux limites posées quant à cette exemption de
responsabilité (B) .
A.- Caractéristiques de la force majeure
Les tribunaux appliquent l'exonération par la force
majeure de manière très restrictive. La simple preuve que la
cause de l'accident reste inconnue ne suffirait pas à le libérer.
Il faudra donc qu'il établisse la cause du sinistre d'abord et qu'il
parvienne à démontrer que ni lui, ni ses préposés
ne sont à l'origine du dommage. Pour cela il faut que la cause du
naufrage remplisse les conditions de droit commun de la force majeure. Ainsi
selon, le professeur Didier Martin : « la responsabilité du
débiteur défaillant doit cesser d'être engagée
chaque fois que l'inexécution définitive apparaît
justifiée par une circonstance invincible. » En effet il estime
raisonnable qu'il n'y ait lieu à aucune réparation lorsque, par
suite de la de force majeure le débiteur a été
empêché de faire ce à quoi il était
obligé.86Et l'article 129 du COCC ajoute que «Il n'y a
pas de responsabilité si le fait dommageable est la conséquence
d'une force majeure ou d'un cas fortuit, c'est-à-dire d'un
événement extérieur, insurmontable et qu'il était
impossible de prévoir ». Il faut donc que l'événement
soit extérieur, insurmontable et imprévisible. La rigueur dont
les tribunaux font preuve dans l'appréciation de la force majeure, qui
est assimilée au cas fortuit s'explique par l'avancée des
technologies. Aujourd'hui en effet, si les nouvelles techniques d'information
et de communication sont à la disposition de tout un chacun, il s'y
ajoute que l'obligation de maintenir le navire en bon état de
navigabilité impose aux transporteurs de se conformer aux normes. De
toutes les façons l'exonération par la force majeure n'est pas
absolue puisque dans certaines conditions elle ne saurait courir. Il s'agit en
effet d'une limitation du champ de cette exonération.
86 Droit civil et commercial sénégalais,
Le dénouement de l'obligation contractuelle,..., b) les cause
exonératoires ; NEA, 1982, Abidjan Lomé Dakar.
13- Les limites au champ de l'exonération
par la force majeure
A coté des conditions exigées pour pouvoir
bénéficier de l'exonération de responsabilité
(conditions relatives à l'événement constitutif de force
majeure), le législateur pose d'autres conditions négatives qui
sont en réalité des limites au bénéfice de
l'exonération pour cause de force majeure. Il s'agit d'abord de la
commission d'une faute par le débiteur. L'article 129 in fine
précise d'ailleurs que : « La faute de l'auteur du dommage annule
l'effet exonératoire du cas fortuit ou de force majeure s'il est
établi que sans elle cet évènement aurait
été sans effet sur l'acte de l'auteur du dommage. » Et
l'article 477 du code de la marine marchande ajoute que l'exonération de
responsabilité ne court pour le transporteur que s'il apporte la preuve
que: l'accident n'est imputable ni à sa faute ni à sa
négligence, ni à celles de ses préposés. Il
apparaît clairement que la commission d'une faute par le transporteur est
de nature à annihiler les effets de la force majeure quant à
l'exonération. A cet effet il convient de préciser qu'une simple
négligence suffit pour que l'exonération ne puisse pas courir. Le
législateur précise que l'auteur de la faute importe peu. L'effet
est le même que la faute ou la négligence proviennent du
transporteur ou de ses préposés.
Il faut voir dans la limitation du champ de
l'exonération pour force majeure, une consécration a contrario du
principe de précaution ou de due diligence qui est une sorte
d'obligation nouvelle pesant sur le transporteur. Ce principe est d'autant plus
important que de nos jours l'état de la technologie est telle que l'on
peut a priori être informé bien à l'avance des conditions
dans lesquelles se fera la navigation. En plus la présence à bord
de certains outils accroît le degré de sécurité dont
bénéficient les passagers. Cela peut expliquer que les tribunaux
soient beaucoup plus enclins à faire preuve d'une plus grande
intransigeance à l'égard du transporteur.
Les causes de l'exonération de la responsabilité
ne se limitent pas à la force majeure ou au cas fortuit, elles vont bien
au-delà et englobent aussi les fautes du passager que l'on cherche
à protéger...
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